L'idéal, pour un chroniqueur, c'est de ne pouvoir parler que de musique et de rien d'autre. L'idéal musical, dans sa perception artistique et parfaite, est intemporel et n'a besoin que de lui-même pour vivre. Cependant, la réalité est tout autre : on ne peut pas s'empêcher de voir dans le Requiem de MOZART le résonnement de la mort de ce dernier ; quand JUL propose des albums gratuits, surtout dans un contexte socio-économique ultra-libéral, ça ne peut pas passer inaperçu ; et ne parlons même pas des albums/artistes censurés pour leurs idées.

De la même manière, on ne peut écarter le contexte entourant le dernier album des PIROUETTES, notre cher duo de synthpop français. En effet, dès la pochette, Équilibre met bien en exergue le 'drame' secouant les fans : Vicky Chérie et Leo Bear Creek se sont séparés. Pour autant, et par amour de la musique sans doute, l'aventure continue. Forcément, quand on connaît ce contexte, impossible de voir à quel point l'homme et l'artiste sont confondus - chose inévitable, n'en déplaise à certains cinéphiles en fuite.

Dès lors, on peut se poser la question du ton choisi sur Équilibre. Est-ce que The PIROUETTES se laissent aller à la tristesse, la colère ? Le style a-t-il fondamentalement changé ? La réponse est : oui et non, et pas totalement. Dès les deux premières chansons ("Allô" et "Encore un peu d'amour"), le duo fait un peu peur, à se frotter à des rythmes modernes pas forcément au goût de certaines élites musicales, et il faut donc attendre "Oulala" pour retrouver Vicky et Leo tels qu'on les a connus précédemment.

Pour autant, Équilibre est surtout un album mature, sûr de lui, et qui expose bien les travers de l'amour et des relations sans sombrer dans le pathos. Si l'on sent bien la mélancolie et entend bien le message sur "Lâcher prise", en duo avec un certain Timothée Joly, on peut pour autant s'ambiancer dessus, et apprécier cette science si efficace de la pop en action. Des refrains entêtants ("Il n'y a que toi"), des rythmes originaux mais finalement convaincants ("Encore un peu d'amour"), et même un je-ne-sais-quoi de nostalgique qui donne le sourire ("Oulala")… même si, pour être franc, The PIROUETTES ont fait mieux par le passé et qu'il y a encore un peu de remplissage, Équilibre est un excellent album qui parvient également à être court et concis - un peu trop même. Mais le mieux est l'ennemi du bien, ce que Vicky et Leo...

… n'ont pas compris.

Car là, je parlais du CD 1. Et oui, Équilibre est un double-album.

Le CD 2, qui permet de porter la durée totale de l'album à plus d'une heure, est tout simplement dispensable. On dirait même du recyclage des premières années du groupe, ou bien des chutes de studio considérées finalement comme potables - sans doute un mix des deux. Il y a du bon, et de loin : "Mets les voiles" commence bien les hostilités, et toujours dans la ligne thématique, "Nouveau départ" est un final poignant. Entre les deux… on va retenir à la rigueur "San Diego", assez original comparé au reste, et "Tu parles trop", vraiment émotif, mais le reste, malgré les bonnes idées disséminées ça et là, est très franchement oubliable.

C'est avec une certaine ironie que l'on revient au titre de l'album, Équilibre. Dans la vie de Léo et Vicky, la séparation y a pu aboutir, certes ; musicalement, ce n'est pas du tout le cas,. Le CD 1 aurait dû être suffisant, avec à la rigueur les meilleurs morceaux du CD 2 en bonus d'une réédition deluxe. Le potentiel reste quand même toujours là, et parler d'essoufflement paraît prématuré ; on espère juste que non seulement l'aventure continuera vraiment, mais qu'en plus elle sera meilleure plutôt qu'équilibrée.