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1958 Concert By The Sea

ERROLL GARNER - Concert By The Sea (1958)
Par DERWIJES le 26 Janvier 2022          Consultée 541 fois

Erroll GARNER, a t-il aujourd'hui la même côté que, disons, Dave BRUBECK, Chick COREA, Thelonious MONK, Keith JARRETT... ? Peut-être pas, mais il a un héritage de poids : son Concert By The Sea de 1955.

Mais avant tout prenons une minute pour faire connaissance : né en 1921 à Pittsburgh il apprend le piano en autodidacte et s'intéresse au be-bop de Charlie PARKER. Il se lance tôt dans une carrière musicale mais enchaîne les difficultés. En 1947 il est refusé par la Pittsburgh Musician Union car il ne sait pas lire une partition il parvient quand même à se faire un nom grâce à son jeu enthousiaste sur scène. De petite taille (1m57), il devait placer des annuaires téléphoniques pour être à la bonne hauteur -il plaisantait d'ailleurs dessus en disant qu'il adorait jouer à Manhattan car c'était la seule ville où le bottin était assez épais et qu'un seul exemplaire lui suffisait-. Son autre particularité physique sont ses mains, aux longs doigts très fins. Il s'en sert à avantage en laissant sa main gauche tenir le rythme pendant que la droite effectue les solos. Une technique utilisée par d'autres pianistes mais qu'il a faite sienne. Ce serait d'ailleurs à cause de lui qu'Art BLAKEY se serait mis à la batterie ! En effet il était d'abord pianiste, et l'anecdote veut que pendant les répétitions d'un concert dans un bar à Pittsburgh BLAKEY avait du mal à suivre les autres musiciens. Le jeune Erroll GARNER se propose alors d'essayer et impressionne tellement le public présent que le propriétaire du bar conseille à BLAKEY de changer d'instrument...

Il rencontre un certain succès populaire amplifié par celui de sa composition « Misty » qui s'impose rapidement comme un standard du jazz (voir le film de Clint EASTWOOD « Play Misty for Me », de 1971), et il a l'honneur d'être le premier musicien de jazz à jouer au Cleveland Music Hall, qui n'accueillait que des musiciens classique. Mais le meilleur reste encore à venir, et on peut dater le sommet de sa carrière avec exactitude : le 19 Septembre 1955.

Une journée qui fut chaude et agréable, à en croire le relevé météorologique de Berkeley de l'époque. Erroll Garner est invité à donner un concert à l'église de la base militaire de Fort Ord à Carmel en Californie. Un concert comme il en a donné tant d'autres, rien de spécial. En coulisses, son agent Martha GLASER croise du soldat Will THORNBURY, fou de jazz, qui enregistre le concert pour son plaisir personnel. La rencontre la fait sourire, mais elle change vite d'expression quand le concert commence et qu'elle se rend compte qu'il est en train de se passer quelque chose de très spécial sur scène. « Bon sang, et on n'a pas prévu d'enregistrer ce concert ! Et si... » Et si une idée fallait le coup d'être tentée ? Elle prend son mal en patience et attend la fin du concert pour revenir vers le soldat qu'elle a vu plus tôt. Elle lui propose de lui emprunter son enregistrement et s'attend à une négociation âpre mais Thornbury ne demande rien d'autre...que l'intégralité des enregistrements de GARNER publiés jusque-là ! Voilà un vrai fan.

Et voilà qu'un mois après, quasiment jour pour jour, sort dans les bacs un nouvel album d'Erroll GARNER, intitulé Concert By The Sea et publié sous une pochette qui n'a rien à voir avec le véritable contexte du concert mais qui a depuis fait l'histoire du jazz, celle d'une femme étirant ses bras au bord de la mer, est du photographe Art KANE* et c'est un bingo ! Complet. Juste en 1958 l'album dépasse le million d'exemplaire vendu et il s'est depuis imposé comme l'un des grands incontournables du jazz. Il est ressortie en 2015 dans une édition deluxe 3 Cds.

