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1984 Heap See

Jimmy JOHNSON - Heap See (1984)
Par LE KINGBEE le 1er Janvier 2022          Consultée 779 fois

A l’heure où ces lignes apparaîtront sur le site, on peut se demander si Jimmy JOHNSON● n’est pas la dernière grande légende vivante du Blues avec Buddy GUY. Paradoxalement, s’il n’a jamais atteint la notoriété du Louisianais, Jimmy Johnson reste tout de même son aîné de huit ans. Aussi incroyable que cela puisse paraître, le guitariste a 92 ans et se produit toujours.

Autre fait étonnant, notre Jimmy est le frère aîné de Syl Johnson, guitariste-chanteur bien connu dans le domaine de la Soul et de Mac Thompson* (ancien équipier de Magic SAM, Jimmy DAWKINS et Harold Burrage) et accessoirement l’oncle de la chanteuse Syleena Johnson.

James Earl Thompson voit le jour en 1928 à Holly Springs, ville au nord du Mississippi, à un jet de pierre du Tennessee. Second garçon d’une famille de pauvres fermiers comptant dix enfants, James arrête l’école très tôt afin de se consacrer aux animaux de la ferme et aux joies de la récolte du coton. Les temps sont durs depuis que les charançons ont décidé eux aussi de bouffer du coton. Comme de nombreux gamins de son âge, James fait ses gammes sur les bancs de l’église locale, chante occasionnellement dans une petite troupe de Gospel, étudie le piano.
A seize ans il quitte le lopin familial, s’établit à Memphis où il devient cantonnier, puis maçon, deux métiers qui lui permettent juste de subsister. Il s’établit par le biais d’un oncle à Chicago où il devient soudeur. Bien décidé à relancer une carrière qui n’avait jamais réellement commencé, il se remet à la guitare, il faut dire qu’il a pour voisin Magic SAM. Il achète sa première guitare à 28 ans et donne son premier concert en juillet 58.

Sous le nom de Jimmy JOHNSON, il intègre l’orchestre de l’harmoniciste Slim Willis, enchaîne chez Freddie KING et Magic SAM, son ancien voisin. S’il apprécie Magic Sam et Jimmy DAWKINS, il s’inspire avantageusement des jeux de guitare de Reggie Boyd et Matt 'Guitar' Murphy. Son jeu de guitare souvent incisif et vibrant s’inscrit pleinement dans le registre du West Side Sound de Chicago.
Durant les sixties, on le retrouve comme accompagnateur pour Denise La Salle, Otis Clay. La Soul tombant en décrépitude au profit du Disco, Jimmy se remet au Blues et devient seconde guitare pour Otis RUSH et Jimmy DAWKINS avant de voler de ses propres ailes en 1975 et de monter son propre groupe. En octobre 75, le guitariste met en boîte sa première galette pour le compte du label français MCM. Il lui faut attendre deux ans pour reprendre le chemin des studios ; en mars 77, il enregistre un second disque produit par Ralph Bass, album dont les bandes resteront sur une étagère pendant plusieurs années avant d’être édité au milieu des eighties par le label anglais Red Lightnin’. En octobre 77, JOHNSON fait son retour chez MCM avec l’album "Tobacco Road. S’ensuivent plusieurs compilations sur lesquelles le guitariste apporte une poignée de titres, souvent excellents, suivis de deux albums publiés par la firme Delmark.

Si Jimmy JOHNSON avait enchanté en 1979 le public parisien avec une prestation de haut niveau au sein de la tournée du Chicago Blues Festival à la Mutualité, le guitariste remet le couvert en novembre 83 avec son groupe régulier. Profitant de sa venue en France, Dominique Samarcq, ancien ingé-son de la maison Barclay, le conviait à une session d’enregistrements sous la houlette du label français Black And Blue. Rétrospectivement, de nombreux bluesmen et jazzmen enregistrèrent leurs meilleurs opus chez ce label bien de chez nous.

Enregistrés en une seule séance, ces neuf titres semblent découler le plus naturellement du monde. Le quatuor bien rodé aux scènes du West Side fait preuve ici d’une désarmante cohésion, tout semble s’emboîter à merveille, comme dans un puzzle. JOHNSON n’apporte que trois originaux : "Heap See" qui donne son nom à l’album se déguste comme du petit lait. La voix est chaleureuse et le jeu de guitare vibrant et simple. Johnson n’est pas le genre de gars à se rouler par terre ou à faire des sauts de cabris sur scène, il va à l’essentiel et cette caractéristique se retrouve dans son jeu de guitare.
"Happy Home" ♯ sonne comme un shuffle avec une section rythmique qui n’a de cesse de jouer son rôle de métronome en chef. Le bassiste Larry Exum (ex-Fenton Robinson, Louisiana Red) et le batteur Fred Grady (ex-Otis Clay, Sunnyland Slim, Hip Linkchain) forme une rythmique de premier plan. "Missing Link", un long instrumental de 6 minutes, donne le premier rôle à la guitare, JOHNSON nous délivrant un phrasé redoutable dans lequel il touche la cible à chaque note.

