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DETROIT BLUES  |  COMPILATION

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2021 Decoration Day Blues

Bobo JENKINS - Decoration Day Blues (2021)
Par LE KINGBEE le 5 Août 2021          Consultée 452 fois

Detroit aura attiré un gros contingent de migrants sudistes dès la fin du premier conflit mondial. Durant la Seconde Guerre, un important besoin en main d’œuvre nécessita un flux massif d’une seconde vague d’émigrants sudistes. A la fin du conflit, Detroit qui vient de connaitre une forte augmentation démographique voit pousser de petits studios, quelques entrepreneurs avisés montent leurs maisons de disques, mais souvent ceux-ci ne seront distribués que localement. Hormis John Lee HOOKER, et dans une moindre mesure Eddie Kirkland et Eddie Burns, les nombreux bluesmen de Detroit demeureront de seconds couteaux malgré un talent fourmillant d’idées. Bobo JENKINS se situe entre les deux catégories.

John Pickens Jenkins voit le jour en janvier 1916 à Forkland (Alabama), un hameau d’à peine 600 âmes à 180 bornes à l’ouest de Montgomery, la capitale. Lés dés ne semblent guère être favorables au petit John, il n’a même pas un an que son paternel, un pauvre métayer, décède. Elevé par sa mère et un oncle, le gamin se partage entre l’école, le travail de la fermé et la paroisse baptiste locale où il se met au chant, poussé par sa mère, une pieuse parmi les pieuses. A 9 ans, John monte un quartet avec trois copains d’école et de chorale, l’ensemble fait ses gammes dans les messes du dimanche, les tournées Gospel et les enterrements. Trois ans plus tard, il quitte le foyer familial et s’installe à Memphis. A 14 ans, il convole en justes noces, évènement que le bonhomme semble apprécier puisqu’il totalisera dix mariages.
Jenkins va s’établir dans le Delta du Mississippi où il va accumuler tout un tas de petits boulots jusqu’à ce que l’Oncle Sam fasse appel à ses services. Démobilisé de l’US Army en 1944, il s’établit à Détroit travaillant pour le constructeur automobile Packard. John enchainera dans la mécanique avant de se lancer dans la carrosserie pour le compte de Chrysler où il trimera pendant plus de 25 ans. S’il se lança tardivement dans l’apprentissage de la guitare au tout début des années 40, il n’enregistrera son premier single suite aux recommandations de John Lee Hooker qu’en 1954 pour le label de Chicago Chess Records. « Democrat Blues » obtient alors un bon petit succès qui lui permet d’intégrer le circuit des clubs et des festivals.
A quarante ans passés, il endosse le rôle de vétéran à Détroit, sa ville d’adoption, et enchaine avec une poignée de singles pour Fortune et Boxer. S’il se produit en première partie de Jimmy REED, Mahalia Jackson, Illinois Jacquet ou Louis Jordan, le manque d’intérêt d’une maison de disque l’incite à fonder son propre label avec Big Star. John devenu Bobo Jenkins enregistrera trois albums entre 1972 et 77 et une poignée de singles. Il n’hésitera jamais à enregistrer plusieurs artistes locaux parmi lesquels Syl Foreman, Ellen Jackson, Chuck Cole ou les frères Walton. En 1972, Bobo sera l’instigateur du premier Detroit Blues Festival, l’année suivante il sera programmé à Ann Arbor et à la Nouvelle Orléans. En 1976, il est invité au Smithsonian Institute à l’occasion du bicentenaire. Il viendra brièvement en Europe en 1982 dans le cadre d’une tournée Living Blues Festival. Il doit malheureusement écourter sa participation suite à des problèmes de santé. Très alité, il décède chez lui durant l’été 84, des suites d’une longue maladie comme on dit communément.

