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SISTER ROSETTA THARPE - Sister Rosetta Tharpe (1960)
Par LE KINGBEE le 4 Octobre 2021          Consultée 603 fois

Après un passage de presque quatre années chez Mercury avec deux albums à la clef, SISTER ROSETTA THARPE rebondit chez la MGM, célèbre maison de disques dont le logo au lion rugissant est a l’apogée dans le secteur du cinéma Hollywoodien. L’examen de la pochette ne laisse guère de doute sur son contenu. L’illustration du dessinateur Jerome Martin a le mérite d’être claire, c’est du Gospel qui nous est proposé ici. Probablement pour rendre les choses moins évidentes, voire tromper les acheteurs, Polygram ayant récupéré le catalogue MGM a réédité en 1989 le disque avec la pochette de Gospel Train sous l’intitulé Gospel Train Volume II avec une chronologie de titres totalement chamboulée. Comprenne qui pourra !

Revenons à nos moutons (pas ceux des évangiles) mais plutôt à Sister Rosetta Tharpe. Nous sommes en 1960 et la guitariste dont on dit qu’elle aurait été une source d’inspiration non négligeable pour ELVIS, Chuck BERRY et Bo DIDDLEY, revient sur le devant de la scène alors qu’elle a bien failli être mise en croix par de nombreux croyants américains. Pendant près de deux années, Rosetta Tharpe avait dû se résoudre à se produire en Europe, faute d’engagement sur son propre territoire. A l’orée des sixties, cette soudaine remise en grâce lui permet de se produire à l’Apollo aux côtés du Révérend Cleveland et des Caravans et, accessoirement, d’enregistrer cet éponyme. La pochette dorsale retranscrit bien cette période : certaines maisons de disques pratiquaient alors une promotion en faisant figurer plusieurs pochettes de leur catalogue. C’est ainsi que sur le visuel dorsal, Connie Francis, Maurice Chevalier, Hank Williams ou Conway Twitty côtoient Rosetta Tharpe.

Dès le premier titre, on est frappé par la production et l’apport d’une orchestration assez lourde. Sur "If I Can Help Somebody", une compo d’Alma Androzzo popularisée par le crooner Billy Eckstine, on se dit que la MGM a probablement voulu densifier l’accompagnement, un peu à l’image des tendances du moment. Si "Walk All Over God's Heaven", une de ses anciennes chansons, avait été reprise par Mahalia Jackson, on est encore étonné par l’orchestration et la qualité des arrangements. On a l’impression que la MGM a voulu affubler la chanteuse d’une lourde cape constituée de nombreuses choristes et d’un orchestre balourd du genre Ray Conniff ou Mitch Miller. Certes, le rythme enlevé lorgne même sur diverses productions du Nashville Sound. Néanmoins, malgré une production pleine de surenchère, le chant puissant et expressif émerge de ces soubresauts. Repris par les Andrews Gospel Singers et Alison KRAUSS, le morceau est repassé il y a peu sur les ondes par l’entremise de Don BRYANT.
Sous un déluge de violonades et de chœurs intempestifs, elle reprend "I Believe", une soupe fade et indigeste pleine de bons sentiments. Depuis les fifties, la chanson a fait le bonheur des grenouilles de bénitiers et des midinettes. Si ELVIS reprenait le titre en début de carrière, de nombreuses vedettes de Country Gospel et de variété américaine mettront la chanson dans leur besace. Chez nous, les Compagnons de la Chanson en enregistreront une version anglaise et une adaptation intitulée "Je crois en toi". Là, le doute n’est plus permis, on parle ici de voies impénétrables. Comble de l'ironie ou de la soupe, Donna Hightower en chantera une version française ridicule. De là-haut, le Seigneur doit rire jaune et se féliciter d'avoir créé les sourds. Il faut attendre le quatrième titre pour découvrir ce qu’on espérait entendre avec "Take My Hand Precious Lord", un titre du prolifique Thomas Dorsey. Ce coup-ci, on entend juste un orgue d’église, une mini section rythmique et la Strat de Sister Rosetta. Mis à toutes les sauces depuis les années 20 sous plusieurs titres, ce trad. a lui aussi fait le bonheur d’un tas d’opportunistes (d’ELVIS à Little RICHARD en passant par Chet Atkins ou Dee Dee Bridgewater). "Faith" ⃰, qui se révèle hélas trop larmoyant pour émouvoir véritablement, se retrouve encore plombé par une orchestration et des chœurs, témoins d’une musique populaire démodée. Inspirée par un passage du Livre de l’Apocalypse "Twelve Gates" étrangement accrédité à Rosetta Tharpe, est en réalité une compo du Révérend J-M Gates, un pasteur officiant dans les environs d’Atlanta. Ce spiritual existant sous plusieurs titres ("Oh, What a Beautiful City", "Twelve Gates To The City" ou "Beautiful City") a fait l’objet de diverses interprétations aussi bien en Blues (Sonny Terry, le duo Cephas & Wiggins) qu’en Folk (Joan BAEZ, Pete Seeger) ou par des pasteurs itinérants (Blind Boy Fuller). Ici, quel que soit le nombre de portes protégeant la muraille de la Nouvelle Jérusalem, sujet de la chanson, le Seigneur doit souffrir en entendant une orchestration aussi pesante.

