Même si les sorties discographiques actuelles de la sphère indie pop fondent comme neige au soleil, certaines continuent contre vents et marées de susciter un intérêt certain. Il en découle alors une étrange sensation qui mélange excitation de l'attente et plaisir de la découverte. C'est bien au final tout le sel de la chose qui en poussent encore certains dont l'auteur de ces lignes à acheter, totalement à l'ancienne, des albums. Pour tout fan de musique indépendante, la parution au moins sur le papier d'un nouvel album de WILD NOTHING doit susciter ce genre de réaction ou alors, ce n'est à plus y rien y comprendre ! La satisfaction de retrouver Jack Tatum est d'autant plus évidente que nous l'avions quitté un peu fâché en 2020 avec l'insipide Laughing Gas, un cinq titre en rien révélateur du talent évident du Virginien.

De l'eau a bien coulé sous les ponts de Blacksburg en trois ans pour l'Américain à l'éternel look d'étudiant étudié. Il aime à dire que le COVID et son confinement, son retour de Los Angeles, sa paternité entre autres ont irrigué Hold d'un courant introspectif. Comme pour la plupart de ses productions, et c'est naturellement heureux de le retrouver sous ce jour, l'Américain n'aura pas ici son pareil pour distiller sa légère mélancolie sur des mélodies pop des plus travaillées. Ce n'est, genre oblige, ni frontal, ni nécessairement explicite. Tatum comme un petit Poucet pop laisse derrière lui de rares indices qui esquisseront ainsi de nouveau ces paysages aux couleurs tout en pastel que l'on apprécie tant dans son travail.

Coutumier du fait, WILD NOTHING a commencé par tester le terrain par l'arrivée en éclaireur de deux-trois singles. Le choix s'avère judicieux car il épouse globalement la teneur générale du propos. Je n'en dirais pas autant des clips qui sont simplement hideux. Tatum à l'image ainsi du titre réussi qu'est "Suburban Solutions" continue donc de creuser en parfait artisan qu'il est le sillon de ses amours musicales. L'habitué y retrouve ces délicats arpèges cristallins de guitare combinés à un synthé qui sent bon les années 80 dans ce qu'elles ont de faussement superficielles. A l'image de Life Of Pause (2016), l'album le plus novateur et clivant du projet, le Virginien sans que ceci ne soit trop brusque ne craint pas d'essayer de surprendre son monde.

C'est l'autre facette de son travail que l'on retrouve aussi bien sur "Dial Tone" et son surprenant, voire incongru vocoder que sur le groovy "Headlights On" qui nous entraîne dans une attractive danse synthétique.Tatum par son approche ciselée d'une pop intelligente et décalée m'a toujours rappelé les géniaux et parfois inégaux PREFAB SPROUT. Hold ne fait pas exception comme le souligne le sirupeux et chaloupé "The Bodybuilder" qui sent bon le Paddy McAloon de From Langley Park to Memphis. WILD NOTHING parcourt tout en la réactualisant un tout petit pan de la musique anglaise. Il ne faut pas dès lors être surpris par le caractère assurément hétérogène de l'ensemble qui ne sonne pas pour autant, et c'est sa force, comme décousu.

L'auditeur saute avec joie allégrement de "Basement El Dorado" accompagné de claviers qui chez d'autres sonneraient volontiers vulgaires à "Presidio", un instrumental aux guitares limpides qui rappellent sans conteste les débuts du groupe. En parlant justement de production, elle est comme toujours avec WILD NOTHING aux petits oignons. Tout est y idéalement placé, agencé (le tristoune "Alex"). L'ensemble fourmille de multiples détails que le temps rendra encore plus savoureux. Ceci n'empêche pas pourtant quelques ratés. A trop en vouloir en faire, comme avec le faussement complexe "Histrion", le petit Jack nous met parfois de côté. Heureusement, le sentiment global est des plus positifs. Sa voix y contribue elle aussi de nouveau. L'Américain comme sur le superbe "Prima" qui sonne comme un miroir masculin de Kate BUSH* ou à travers le conclusif "Pulling Down the Moon (Before You)" et son fougueux piano ne se fait pas prier.

Avec Hold, WILD NOTHING nous offre une très belle leçon de pop diversifiée. Si l'ensemble n'est peut-être pas nécessairement novateur, il ne souffre d'aucune grosse faiblesse. Tatum est doué, c'est un fait. Grâce à lui, on apprend que l’introspection se dévoile, légère comme une plume.

* Tatum a débuté en 2010 sa carrière par une reprise synthétique de "Cloudbusting".