Four Walls. Les quatre murs. Ceux de la prison ? De la dépression ? De notre propre cellule d’isolation intérieure ? De nos limites ?

Il n’y a pas de solution, parce qu’il n’y a pas de problème.
Marcel Duchamp

Dans les années 70, alors que John CAGE étudie le Yi Jing et pratique la méditation, un ami lui fait écouter la longue pièce qu’est Four Walls. Le compositeur l’avait complètement oubliée et, de son propre aveu, la trouva étonnamment bonne.
Première collaboration avec le danseur et chorégraphe Merce Cuningham, cette œuvre, cette 'musique de scène' plus exactement, a été créée pour piano (non préparé, cette fois-ci) et voix solo (pour une seule piste, sorte d’interlude).
Cet oeuvre présente la particularité d’avoir été écrit pour les notes blanches du piano uniquement et tout en sol majeur, un état d’esprit qui annonce les prémisses de la future musique répétitive américaine (Steve REICH, Philipp GLASS, Terry RILEY etc.)

Mais que se passe-t-il vraiment pendant ces 58 minutes ? En termes purement quantitatifs, peu d’accords sont exécutés. Mais sous l’angle toujours aimable et surtout décisif de la qualité, c’est à une œuvre majeure, bien que de relative jeunesse, que nous avons à faire ici.
Il s’y passe, selon mon vécu, une série d’émotions toutes très vives et de silences inquiétants que l’on pourrait objectivement ranger dans la vaste catégorie de ce beau et terrible nom dérivé du grec de 'mélancolie'.
Je vois ici des bribes de film amateur en noir et blanc, sortes de témoignages tournés à l’arrache mais avec savoir-faire et amour, quelque part entre un recoin obscur et sale de Central Park et une idyllique plage engloutie dans l’Atlantide.

Il n’est jamais trop tard pour découvrir John CAGE, ni trop tôt d’ailleurs (si jamais des adolescents passent dans le coin). Son œuvre nous questionne sur le sens, sur le rythme de la vie. Son fascinant parcours est littéralement le testament d’un vieux monde moderne, si jeune encore par certains endroits, cédant la place à un monde d’en dessous, sorte d’abîme complet, indéterminé, sans âme propre et éternel à la fois.

There’s no such thing as silence. Something is always happening that makes a sound.
John Cage