Recherche avancée       Liste groupes



      
ACOUSMATIQUE  |  STUDIO

Commentaires (1)
L' auteur
Acheter Cet Album
 


Pierre HENRY - Apocalype De Jean (1968)
Par RAPHAEL BADAWI le 28 Septembre 2007          Consultée 5726 fois

"Apocalypse de Jésus-Christ que lui a donné Dieu afin de découvrir à ses serviteurs ce qui bientôt doit arriver. Heureux celui qui lit, heureux ceux qui entendent, car proche est le temps." Elle est géniale cette traduction dis donc, avec ses hyperbates ! C'est laquelle ? Après avoir compulsé les traductions de Segond, Darby, Crampon, Chouraqi, et de Jérusalem, j'en viens à me demander si nous n'avons pas ici un texte Pierre Henry et non un texte existant tronqué de l'Apocalypse de Jean. Quoi qu'il en soit, c'est littéralement mauvais, mais esthétiquement beau, beau, très beau !

L'Apocalypse de Jean a été conçue par Pierre Henry en mai 1968, au Studio APSOME, avec l'aide de ce narrateur à la voix grave, posée, sinistre, ce fameux Jean Négroni. Le Titre-Révélation débute donc avec cette voix austère, puis les générateurs sonores s'animent, et jouent les grands passages que nous allons entendre jusqu'à Encensoir-Tonnerre. Oui, ce titre révèle stricto sensu ce qui va arriver. S'enchaîne cette sarabande parfois malsaine de narration, d'ondes puissantes, d'ascèse et de crépitements, de fissures, d'involutions, tournant parfois au lacis. La voix de Négroni se retrouve déformée dans tous les sens, un coup épouvantée, un coup en choeurs divinatoires, un coup en gouaillantes, tiens là encore tout à faire résignée. Nous sommes en 1968, avant le krautrock et l'école berlinoise, avant la grande vague de compositeurs comme Wendy (Walter) Carlos (qui était encore un garçon en 1968) ou Vangelis, et nous avons des sons électroniques de qualité (depuis 1958 et l'oeuvre Coexistence, pour les premiers sons électroniques de Pierre Henry), luxuriants, et grâce à la magie de la bande magnétique, la précision chirurgicale est de mise, on se retrouve face à des passages monumentaux comme Les quatre cavaliers, d'autres avec des sons semblables mais différents, parfaitement divisés entre les deux hauts parleurs : écouté au casque ça me procure des formications de plaisir sur la nuque.

Les morceaux de bravoure sont nombreux : les cloches avec la voix parfaitement hallucinée de Négroni dans le Livre, les superbes sonorités grinçantes puis organiques dans les Quatre cavaliers, les hurlements ambigus dans Les âmes crient, les terribles fissures, scissures, gerçures, brèches puis déchirures dans Les astres tombèrent ; dans le second disque, il y a du pur jus concentré aussi, les machins gutturaux râpeux, éraillés, de Bête de la mer, l'exubérance de la Grande prostituée, "Craignez la colère de l'agneau sur la montagne !", "Que celui qui a des oreilles entende !", ou les six coupes de la colère qui sont reprises cette année dans Objectif Terre, la dernière création du barbu.

La puissance de l'oeuvre tient davantage de sa rigueur, de sa mortification extrême, de tout ce silence macéré dans du vague, citons à la volée Aucun vent sur la terre, Il y eut dans le ciel un silence, Voici bientôt, qui ne sont en aucun cas des passages creux, mais bien des tremplins oppressants à l'extrême. Après une heure quarante de cette chose unique, on est marqué à vie, et nous ne pourrons plus percevoir la dimension son de la même façon.

Et puis c'est tellement entêtant que c'est probablement la seule oeuvre de musique acousmatique qui se chante ; votre serviteur s'est ainsi retrouvé en plein milieu de la rue à déclamer un beau : "Vous ai-je déjà parlé de la grrrande prostituée ? Elle a fooorniqué avec tous les rrrois de la Terre !" Inutile de s'attarder sur les yeux globuleux des passants. "Raphaël, tu peux venir m'aider ? - Et l'un des quatres animaux s'écria : Viens ! - Euh oui, si tu veux."

Rien n'est à jeter, ça s'écoute d'une traite, et ça fait vraiment plaisir. Une oeuvre exceptionnelle, l'un des grands chefs d'oeuvre de la musique contemporaine, à avoir bu jusqu'à la lie au moins une fois.

A lire aussi en MUSIQUE CONTEMPORAINE par RAPHAEL BADAWI :


Philip GLASS
Koyaanisqatsi (1983)
Poésie tellurique




Yuzo KOSHIRO
Actraiser Symphonic Suite (1991)
Chef d'oeuvre musicoludique


Marquez et partagez





 
   RAPHAEL BADAWI

 
  N/A



- Pierre Henry (art sonore)
- Jean Négroni (narration)


- cd1
1. Titre-révélation
2. Jean à Patmos
3. Le Trône
4. Le Livre
5. Les Quatre Cavaliers
6. Les âmes Crient
7. Les Astres Tombèrent
8. Aucun Vent Sur La Terre
9. Il Y Eut Dans Le Ciel Un Silence
10. Encensoir-tonnerre
11. Cataclysmes Ii
12. Septième Trompette
- cd2
13. Bête De La Mer
14. Bête De La Terre
15. L'agneau Et Les Hommes Purs Sur La Montagne
16. Mer De Verre - Harpe Et Dieu
17. Six Coupes De Colère
18. La Grande Prostituée
19. Cataclysmes Iv
20. Voici Bientôt



             



1999 - 2024 © Nightfall.fr V5.0_Slider - Comment Soutenir Nightfall ? - Nous contacter - Webdesign : Inox Prod