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EXPERIMENTAL ROCK/POéSIE  |  LIVE

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2017 Amor Fati

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2004 Nous N'Avons Fait Que Fuir
 

- Membre : Detroit, Paz
- Style + Membre : Noir Désir

Bertrand CANTAT - Nous N'avons Fait Que Fuir (2004)
Par K-ZEN le 29 Juillet 2021          Consultée 1814 fois

La question se pose d’emblée.

Écrire sur CANTAT a-t-il encore un sens aujourd’hui, au risque de faire un coup d’épée dans l’eau, alors que le bonhomme semble avoir abandonné pour un temps tout ce qui a trait à la musique depuis presque une demi-décennie ?

Pour tous ceux légèrement en retard à l’alunissage, flash-back rapide.

Bertrand CANTAT s’est fait connaître au cours des années 90 par l’intermédiaire de ses faits d’armes avec NOIR DÉSIR, alimentant encore aujourd’hui les radios avec certaines de ses chansons les plus immédiates. Un groupe très influencé par le GUN CLUB et certaines idées trouvées chez Nick CAVE, cultivant une noirceur maladive inquiétante, surtout à ses débuts, voir leur premier mini pour les non-convaincus.

Ensuite, après une carrière impeccable et un climax prenant la forme d’un album incroyablement expérimental voire déroutant, Des Visages Des Figures, tout a commencé à partir en vrille. On ne rappellera pas les malheurs lysergiques et éthyliques survenus en Lituanie mais qu’on le veuille ou non, le musicien a purgé sa peine, méritée bien qu’amputée, consistant finalement à la moitié des 8 ans de prison requis par la justice balte.

À la suite de sa libération, il avait ensuite monté le projet DETROIT en duo, succédant à une relance avortée de N.D, produisant le single "Gagnants, Perdants" en 2008. On le retrouve quelques temps plus tard avec Amor Fati, publié en son simple nom en 2017, rap impressionnant d’un album un peu plus creux, manifeste pour un droit à la réinsertion, le droit d'exercer mon métier, le droit pour mes proches de vivre en France sans subir de pression, de calomnie. Le droit pour le public de se rendre à mes concerts et d'écouter ma musique. Après tout, même Vidocq a eu droit à une réhabilitation !

Le chanteur en profite également pour régler ses comptes avec ses détracteurs. Leur réponse n’en sera que plus implacable. Virulente. Mais parfaitement compréhensible si on tente de se mettre à la place des protagonistes.

Notre si précieuse présomption d’innocence se serait-t-elle ainsi changée en culpabilité automatique voire perpétuelle ? Pendant que le tribunal médiatique commence à siéger, les justiciers du web choisissent qui est fréquentable et qui ne l’est pas. Dans le même temps, ils cultivent l’indignation et le pardon à géométrie variable.

La notoriété amplifie tout cela avec le devoir d’exemplarité de l’homme public, qui n’est pas loin d’être devenu un devoir de transparence au sens premier du terme. Une coquille creuse, dans laquelle on emplafonne tous les slogans à la mode. Le goût pour les personnages un tant soit peu anguleux est passé, on préfère le lisse, ne faisant pas de vagues, ou on invente des clivages anachroniques à des fins viciées voire destructrices. Homère est un sale misogyne raciste. Pépé le Putois trimballe du G.H.B dans sa queue. CANTAT, lui, est contraint de se faire tout petit, à l’instar de Cruchot.

CANTAT, l’homme, est devenu une personnalité répugnante, infréquentable, toxique, aucune ambiguïté ne peut subsister à ce sujet. Doit-on pour autant condamner l’artiste ? Ce serait la solution de facilité, comme constitue celle de déboulonner les statues. Plutôt que d’expliquer puis réhabiliter ou accabler, cachons ce bronze qu’on ne saurait voir sous le tapis !

Alors, il vaut mieux que tu ne saches rien. Comme ça, tu es peinard, anonyme, citoyen !

Est-ce criminel d’écouter BURZUM, Bobby BEAUSOLEIL ? Est-ce antisémite de lire Voyage Au Bout De La Nuit ? Est-ce féminicide de goûter l’œuvre dispensée par CANTAT, si on occulte le peu d’appétence linguistique de ce mot ancien mais repopularisé dernièrement, destiné à genrer l’homicide, trop patriarcal étymologiquement parlant ? C’est ce que semblaient vouloir dire tous ces gens qui l’ont fait dégager de son propre concert, après la sortie de son album solo, l’obligeant à terminer abruptement sa tournée après avoir annulé sa participation prévue aux festivals d’été.

