Secret Shame est l'archétype du groupe des années 2020. La musique indépendante n'ayant plus depuis longtemps le vent en poupe, seul internet est dorénavant la caisse de résonance de ces sorties susceptibles de retenir quelque peu l'attention. Un seul album au compteur, le noir et réussi Dark Synthetics (2019) et ce deux titres sortis au début de l'été 2020 pour toute carrière discographique. Ceci semble bien famélique mais est-ce suffisant pour en écrire quelques lignes ? Oui, assurément.

Ce quatuor devenu depuis peu quintet originaire d'Asheville en Caroline du Nord pratique un post-punk dynamique et mélodique qui lorgne parfois vers le gothique et le death-rock. Il s'inscrit pleinement dans ce revival qui agite outre-Atlantique la scène underground et qui nous propose très souvent des projets dignes d'écoute. Il suffit parfois de peu de temps pour se dire qu'un combo a quelque chose de plus qu'un autre et que ceci fera sans doute la différence pour ne pas être un énième feu de paille. Secret Shame est de cette catégorie, de cette trempe. On a vraiment envie de se dire que cette fois-ci, c'est la bonne !

"Dissolve" ne dépasse pas les 3 minutes mais il possède à l'évidence ce charme instantané des morceaux qui traîneront toujours un peu dans un coin de votre tête. L'efficacité résulte naturellement de l'alchimie existant entre cette musique qui exalte les saveurs des madeleines des années froides et la voix de Lena particulièrement expressive. On baigne littéralement dans les eaux tourmentées d'une Angleterre maussade où la basse triste de NEW ORDER se partage l'espace avec la guitare virevoltante des années CURE pop. Le timbre de Lena rappellera forcément celui de la pénible Dolores O'Riordan des CRANBERRIES ou pour rester dans le style développé par les Américains, celui de Jo Bevan, frontgirl des excellents Londoniens de DESPERATE JOURNALIST. C'est direct et "Dissolve" ne pourra que réjouir les adeptes de cette sphère. "Pure" la face B ralentit quand-à elle le tempo et offre à l'auditeur une douce plongée dans un monde mélancolique où flotteront comme en apesanteur les arpèges cristallins de Robert SMITH et une certaine idée de ce que fut la pop indépendante. Là encore Lena par son timbre poignant, sans forcer le moins du monde vous donne la chair de poule.

Deux morceaux et moins de huit minutes suffisent à SECRET SHAME pour exposer un post-punk nouvelle décennie des plus attractifs. Les Américains suscitent indéniablement de l'espoir. Croisons alors tout simplement les doigts pour leur futur radieux !