Si les reprises s’avèrent à première vue bigarrées, elles portent toutes la marque de fabrique du guitariste, un jeu de guitare simple, sans esbroufe et estampillé par le West Side Sound. En ouverture, la reprise de "Chicken Head", hit imparable de Bobby Rush, a de quoi faire frémir avec sa basse bien ronde, l’orgue groovy et une gratte qui prend par moment une teinte Funky. La fantaisie des paroles apporte un cachet humoristique : Daddy told me on his dying bed - Give up your heart or don't you lose your head - You come along girl, what did I do ? - I lost my heart and my head went too. Tout un programme que cette tête de poulet, reste à savoir si elle va tomber, cette tête. Une interprétation selon nous supérieure à celles de James COTTON et Magic SLIM.
De l’amour qui se termine en queue de poisson, il en est encore question dans "When My First Wife Quit Me", titre sans concession de John Lee HOOKER, l’artiste ayant eu du mal à se remettre d’un divorce. Là, le ton se révèle moins austère, moins frustre et rugueux que le boogie d’origine, le jeu de guitare semble adoucir cette première rupture.
Il rend hommage à son ancien mentor Magic Sam avec "I’ve The Same Old Blues" dans une version où la rythmique est plus rapide que celle du standard d’origine. Compo de Mel London et hit mineur de Junior WELLS au tout début des sixties, "Little By Little" prend ici une coloration encore proche du West Side, la rythmique joue son rôle de gardienne du temple tandis que la guitare est toujours aussi imperturbable. Une version qui nous paraît plus délicate que celle plus récente de Shawn Holt (le rejeton de Magic Slim).
Rendons à César ce qui lui appartient, une petite erreur de crédit s’est glissée sur "Cold Cold Feeling", œuvre de Jessie Mae Robinson. Gravée par T Bone Walker pour Imperial au début des fifties, la chanson se retrouve gommée de toutes ses effluves R&B à la sauce Texas au profit d’un Slow Blues made in Chicago. La guitare souvent économe s’avère toujours aussi tranchante. Jimmy JOHNSON nous en délivre l’une des meilleures versions avec celles de Jimmy Witherspoon et Joey Gilmore.
Dernière cover avec "You Don’t Know What Love Is" ‡, un inusité de Fenton Robinson qui se retrouve gommé d’un nappage de cuivres, une version clairement plus épurée que l’originale qui nous renvoie encore une fois au cœur des ghettos de Chicago.

Jimmy JOHNSON délivre ici un excellent album de Chicago Blues. Si certains amateurs risquent de lui reprocher une simplicité, cet opus se situe néanmoins dans le haut du panier des productions Blues du début des eighties. Comme souvent la production soignée et sans surenchère des disque Black And Blue fait feu de tout bois. A plus de cinquante cinq ans, Jimmy Johnson se révélait là au public européen avec un album emblématique. La section rythmique est monstrueusement métronomique, l’orgue d’une grande discrétion tandis que le jeu de guitare rejoint celui des grand maîtres Jimmy DAWKINS, Reggie Boyd et Magic Sam.
Pour les amateurs d’anecdotes guères joyeuses, Jimmy JOHNSON est victime en 1988 d’un grave accident de la route au cours duquel Larry Exum perd la vie. Y avait-il là une prémonition néfaste ? En 2003, c'est au tour de Fred Grady de décéder des suites d’un carton. Ce disque est publié aux USA par le label Alligator sous le titre de Bar Room Preacher, avec un changement de chronologie dans les titres et une pochette différente. Black And Blue a réédité l’album en CD avec un titre bonus capté lors du Festival de Montreux 78 avec d’autres musiciens.


●Un autre Jimmy Johnson, blanc cette fois ci, s’est fait connaître du côté de Muscle Shoals.
*Mac Thompson est décédé en 1991.
♯Titre homonyme à celui d’Elmore James.
‡Titre homonyme au standard de Jazz de la paire Gene De Paul/ Don Raye.

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   LE KINGBEE

 
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- Jimmy Johnson (chant, guitare)
- Larry Exum (basse)
- Fred Grady (batterie)
- Jene Pickett (orgue, piano)


1. Chicken Heads
2. When My First Wife Quit Me
3. Heap See
4. I've The Same Old Blues
5. Little By Little
6. Cold Cold Feeling
7. You Don't Know What Love Is
8. Happy Home
9. Missing Link



             



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