La face B débute sous de meilleurs auspices avec une reprise de "I Couldn't Hear Nobody Pray", une chanson des Dixon Brothers gravée en 1938 à Charlotte pour Bluebird. Le monde de la Country s’est emparé du titre par le biais de Roy Acuff qui transforma sans vergogne le morceau en un "The Wreck On The Highway". Si Nat King Cole en fait une interprétation grandiloquente à la fin des fifties, l’interprétation de Sister Rosetta nous paraît supérieure. Quel dommage que les chœurs toujours aussi inopportuns viennent surcharger la mélodie. On conseille au passage la version a cappella des Zion Harmonizers. On respire avec "He" sur lequel la chanteuse est simplement épaulée d’un orgue et d’une modeste rythmique. Là, Rosetta Tharpe délivre une bonne interprétation à cheval entre Soul et Jazz vocal avec des intonations proches d’Esther Phillips. Une version beaucoup plus digeste que celles d’Al Hibbler, Gene McDaniels ou des SUPREMES. L’accalmie est de courte durée, "If You Believe" se retrouve pollué par une flopée de chœurs intempestifs. On se croirait sur une bande de musique de film orchestrée par Mitch Miller. Peut-être aurait-il fallu leur enlever les piles, les choristes se montrent égaux à eux-mêmes sur "Light A Candle" avec une petite nouveauté, les chœurs féminins étant séparés de leurs homologues masculins, ce qui est loin de résoudre le problème. Elle reprend "Bless This House", un titre des années 30, et nous délivre enfin un troisième Gospel digne de ce nom avec un accompagnement minimaliste sur fond d’orgue et sans la présence de ces chœurs horripilants. Si le titre a été repris entre autres par le ténor italien Beniamo Gigli et Mahalia Jackson, il est miraculeusement réapparu sur les ondes via un duo entre Aled Jones et Susan Boyle. Le dernier titre "Without Him" débute avec un son de cloche, un bruitage qui aurait pu le faire si les choristes n’étaient pas de la partie, encore une fois, polluant de la plus belle des manières cette ballade sentimentale.

Vous avez compris en parcourant ces modestes lignes que cet album est loin d’être indispensable. Le talent de Sister Rosetta n’est pas en cause. Son chant est expressif, puissant et plein de conviction, mais 9 des 12 titres sont systématiquement surchargés de chœurs lassants, rébarbatifs, sans relief et, pour tout dire, n’ayant strictement rien à voir avec l’image qu’on se fait du Gospel. Ajoutons-y une orchestration et des arrangements très limités, dans le registre des productions du Nashville Sound chères à Chet Atkins. On se demande pourquoi la MGM n’a pas laissé un orgue, une section rythmique pour seconder les passages fulgurants de Strat de cette Sister hors du commun. On a parfois l’impression que la production a voulu nous en foutre plein la gueule en conviant moult choristes dans le style des Jordanaires, du Anita Kerr Singers et consort. On pourrait croire que la MGM a confondu Sister Rosetta Tharpe avec Connie Francis, Skeeter Davis et une longue liste de chanteuses voguant entre Country édulcorée et variétoche pour midinette ou adolescents boutonneux.

Note réelle : un tout petit 2.

⃰ Titre homonyme à ceux des Cures, George Michael ou Stevie Wonder.

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- Sister Rosetta Tharpe (chant, guitare)


1. If I Can Help Somebody
2. Walk All Over God's Heaven
3. I Believe
4. Take My Hand Precious Lord
5. Faith
6. Twelve Gates
7. I Couldn't Hear Nobody Pray
8. He
9. If You Believe
10. Light A Candle
11. Bless This House
12. Without Him



             



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