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MUSIQUE CLASSIQUE  |  OEUVRE

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- Style : Dimitri Chostakovitch , Alfred Schnittke , Sergueï Prokofiev

Rodion CHTCHEDRINE - Concerto Pour Piano N°1 (chtchedrine) (1954)
Par SASKATCHEWAN le 15 Juillet 2021          Consultée 763 fois

J’ai un ami russe, taquin, qui ne considère comme soviétiques que les compositeurs qui ont fait l’ensemble de leur éducation musicale sous l’URSS. Cela permet de réattribuer PROKOFIEV à l’Empire, et même, avec quelques contorsions, CHOSTAKOVITCH et KHATCHATOURIAN. C’est ainsi que cet olibrius affirme, le plus sérieusement du monde, que la musique du très religieux compositeur estonien Arvo PÄRT est la quintessence du style soviétique. Haussement d’épaules chez les membres du Politburo ; sourires crispés immortalisés par les photographes de la TASS. « Dans chaque plaisanterie, il y a une part de vérité », comme disent les Russes. Il est en réalité bien difficile de dire ce que c’est, la musique « classique » soviétique. De l’outrance moderniste des années 20 à l’académisme ronflant de la période post-stalinienne, en passant par le réalisme socialiste cher au tyran géorgien, il y a souvent contradiction dans les termes. Les PROKOFIEV, les CHOSTAKOVITCH, les SCHNITTKE font certes office de porte-étendard musicaux de la période, mais c’est à leur corps défendant. L’œuvre d’un compositeur bien en cour comme Tikhon KHRENNIKOV ne suscite aujourd’hui qu’une indifférence polie.

Je propose Rodion CHTCHEDRINE*¹. Ou plutôt, c’est le Merle Moqueur qui l’a proposé dans la boîte à demandes, rendons au tsar ce qui appartient au tsar*². Pur produit du Conservatoire Tchaïkovski à Moscou, le jeune compositeur entame sa carrière au début des années 1950, quand la pression du régime sur les musiciens commence à se relâcher. Aujourd’hui, CHTCHEDRINE est avant tout connu du grand public pour avoir été le mari de la danseuse étoile du Bolchoï Maïa Plissetskaïa. Il a logiquement beaucoup composé pour le ballet. À son crédit, ajoutons que lorsqu’il était président de l’Union des compositeurs de Russie soviétique, entre 1973 et 1990, il a beaucoup fait pour défendre la liberté des artistes, y compris ceux qui s’écartaient de la ligne officielle.

J’achève là ma petite chronique mondaine. Revenons en 1954, le jeune Rodion est encore un élève prometteur du conservatoire lorsque qu’il se lance dans l’écriture de son premier concerto pour piano. Comme tous les compositeurs russes qui s’attellent à cette forme particulière, CHTCHEDRINE s’inscrit dans la tradition de TCHAÏKOVSKI et son célébrissime concerto de 1875. Dès les premières notes du « Maestoso con moto », la filiation apparaît évidente. L’introduction est majestueuse, avec un thème entraînant au piano qui répond aux envolées de l’orchestre. La suite du mouvement est plus ambivalente : après une parenthèse contemplative, le thème est repris, martelé au piano, dans une veine grotesque qui n’est pas sans rappeler CHOSTAKOVITCH.

Les deux mouvement centraux sont les plus captivants. Le « Scherzo-toccata. Molto vivo » contient une merveille de thème sautillant introduit par les cordes, puis repris par les vents. Le piano, pendant ce temps, exécute un drôle de babillage où point ce même motif. CHTCHEDRINE s’est ici inspiré des tchastouchki, ces courtes pièces du folklore russe. Ce sont des poèmes très courts, le plus souvent un unique quatrain, qui sont chantés sur une mélodie rapide jouée à l’accordéon. Ce genre est toujours très populaire en Russie, en particulier les « tchastouchki » comiques. Le contraste avec le troisième mouvement, une pièce lente et mélancolique, n’en est que plus frappant. Le piano s’efface tout d’abord derrière l’orchestre, puis dessine un thème pesant, plein de tension sous-jacente.

Le finale est flamboyant, ce qui n’est guère surprenant. Comme pour le premier mouvement, on ressent dans la musique de CHTCHEDRINE l’influence de ses maîtres, ce qui est somme toute logique à ce stade-là de son parcours d’artiste. Cela n’empêche pas ce passage d’être assez réussi. Le concerto dans son ensemble offre un témoignage intéressant sur la musique de la période : le poids de la tradition romantique pèse lourd sur les épaules des compositeurs en herbe. Le folklore, représenté par les sautillantes tchastouchki, fait figure d’échappatoire. Un pas de côté que les grands du XIXe n’auraient pas renié, puisqu’ils ont eux-mêmes puisé sans relâche dans la matière paysanne pour créer la musique classique russe.

J’ai choisi une interprétation du compositeur lui-même au piano, secondé par l’orchestre symphonique d’URSS dirigé par Ievgueni SVETLANOV. Le disque a ceci d’intéressant qu’il propose également les second (1966) et troisième (1973) concertos pour piano, où CHTCHEDRINE se frotte à la musique contemporaine. Cette orientation musicale n’est pas ma tasse de thé, mais on ne peut nier que la musique soviétique a trouvé en Rodion CHTCHEDRINE un ambassadeur de choix.


*¹ CHTCH… quoi ? Cette suite de lettres imprononçable transcrit le щ de l’alphabet cyrillique. Si vous prononcez juste « Chédrine », ce n’est pas tout à fait ça, mais on vous comprendra. Autrefois, on entendait bien un « t », mais ce n’est plus le cas en russe moderne.
*² Tsar, mot russe par excellence, est en réalité un emprunt ! On reconnaît le Caesar romain, qui a aussi donné le Kaiser allemand.

Fiche « Concerto pour piano n°1 »
Date de composition : 1954
Date de création : 1954 à Moscou
Date d’enregistrement : 1974 à Moscou par Rodion Chtchedrine et l’orchestre symphonique d’URSS dirigé par Evgueni Svetlanov
Références du disque : Shchedrin – Piano Concertos No. 1-3, Russian Disc, 1992

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- Rodion Chtchedrine (piano)
- Ievgueni Svetlanov (chef d'orchestre)
- Orchestre Symphonique D'urss


1. Maestoso Con Moto
2. Scherzo-toccata. Molto Vivo
3. Passacaglia. Sostenuto
4. Finale. Presto Festoso



             



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