Theo CROKER, le nouveau nom à surveiller dans le monde du jazz ? Pourtant ce trompettiste américain de 36 ans n’est pas un petit nouveau : fils d’un couple d’activistes pour les droits civiques, il s’est d’abord fait connaître en Chine, où il a vécu pendant sept ans en officiant dans le groupe d’un talk-show à Shanghaï avant de revenir aux Etats-Unis pour commencer sa carrière solo déjà riche de cinq albums depuis 2006, celui-ci étant son sixième.

Voilà en tout cas une pochette qui nous en apprend beaucoup sur ses influences : un décor égyptien qui rappelle Pharoah SANDERS, un chapeau à la SUN RA, le troisième œil de PRINCE sur les lunettes, un dessin qui rappelle les chefs-d’œuvre de Miles DAVIS… Un bel exemple d’afro-futurisme ! Et comme ses grands mentors CROKER ne craint pas d’être ambitieux. Il présente son disque comme la bande-son d’un film imaginaire qui parlerait de la découverte de l’identité africaine et de son accomplissement de soi à travers elle. Une grande idée qui ne se ressent pas vraiment dans la musique, ni dans les paroles. Car il y a du chant chez Theo CROKER !

Il a beaucoup travaillé dans le passé avec des artistes de hip-hop et de R’N’B et c’est cette fusion des styles qui imbibe son travail. Il existe une complétude entre eux qui rend les parties instrumentales juste superbes. L’excellente production de l’album donne à l’ensemble un son très smooth, très cool qui rappelle les grandes heures du soul-jazz des années 70. En tant que trompettiste Croker est indéniablement doué même s’il a tendance à trop imiter ses idoles. Difficile de ne pas entendre Miles ou Ornette COLEMAN à certains passages ! Mais il est pardonné juste pour des moments comme "Soul Call // Vibrate", "Anthem", "Hero Stomp // A Future Past" et "Pathways" qui sont juste géniaux, pas la peine d’en rajouter, l’album aurait été un petit EP avec ceux-là il aurait eu 5/5 et aurait fini en recommandation du site direct.

Oui mais voilà, il y a les morceaux chantés. Et je ne compte pas les "prélude" et "prologue" qui gonflent artificiellement la liste des morceaux. L’intrus dans la liste est le rap "State of the Union 444//BLK2THEFUTURELIFE" avec en guest Wyclef JEAN des ROOTS. Je n’accroche pas du tout au rap alors je suis mal placé pour en parler mais je l’ai trouvé pas trop mal dans le genre, ce qui est plutôt positif du coup ? Disons que oui. Le reste par contre… Theo CROKER a choisi comme guests trois chanteuses de R’n’B, un autre genre auquel je n’accroche pas du tout. Et pour le coup je n’accroche pas non plus aux morceaux "Every Part of Me" avec Ari LENNOX, "Lucid Dream" avec Charlotte DOS SANTOS et "Happy Feet (for dancers)" avec MALAYA car ils restent toujours cloués au sol. Trois chanteuses différentes mais j’ai l’impression d’en entendre une seule tant elles sonnent similaires. Les instrumentations sont là, c’est du tonnerre, mais le chant ! Morne plaine ! C’est mou comme un monte-escalier alors que ça devrait être dynamique, vivant ! Enfin bref, je ne vais pas m’attarder là-dessus, c’est mauvais pour ma tension.

Hormis cette tâche et ses titres à dormir dehors, BLK2LIFE//A FUTURE PAST est une bonne découverte. Il n’arrive pas à la hauteur de ses ambitions mais il y a assez de groove à se mettre sous les dents pour satisfaire son appétit. Il n’y a plus qu’à espérer que Theo CROKER continue sur cette voie pour corriger ses défauts avec son prochain opus. Sans frapper aussi fort toutefois, on peut le mettre dans la même catégorie que l’excellente Nubya GARCIA, découverte de 2021.