Le label Soul Jam édite une judicieuse compilation dédiée à ce second couteau de la scène Blues de Detroit. Si on retrouvait quelques titres disséminés dans d’obscures compilations, rien n’avait jusqu’alors été publié en dehors des trois vinyles du guitariste : "The Life of Bobo Jenkins", "Here I am A Fool In Love Again" et "Detroit All Purpose Blues" et d’une poignée de singles se comptant sur les doigts des deux mains.
Cette compil de 21 titres dont trois alternates (durée 1H et des broutilles) reprend 9 morceaux des deux premiers albums du guitariste. Le CD s’ouvre avec son titre le plus connu "Democrat Blues" publié par Chess en 1954. Bobo Jenkins s’interroge sur les bienfaits de l’élection à la tête de la Maison Blanche d’Eisenhower, l’ancien général devenant soudainement la figure de proue des Républicains. Si le jeu de guitare se révèle assez frustre, tout juste relevé par le phrasé d’harmonica de Robert Richard, un musicien local ayant gravé quelques faces pour Fortune, JVB et King, la sonorité s’inscrit pleinement dans celle de la Motor City, avec une combinaison de Chicago Blues rural et de Mississippi Blues. "Bad Luck & Trouble" ⃰ gravé le même jour pourrait s’insérer entre Delta et Swamp, l’harmonica est annonciateur de Whispering Smith en moins mélodieux tandis que la guitare aussi trainante que flemmarde renvoie vers Ligthnin’ SLIM. Bobo Jenkins demeure un compositeur prolifique, il nous délivre ici pas moins de seize originaux. Parmi ceux-ci on notera "10 Below Zero", écrit en hommage à Sonny Boy Williamson (Rice Miller) et qui fait suite au "Nine Below Zero" du même Williamson. "Seasick And Water Bound", gravé une première fois en 57 pour Fortune mais édité tardivement, propose un mimétisme avec John Lee HOOKER, la star de Detroit.
L’entrainant "Tell Me Who" n’est pas sans évoquer Joe Hill Louis et rappelle le passage de Jenkins à Memphis où a longtemps sévit l’homme orchestre. "Shake Em On Down" réveille le style d’Eddie Kirkland (son ancien professeur de guitare et de basse). La slide sur "You Will Never Understand" suggère que Jenkins a probablement côtoyé Elmore JAMES. Avec sa rythmique imparable et sa ligne de basse "24 Years" pourrait s’inscrire dans un disque du regretté Hound Dog Taylor. Même impression avec "Realing & Rocking" à mi chemin entre Blues et Rock N Roll.

Bobo Jenkins reprend à sa sauce le "Sweet Home Chicago" de Robert Johnson (lui-même inspiré du "Kokomo Blues" de James "Kokomo" Arnold) rebaptisé pour l’occasion "Baby, Don’t You Want To Go". Second emprunt avec "Decoration Day Blues" ⸋, œuvre de Sonny Boy Williamson, délivré avec son lot d’intensité. Le titre sera immortalisé par John Lee Hooker dans le recommandable "It Serves You Right To Suffer".

Si au premier abord Bobo Jenkins distille un répertoire aussi fruste que brut de décoffrage, le guitariste délivre un excellent aperçu de la scène Blues de la Motor City entre le milieu des fifties et le début des années 70. Guitariste au style primaire, Jenkins demeure le propriétaire de beaux textes sur son quotidien et la vie sociale de ses concitoyens. Soul Jam Records mérite une ovation, ce CD devrait permettre à quelques curieux amateurs de Blues de découvrir un artiste chaleureux. Signalons la qualité du livret intérieur (6 pages) de James Chumet et le travail de dépoussiérage sonore sur certaines pistes. Seul bémol, on aurait apprécié que le compilateur insère « Playboy Blues », « New 44 Blues » ou « Watergate Blues », titre dans lequel Jenkins nous faisait part de son dégout suite à l’affaire des micros, il y avait assez de place sur le support.


⃰ Titre homonyme à ceux de Lightnin’ Hopkins et Johnny Winter.
⸋ Ce titre généralement accrédité à Sonny Boy Williamson pourrait être l’œuvre de Curtis Jones.

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   LE KINGBEE

 
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- Bobo Jenkins (chant, guitare)
- James 'rabbit' Johnson (guitare 4-5-6-11-12-13-14-16-17-20-21)
- John Nicholas (guitare 9-15-18)
- Albert Witherspoon (guitare 1-2)
- Eddie Taylor (guitare 7-8)
- Willie Johnson (guitare 7-8)
- Sarah Brown (basse 9-15-18)
- Fran Christina (batterie 9-15-18)
- Harry Fleming (batterie 1-2)
- Earl Phillips (batterie 7-8)
- Ted Walker (batterie 12-13)
- Walter Cox (piano 12-13)
- Robert Richard (harmonica 1-2-4-5-6-20-21)
- Steve Nardella (harmonica 9-15-18)


1. Democrat Blues
2. Bad Luck & Trouble
3. Decoration Day Blues
4. Baby Don't You Want To Go
5. Ten Below Zero
6. Seasick & Water Bound
7. Nothing But Love
8. Tell Me Who
9. Shake Em On Down
10. I Love That Woman
11. Cold Hearted Blues
12. You Will Never Understand
13. Tell Me Where You Stayed Last Night
14. Have You Heard The News
15. If You Were The Only Woman
16. 24 Years
17. Reeling & Rocking
18. She Wanna Sell My Monkey
19. Decoration Day Blues
20. Baby Don't You Want To Go
21. Ten Below Zero



             



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