Mais nous nous égarons.

Revenons en arrière, au moment où l’équipe de France se faisait humilier en Corée du Sud. Un moment bien plus décisif se déroulait alors dans les entrailles du cloître du couvent des Ursulines situé à Montpellier, le 21 Juillet 2002, où CANTAT accompagné de NOIR DEZ prenait tous les risques au cours d’une performance carte blanche proposée par France Culture.

Après avoir pensé à des versions acoustiques de leur répertoire, le chanteur a imaginé produire 'autre chose', l’occasion étant trop belle à ses yeux.

Ce sera donc près d’une heure d’un poème composé par CANTAT juste pour l’occasion, entre balances et concerts, puis finalisé dans une interaction directe avec les membres du groupe. Une performance sans filet, ni répétition qui renvoie bien évidemment à Léo FERRE, l’idole, dont on reprenait déjà "Des Armes" et que "L’Europe" convoquait allègrement. "Il n’y a plus rien" donc mais aussi "Demain c’est loin" (IAM), "La Ville Disparaît" (PROGRAMME), "Nu dans la Crevasse" (MURAT) ou "Celebration of the Lizard" (DOORS), d’autres illustres frères ou fils spirituels également invoqués, où le texte prend allègrement la main sur le contenu musical.

Une œuvre tumultueuse, sous formes de vagues perpétuelles, inexorablement revenant sur la berge de leur mise en service, en opposition à son cadre paisible, abandonné pour un temps.

Ambient rock électroacoustique, industriel, blues sinusoïdal aux parties de guitare enflammées. Cybernétique. Percussions discrètes ou martiales. Clochettes. L’ambition de l’amplitude. Minimaliste dans sa forme mais toujours tendu dans sa recherche de vérité, de bienveillance ou d’impossible.

Et au milieu de tout cela, en funambule au-dessus du vide, CANTAT, parfois seul, dans sa colère, ses prières, ses susurrements et ses interpellations empruntées à Jacques BREL. Salut, comment vas-tu ?. Les conversations vides, sans accroches ou intérêt se multiplient. Comment tu leur parles toi, aux montres à quartz ?. Restons géométriques, l’instinct de surréalisme conserve.

Les mots du chanteur. Les anaphores. Les questionnements. Le sens de la formule. Du terme qui claque, défiant l’air. La morsure de la poussière ou la crinière de l’étoile. Refus du conformisme. Nostalgie. Cauchemars. Sarcasmes. Société dégueulasse et lâche, suceuse de sang, vampirique. Aigreur, rêves, envie de changement durable et profitable. Hallucinations. Ou illusions.

Tu perds ta langue ?. Ce sera un des fils rouges peuplant cette soirée inoubliable, touchant au stratosphérique au cœur de la demi-heure, puis un peu plus boursouflée sur son final.

Napoléon assumait tout, « de Clovis au Comité de Salut Public ».

Nous, on ne veut pas aller jusque-là. Simplement, tout affronter, grâce à la mémoire qui permet de regarder le pire mais aussi le meilleur. Seulement, le pire n’abolit pas le meilleur. Il le rend simplement plus problématique. A chacun de faire sa propre opinion et bon usage de sa mémoire. Ces mots, ce sont ceux prononcés par Bernard Comment et figurant dans le livret, ayant invité NOIR DÉSIR à cette performance.

(Après tout, DE PALMAS voulait bien qu’on le regarde en face.)

Car sinon, oui, ce ne sera que fuite en avant. Avec la perspective d’une destruction de tous les angles rencontrés en chemin, en même temps que ces canins resplendissants, sans quête possible de repos.

Quand on y pense, il y a d’anonymes héros qui ouvrent tous les matins les portes des parcs.

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- Bertrand Cantat (chant)
- Serge Teyssot-gay (guitare)
- Denis Barthe (batterie, percussions)
- Jean-paul Roy (basse)
- Christian Perruchi (mixage live, claviers)


1. Nous N’avons Fait Que Fuir



             



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