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1998 L'Oeuvre Complète

Edgar VARESE - L'oeuvre Complète (1998)
Par CORNELIUS le 19 Janvier 2022          Consultée 821 fois

Edgard Varèse n'est pas tout à fait un compositeur comme les autres compositeurs qui se croient différents des autres compositeurs. Le dur et tranchant Rebatet dit de lui : Varèse a pu faire figure de précurseur par son attachement au phénomène acoustique en soi, son aversion pour la gamme tempérée. Mais on a parlé un peu trop et trop gravement de son génie.

Concrètement, ce compositeur franco-italien est une forte tête. Sa musique, pas assez cérébrale pour les purs dodécaphonistes et trop brutale pour les prudes académiciens, est d’une originalité facilement reconnaissable en ce siècle d’expérimentations diverses et plus ou moins heureuses. STRAVINSKY est le nom qui vient le plus naturellement à l’esprit lorsqu’on entend ses pièces les plus représentatives, ne serait-ce que pour la prédominance du rythme (fracassant si possible) et la nécessité pour l’orchestre tout entier de devenir lui-même un instrument de percussion. D’un certain point de vue, on pourrait affirmer que toute l’œuvre de VARESE est comme une perpétuelle réminiscence du fameux Sacre Du Printemps. On entend ou devine également une fascination pour le furieux mouvement futuriste italien, notamment pour les compositeurs Luigi RUSSOLO et Francesco PRATELLA dont les premières expérimentations bruitistes ont ouvert la voie à un univers sonore insoupçonné ou alors oublié depuis le dernier Déluge.

La plus ancienne pièce présente ici est comme de juste une œuvre de jeunesse (la seule qui nous soit parvenue) basée sur un poème de Verlaine, Un Grand Sommeil Noir. Bien loin des massives fulgurances à venir, ce délicat morceau pour voix soprano et piano est d’un caractère tout crépusculaire, comme un adieu au Romantisme. Une version plus tardive, pour orchestre, sera commandée par Riccardo Chailly. En 1915, tournant le dos à la fois à l’Europe et à la guerre qui la ravageait, il s’en va pour les Etats-Unis, aller simple. Seul à New York, ou presque puisque s’y est déjà réfugié le clairvoyant et plus que futuriste Marcel Duchamp qui deviendra évidemment son ami, VARESE y mène une vie singulière certes, mais surtout une vie de travail acharné, d’œuvres démesurées maintes fois abandonnées, trucidées, recommencées, recomposées.

Amériques, œuvre pour très grand orchestre (27 bois, 29 cuivres et l’ensemble de percussion le plus important de l’époque) composée entre 1918 et 1921 et créée enfin en 1926, est probablement l’une des pièces les plus caractéristiques du compositeur. Le hautbois qui l’introduit évoque directement les premières notes du Sacre Du Printemps, définitive influence comme susmentionné. Cette création est une guerre et le champ de bataille de cette guerre est vaste comme un désert mexicain balayé par des rafales de vent froid et les sifflements de serpents métalliques. Le tout fréquemment arrosé de bombes incendiaires, cependant qu’une espèce de nostalgie néo-classique s’installe entre chaque épisode de bombardement, comme un tendre regard en arrière avant le fracassant plongeon dans l’inconnu.

Intégrales, elle aussi pour un très grand orchestre, est peut-être encore plus tonitruante, mais avec de plus longs et inquiétants intervalles entre les coups. Du milieu des années 20, date également Arcana, moment de célébration occulte à caractère de fantaisie militaire où s’entrechoquent clarinettes et xylophone. Ces deux pièces sont basées sur un schéma très proche de celui d’"Amériques", schéma qui tentera à se répéter tout au long de la carrière du compositeur, avec de nombreux apports, notamment ceux de l’électronique. Et l’électronique, on le trouve sous forme d’ondes Martenot dés 1934 avec Ecuatorial, une des œuvres les plus aventureuses de VARESE. Le style y est plus fantomatique que sur ses travaux précédents mais les percussions, qui surgissent puissamment des profondeurs, sont bien présentes et assourdissantes.

