Au début des années 2000, en fondant SKILDA, les frères bretons Konan et Gurvan Mevel ne se doutent pas encore qu'ils sont à l'origine de l'un des plus grands noms de la scène celtique du nouveau millénaire, heure où les grandes vagues sont passées. Avec le guitariste Olier Le Fresne alias Aly Balder, ils ont tout de même multiplié les projets de groupe, pratiquement tous forts d'un album unique chacun : KADWALADYR, puis KAD, puis BELSHAMA. Le grand changement, ici, c'est qu'une meilleure notion de la stabilité est à prévoir, même si le nouveau projet l'ignore encore !

SKILDA ne devient complet qu'à l'arrivée du bassiste Mikaël Seznec, alias Mike S (présent sur l'album de KAD) et de la chanteuse Naia Wolf, mi-bretonne mi-irlandaise, grande amatrice de Dolores KEANE. Cela tombe à pic notamment pour le nombre de complaintes mises en valeur sur ce premier effort en commun, 13 Dreams. La recette de SKILDA reprend les éléments rock progressif des années KADWALADYR/KAD, les rythmes électro, dansants et tribaux de BELSHAMA, avec un meilleur regard porté sur le nord-ouest de l'Ecosse, les airs et waulking songs/chants de travail. Notez aussi que Konan Mevel, principal responsable des programmations électro, crée ses propres samples lui-même à partir de bruitages naturels !

13 Dreams s'ouvre et se ferme sur deux titres courts, une rythmique pour solo de cornemuse, percluse de discours, de 'tirs' d'armes ("Welcome to New Century", quel titre cynique !) ainsi qu'une marche blues lente avec guitare rageuse et orgue Farfisa avec un très bel effet de cordes ondulantes. "The Wicker Man" s'inspire d'une tradition païenne des îles Hébrides avec sacrifice humain dans une statue de bois géante et enflammée pour marquer le solstice d'été ; un film de Robin Hardy dédié, en 1973 et avec Christopher Lee, demeure l'une des plus grandes oeuvres cultes du cinéma britannique.

Durant les quelques quarante minutes restantes, les 'waulking songs' jouxtent les complaintes. On reconnaît l'air vivifiant et entêtant de "Airfailarin", avec chant conducteur de Naia Wolf et choeurs de Konan Mevel dans une ambiance très CAPERCAILLIE et qui revient plus volontiers à la tradition que ce qu'en avait proposé BELSHAMA en intro de son disque unique (Afro Gaelic Groove Tribe, 2000). Les bruits de labour s'en mêlent, mais on rencontre également une rythmique groovy, ainsi qu'une danse d'instruments formidable sur fond de synthés zozotants.

La chanteuse, aussi proche de Dolores KEANE que de Karen Matheson, naviguant entre voix pleine de méandres et de falsettos, fournit de splendides prestations vocales sur les suaves "Hi Rim Him Bo" et "And It's Gone". Les deux parties des "Flowers of Finae" font également partie du plat de résistance, avec de très belles incursions de Gurvan Mevel alias Bran à la batterie. "Moonstone" quant à elle, passe pour le tube du disque, avec sa pop ciselée, ses nappes cristallines, ses sifflements synthétiques sur le final.

Parmi les autres titres proposés, "Gossanah" se révèle être la plus belle parle en termes de progression, d'arrangements. Débutant par une ballade nocturne, elle se poursuit avec des influences 'world' africaines ou indiennes, usant de guitares grasses sur les refrains. L'accalmie mêlant piano, violon et cornemuse est splendide, tout comme le solo de synthé perdu dans le maelström final.

On retient moins la funk à discours "Freedom, Future", le "Tripp Bopp Reel" qui tire trop en longueur ou encore le dynamique "Lewis (Cosmic Reel)" où la fièvre whistle-violon-uilleann pipes (Konan Mevel avec les musiciens Chris Mac Brag et Gwen McCartagg) est suivie de près par les loops. SKILDA fera beaucoup mieux à l'avenir de ce côté ! Tout de même, quelle grâce dans ce "A Cry..." court, où planent les instruments celtes sur des nappes soyeuses, dans un ambient folk magique tel que le propose IONA, groupe prog-gaélique immense.

De bons débuts donc, mais encore à confirmer !