Chemins de Brume (1999, distribué par Coop Breizh) est le premier de Gwenael KERLEO qui marque l'arrivée de musiciens pour une collaboration plus régulière et appuyée, plus originale en matière de musique bretonne.

Certains d'entre eux possèdent un bagage jazz, ce qui explique le caractère improvisé de cette nouvelle fournée, notamment des titres comme "Immobile", "Dans tes rêves". En fait, souvent ceux où intervient François Martres au(x) saxophone(s).

La "carotte" (sax soprano) vient se poser comme une fleur sur les petits pas de notes (h)arpégées, hésitantes et brumeuses au cours de plusieurs instants, avant que les deux instruments ne se suivent et s'entremêlent le temps d'une danse, du moins une mélodie plus affirmée.

"Immobile" est encore plus surprenant : sur six minutes, les saxophones différents se répondent, brodent autour d'un même air dont la harpe reste la clef de voûte. C'est d'une finesse ! Un long moment d'élégance et de bonheur. Bien entendu, ce sont des qualificatifs propres à l'univers musical de Gwenael KERLEO, et sur ce disque-là pas moins que sur d'autres.

Ailleurs, ce sont des percussions ajoutées, une guitare acoustique par Sebastien Martres le temps de quelques arpèges en soutien à la harpe ("Une histoire"), un bourdon d'accordéon ("Chemin de brume") sur une métrique impaire, sur laquelle planent les douces vocalises de la chanteuse qui, à certains moments, peuvent même se faire plus lyriques.

Sans être forcément rattaché à la terre bretonne cette fois – malgré un "Hanternoz" bien empreint, juste saupoudré d'influences latines -, Gwenael KERLEO nous convie à un voyage amoureux, au sens le plus sincère de venant du coeur, avec ses tâtonnements, ses doutes, mais toujours cette envie de rapprochement.

L'harpège très beau de "Une histoire", slow jazzy, semble "en demande". Le magnifique "Je t'attends" ne pouvait trouver meilleur titre ; les notes aiguës sonnent comme les questions que tout(e) amoureux(euse) transi(e) se pose : "que fais-tu ?", "avec qui es-tu ?" Ces mêmes notes s'écartent joliment du balancement de graves feutré sur "Elle dormait", poignant à sa façon.

Il y a aussi la force que peut mettre Gwenael KERLEO dans des chansons instrumentales, sans paroles donc, mais que l'on devine aisément. "Tu me diras", la plus passionnée où accordéon et harpe sont au diapason, mais aussi "Soul Release" et "Sur la route", parcourues de rythmes chaloupés, africains ou antillais. La deuxième surtout demeure un bijou musical dans son travail de mélodies en mineur et en majeur, de quoi renforcer l'enchantement. Un bien beau disque !