On ne fait pas que du métal noir en Norvège, que diable !

ARABS IN ASPIC – intitulé surréaliste en semi-hommage au Larks Tongues In Aspic signé KING CRIMSON ? – s’émancipe à Trondheim en 1997 sous la houlette du guitariste et chanteur Jostein SMEBY et Tommy INGEBRIGTSEN, guitariste rythmique et joueur de Thérémine qui, ayant découvert leur amour commun pour la musique rock heavy seventies et notamment BLACK SABBATH, se mirent à jouer ensemble, secondés au début par divers accompagnateurs.

Avec l’inclusion de Magnar KRUTVIK à l’orgue Hammond et des frères NYHUS, Eskil à la batterie et Terje à la basse, le groupe était prêt à se lancer dans sa propre aventure, armé de ses compositions personnelles.

Le quintet – rapidement transformé en sextette avec l’arrivée de Stig Arve JORGENSON à l’orgue Hammond et de fait la mutation de KRUTVIK à la guitare acoustique et synthé – commence à plancher sur sa première sortie officielle, le mini-album Progeria, suivant une série de démos et de nombreux concerts autour de Trondheim. Un disque d’ailleurs enregistré dans le club des Hells Angels de la ville, ce que la police n’appréciait guère, plusieurs des membres du collectif étant par ailleurs des athlètes semi-professionnels en saut à skis, le mélange des genres leur semblant plutôt indigeste !

Progeria, jeu de mot avec « progressif » ?…, du grec 'geron', vieillard, ou syndrome de Hutchinson-Gilford désigne une maladie génétique extrêmement rare provoquant des changements physiques assimilables à une sénescence accélérée. Une illustration grandeur nature avec ce vieil homme ornant la jaquette ou les explications d’un narrateur au cours du titre éponyme, recouvrant le petit motif carillonnant dessiné à la guitare : Aucun traitement n’existe. Malheureusement. Un jour peut-être.

Mais place au plat de résistance et aux trois autres titres, plus amples, plus complexes.

Un orgue arrosé par la pluie. A moins que ce ne soit un feu crépitant. Des arpèges acoustiques font irruption, accompagnés d’un riff Floydien presque stoner s’effaçant ensuite au profit d’un chant absolument magnifique. "Silver Storm" porte en lui tout ce qui caractérise le son ARABS IN ASPIC en ce début de carrière : entre les envolées space rock à la HAWKWIND et les martèlements lourds heavy empruntés à BLACK SABBATH, saupoudrés de rock progressif, s’avérant psychédélique voire stoner par instants. Un titre essentiel. Une claque.

"Shelob’s Cave/The Great Shelob/Wizard In White" propose un autre plan stoner d’entrée avec un riff d’une langueur maladive. Orgue et chant font ensuite leur entrée en scène, pour une chanson très ancrée dans les seventies, évoquant immanquablement CAMEL et son "Nimrodel/The Procession/The White Rider" par sa construction en trois parties mais également sa thématique. En effet, tous deux partagent une fascination pour le Seigneur des Anneaux ; "Shelob" étant le nom anglophone porté par la terrible Arachné, monstrueuse araignée gardienne du col de Cirith Ungol et le "magicien en blanc" désignant bien évidemment Gandalf.

"Megalodon" est la meilleure chanson que je connaisse dédiée à un requin. Elle est structurée autour d’une longue épopée instrumentale digne d’un cirque des horreurs symétriquement encadrée par des couplets atmosphériques à la dose épique largement au-dessus de la moyenne. Un riff en hommage à CARAVAN ou CREAM – à moins que ce ne soit les deux – s’incorpore autour de la troisième minute. La coupure finale se fait au climax total de la plaque, à la culmination des harmonies vocales.

Longtemps indisponible, Progeria a finalement été remastérisé en 2021 par Jacob Holm-Lupo. N’hésitez plus, les seventies sont confortables, même recréées par un hologramme millénial.