C’est peut-être les fameux Déserts, créés en 1954, qui se révèlent être ce que VARESE a composé de plus étonnant, de plus singulier. Les parties orchestrales sont toutes de nuance, avec des accords soutenus et un souci évident de mélodie tandis que les parties électroacoustiques, ou "Interludes", nous plongent dans un univers sonore très incertain, fait de cliquetis métalliques, de chute de boulons et de bruits de tôle froissée réverbérant de toute part. Le passage de l’une à l’autre de ces parties bien distinctes est quelque peu abrupte, et on aurait préféré (enfin moi surtout) que les "Interludes" aient été un opus à part entière.
Cette œuvre, présentée par BOULEZ en 1954 au Théâtre des Champs-Elysées, fit un scandale comme Paris n’en avait plus connu depuis Le Sacre du Printemps, en 1913. La presse se déchaîna ; un journaliste, fidèle à la haine que les plumitifs vouent aux créateurs véritables, en appela même à la peine capitale par chaise électrique pour le compositeur. Celui-ci répondit avec style : On peut dire que, jusqu’à nos jours, la France a eu de grands musiciens. Mais elle n’a jamais eu de public musical.

La dernière partie de son œuvre est une pièce purement électroacoustique, Poème Electronique, jouée en 1958 au Pavillon Philips du Corbusier. Les sons purs, les bruits de cloches, de pianos et autres machines, épousant la structure architecturale du Corbu, plongeaient l’auditeur dans un tourbillon qui devait être particulièrement intense. Même avec de très bonnes enceintes, difficile de se retrouver dans pareille immersion sonore, surtout que son aspect avant-gardiste n’est plus tout à fait évident aujourd’hui, contrairement à une œuvre comme Gesang Der Jünglinge Im Feuerofen, créée par STOCKHAUSEN deux ans plus tôt.

Toute sa vie, VARESE fut à la fois un épurateur de sa propre production et un architecte bloqué dans ses ambitions par les moult contraintes et obligations que ses projets ne manquaient pas d’engendrer (sans même évoquer l’habituel mépris que l’institution musicale voue aux innovateurs et autres aventuriers de la création). Raison pour laquelle la totalité de son œuvre peut être gravée sur deux cd, ce qui est, lorsqu’on prend la peine d’y penser, assez fascinant. Il est probablement, avec Anton WEBERN, le compositeur ayant le moins d’opus à son actif de tout le 20ème siècle. Et comme de juste, il est une légende. Qui sait ce qu’il nous cachait ou n’a pas été en mesure d’accomplir ?

Enfin, voilà tout ce qu’il nous reste de l’œuvre complète d’un perpétuel amoureux de l’absolu. Elle nous est restituée ici par l’Ochestre Royal du Concertgebouw d’Amsterdam pour le premier cd, et par l’Ensemble ASKO pour le second, le tout dirigé par Riccardo Chailly, sous la supervision du sage Chou Wen-chung qui travailla étroitement avec le compositeur.

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   CORNELIUS

 
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- Orchestre Royal Du Concertgebouw (cordes, bois, cuivres, percussions, divers)
- Ensemble Asko (cordes, bois, cuivres, percussions, divers)
- Riccardo Chailly (direction)


1. Tuning Up
2. Amériques
3. Poème Electronique
4. Arcana
5. Nocturnal
6. Un Grand Sommeil Noir

1. Un Grand Sommeil Noir (version Originale)
2. Offrandes 1 / Chanson De Là-haut
3. Offrandes 2 / La Croix Du Sud
4. Hyperprism
5. Octandre 1 / Assez Lent
6. Octandre 2 / Très Vif & Nerveux
7. Octandre 3 / Grave - Animé & Jubilatoire
8. Intégrales
9. Ecuatorial
10. Ionisation
11. Density 21-5
12. Déserts 1st Episode
13. Déserts 1st Inerpolation Of Organised Sound
14. Déserts 2nd Episode
15. Déserts 2nd Interpolation
16. Déserts 3rd Episode
17. Déserts 3rd Interpolation
18. Déserts 4th Episode
19. Dance For Burgess



             



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