Le cas de ce groupe originaire de Montréal est intéressant car il permet à travers sa courte carrière d'esquisser les contours de ce que peut être une certaine idée de la musique indépendante. En effet, THE CITY GATES semble faire fi de la mode et n'être mu que par cette volonté d'exposer une vision artistique, la sienne tout simplement. Il ne faudra pas dès lors s'étonner du large éventail sonore exposé par les Canadiens et ceci depuis leurs débuts. Des teintes timidement colorées qui irriguaient Collapse leur premier album indie-pop sorti en 2013 à celles plus vives qui éclataient dans Forever Orbiter, la belle galette aux effluves shoegaze paru cinq ans plus tard, le combo désire à l'évidence ne pas s'enfermer dans une case particulière. C'est tout à son honneur.

Avec Age Of Resilience, le quatuor choisit sur sa palette cette fois-ci des couleurs nettement plus froides, celles qui agitaient les petits êtres sensibles et les cœurs d’artichaut au milieu des années 80 et faisaient ensuite hérisser leurs poils au début de ce nouveau millénaire avec le revival post-punk. Ces teintes même si elles possèdent d'infimes différences se recoupent toutes sur cet aspect mélancolique de la chose. Ce qui est frappant, du moins pour une oreille habituée à cette scène, c'est que parfois à l'instar de leur pays, les Canadiens à travers ces onze titres semblent tirailler entre une face francophone et une autre anglo-saxonne. Il est en effet difficile de ne pas penser pour le premier aspect à la Touching Pop et plus particulièrement à ASYLUM PARTY et son spleen cotonneux.

Dès l'introductif instrumental "Nowhere Nagasaki", l'auditeur se retrouve directement en 1990 où guitare aérienne et claviers maussades se partagent l'espace. L'entrée en matière met indubitablement en appétit et seulement en cinquante et une secondes. Ce sentiment sera naturellement renforcé avec l'instantané "Le Silence" qui plus que par son chant en français volontairement atone rappellera le meilleur des morceaux des Franciliens par sa base ronde bien mise en avant et ses guitares à la fois aériennes et sourdes. Sensation identique avec le très beau "Roman Empire" qui même avec un chant en anglais cette fois-ci et une fin qui se termine dans un brouillard à haute teneur cafardeuse ne pourra que rappeler naturellement les années grises de ce courant hexagonal malheureusement trop méconnu. C'est simple et addictif.

Autre direction porté par le regard et autres ambiances avec la deuxième face de cette même pièce. THE CITY GATES réactualise alors le paradoxalement éternel revival post-punk. "The Pyre" expose ainsi l'urgence inhérente à ce genre que soutient une rythmique imparable. A l'image de l'évident "Claiming Race", les rejetons des premiers EDITORS et INTERPOL sont toujours là ! Soyez néanmoins rassurés, les Canadiens ne sont pas des suiveurs. Si les références sont palpables, elles n'annihilent en rien le propos. C'est lorsque le groupe développe de longues pièces qu'il marque incontestablement des points. Je pense par exemple au superbe "Foghorn's Cry" qui avec ce son de guitare tout en écho cristallin fait démarrer instantanément la machine à frissons. Lorsque le tempo se fait moins lancinant à l'image du réussi "Copenhagen", le combo frôle également les rivages d'une pop froide tout en guitares sombres.

Age Of Resilience est une belle surprise. Les Canadiens à travers de solides titres distillent avec subtilité une mélancolie grise qui comblera sans conteste les amoureux du genre. En attente déjà de nouvelles couleurs.