Et c'est indéniable que ce Concert By The Sea fait partie de ses albums que chacun devrait avoir écouté au moins une fois dans sa vie. Pas par pédanterie culturelle pour pouvoir dire qu'on l'a fait, mais parce qu'il est capable de plaire à tout le monde, autant à ceux qui adorent le piano qu'à ceux qui n'en entendent rien. L'histoire de ce concert rappelle quelque peu celle du Köln Concert de Keith JARRETT, deux concerts improbable qui se sont imposés comme des classiques. Mais contrairement à JARRETT, GARNER n'était pas seul sur scène, il était accompagné par Eddie CALHOUN à la basse et par Denzil BEST à la batterie. Malheureusement même les meilleurs retouches numériques ne suffisent pas compenser la faiblesse de l'enregistrement d'origine et on les entend difficilement. L'ensemble n'est d'ailleurs pas aussi net que ce à quoi nos oreilles dorlotées au son 4kHD ou que sais-je sont habituées, mais les parasites que l'on entend rajoutent un je-ne-sais-quoi qui participe à l'atmosphère d'ensemble. Et waouh, quelle ambiance ! Erroll GARNER est en feu dès qu'il attaque « I'll Remember April », et il va garder ce rythme de folie tout le long du concert. Il n'a rien de comparable avec la force tranquille de Keith JARRETT et Bill EVANS mais se rapproche plutôt du jeu enjoué d'un Duke ELLINGTON ou même de Jerry LEE LEWIS, dans un autre genre. Quelques ballades (« April In Paris », « Red Top », « Autumn Leaves », « They Can't Take That Away From Me ») mais surtout de quoi bouger avec « It's All Right With Me », « Mambo Carmel » « Where or When »...

Après un tel succès la carrière d'Errol GARNER n'aurait pu que décoller en flèche. Avec l'aide de Martha GLASER il devient le premier artiste afro-américain à signer un contrat avec la Columbia Records stipulant qu'il a un droit de regard sur ce qu'ils souhaitent publier de lui -un contrat d'ailleurs rarissime auprès des artistes blancs aussi, d'ailleurs. Mais évidemment la Columbia s'est bien tor...mouchée avec ce contrat et ils sortirent un album sans l'autorisation de GARNER, ce qui le poussa à les poursuivre en justice. Non pas pour l'argent, mais par principe, car il n'était pas dupe qu'ils ne s'étaient pas souciés de respecter son contrat principalement parce qu'il était noir. Le procès dura deux ans et il en ressorti en apparence vainqueur, touchant plus de 200 000 dollars de compensation. Mais en vérité c'est bien la Columbia car pendant ses deux ans il n'eut pas le droit d'enregistrer, ce qui porta un coup quasi-fatal à sa carrière, et la presse blanche se saisit de l'occasion pour le dépeindre comme un sauvage avide d'argent à peine capable de lire une partition...Le coup lui fut presque fatal et il ne sortira que peu d'albums par la suite et jusqu'à sa mort d'un arrêt cardiaque le 02 Janvier 1977, à 55 ans.
Si son œuvre mériterait d'être redécouverte, elle vivra pour toujours dans l'ombre glorieuse de ce concert.

*Surtout connu pour cette pochette et la photo des WHO où ils sont enveloppés dans l'Union Jack, son œuvre mériterait d'être mieux connue. A découvrir sur son site : https://www.artkane.com

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- Erroll Garner (piano)
- Eddie Calhoun (contrebasse)
- Denzil Best (batterie)


1. I'll Remember April
2. Teach Me Tonight
3. Mambo Carmel
4. Autumn Leaves
5. It's All Right With Me
6. Red Top
7. April In Paris
8. They Can't Take That Away From Me
9. How Could You Do A Thing Like That To Me
10. Where Or When
11. Erroll's Theme



             



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