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1991 Love

Heidi BERRY - Love (1991)
Par AIGLE BLANC le 28 Janvier 2022          Consultée 435 fois

Ah... mes douces années estudiantines ! Heidi BERRY a su les émouvoir plus profondément encore que ses confrères COCTEAU TWINS et DEAD CAN DANCE, les deux chefs de file de 4AD, pourtant infiniment plus ambitieux et virtuoses que la jeune et si discrète Bostonnienne d'origine, exilée à Londres, et entrée en 1991 par la petite porte, sans tapage ni remous, au sein de l'inoubliable et tant aimé label d'Ivo Watts-Russell, pour y enregistrer en catimini 3 albums seulement, 3 perles d'une Folk intemporelle à jamais ensevelie par la laideur du monde devenu sourd aux appels morts-nés des artistes 'simplement humains' -"Only Human", sussurre-t-elle dans l'une de ses plus belles chansons- , avant de s'effacer par une porte plus modeste encore au terme de 4 trop courtes années de service octroyés à dame Musique, sans perte ni fracas, pour rejoindre à jamais ses anonymes origines.

Quand Ivo Watts-Russell croise en 1991 le chemin d'Heidi BERRY, l'Américaine de 33 ans vit à Londres où sa mère, une chanteuse de jazz québécoise, est venu emménager en 1973 suite à un remariage.
Bien que remarquée déjà par Alan MCGEE, patron de Creation Records, pour qui elle a accepté de produire en 1987 un premier E.P six titres, Firefly, suivi en 1989 de Below the Waves, premier album attirant sur elle l'attention d'un certain public, la chanteuse songwriter n'a nulle ambition de se lancer dans une carrière musicale. C'est sans compter la détermination et la conviction d'Ivo qui, pour les besoins de Blood, troisième et ultime volet de THIS MORTAL COIL, la convainc d'interpréter une reprise d'Emmylou HARRIS, "Till I Control Again", tâche dont elle s'acquitte honorablement, rejoignant ainsi à mots couverts d'autres chanteuses du collectif à géométrie variable caractéristique du projet musical d'Ivo, où ont brillé deux ans plus tôt Lisa GERRARD et Elizabeth FRASER -je vous renvoie au volume inaugural de THIS MORTAL COIL, It'll End In Tears (1989)-.
Sans-doute séduite par la dimension familiale régnant au sein du label 4AD, lui assurant liberté artistique autant qu'anonymat (le label est davantage connu pour valoriser les albums que pour flatter l'ego des artistes), Heidi BERRY accepte de se lancer dans la réalisation du toujours délicat deuxième album.

Love (1991) n'épouse pas le programme stéréotypé, fait de mièvrerie et de roucoulades mêlées, que pouvait laisser craindre son patronyme. Heidi BERRY n'a plus 20 ans quand paraît le premier opus de sa trilogie dans l'écurie 4AD. Ses influences sont à dénicher plutôt du côté de Nick DRAKE, Joni MITCHELL voire Marianne FAITHFULL, autant d'artistes évoluant dans un registre pop-folk empreint de poésie autant que d'une indéniable maturité. Plus récemment, l'américaine Alela DIANE, sans forcément la connaître, semble lui avoir emboîté le pas avec sa folk dépouillée aux couleurs de l'intime.
Ce deuxième album n'est pas de ceux provoquant l'enthousiasme dès la première écoute. Les chansons d'Heidi BERRY n'ont pas pour vocation d'éblouir l'auditeur par leur virtuosité, ni de le convaincre à tout prix et par tous les moyens possibles.

Peter WALSH à la production a parfaitement compris l'univers et le style de la chanteuse-songwriteuse par son choix délibéré de conférer au son de l'opus le sceau de l'authenticité. Nulle trace d'excès en tout genre dans cet enregistrement privilégiant la nudité des timbres instrumentaux, chaque musicien intervenant à égalité selon les besoins de chaque titre, son instrument se détachant naturellement de l'ensemble jusqu'à former un tissu sonore fluide au rendu naturel, aux antipodes évidents du son ultra-sophistiqué de SIMPLE MINDS, autre groupe pourtant produit également par Peter WALSH. Les amateurs de grosse production peuvent passer outre, rien ici n'est en mesure de les appâter. Ce travail sur le son pourrait même passer pour transparent, insipide et impersonnel sans son adéquation parfaite avec la discrétion des chansons écrites et interprétées par Heidi BERRY.

Si les musiciens ne se lancent que rarement dans des apartés en solo, c'est pour mieux accompagner la voix particulière, douce et fragile, de la chanteuse. Ainsi, la production offre une clarté auditive qui emporte insensiblement l'adhésion, au fil des pistes, mettant en valeur l'arpège de guitare de "Washington Square", les percussions aériennes et sautillantes de "Silver Buttons", l'intimité du piano ouvrant la voie à "Wake" ou traçant les sillons profonds comme autant de cicatrices du sublime "Lily" sur lequel se greffe le délicat autant que bouleversant saxophone soprano de Lol COXHILL, creusant la toile climatique de la basse fretless de Laurence O'KEEFE comme unique fondation de "Cradle" (de loin le titre le plus sombre du disque), la mélancolie du violoncelle de Martin McCARRICK illuminant "Hand Over Head". N'oublions pas non plus l'indispensable travail souterrain de Rocky HOLMAN au synthé qui se contente d'effleurer, de ses notes feutrées et effilées, l'arrière-plan mental des titres.

A ce régime-ci, il n'est pas étonnant que Love paraisse si fragile, devant lutter contre l'absence de titres capables de vampiriser l'ensemble des pistes, devant se contenter à l'inverse de livrer 11 chansons, toutes agréables et fluides, humbles sans être simplistes, et réservant suffisamment de beaux passages pour maintenir l'intérêt de l'auditeur sans que l'engourdissement ne pointe le bout de son bac à sable.

Heidi BERRY a choisi le timing parfait pour que chaque titre s'enchaîne agréablement au précédent, alternant au sein d'ambiances sereines de légères variations sur le curseur tonal, depuis la douceur indicible de "Wake" à la mélancolie poignante de "Lily" (titre qui reste quant à lui longtemps en mémoire et sur lequel se referme idéalement l'album), en passant par le dépressif "Cradle" où, exceptionnellement, la chanteuse dédouble sa voix traînante à laquelle la production confère une empreinte spectrale.

Si les chansons ne produisent pas vraiment de 'miracle', en revanche, le miracle s'infiltre dans le caractère confidentiel de l'album. Heidi BERRY compte parmi les rares artistes donnant l'impression rassurante à l'auditeur de s'adresser à lui seul, aidée par des textes métaphoriques qui (ô suprême pudeur !) en dissimulent à peine la dimension autobiographique.

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   AIGLE BLANC

 
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- Heidi Berry (chant, guitare acoustique)
- Christopher Berry (guitares, arrangement des cordes)
- Peter Astor (guitare acoustique additionnelle)
- Terry Bickers (guitare atmosphérique)
- Ian Kearey (basse, banjo)
- Laurence O'keefe (basse fretless)
- Dave Morgan (batteries)
- Hossam Ramzy (percussions)
- Rocky Holman (synthétiseur, programmation, piano)
- Vivian Kubrick (piano additionnel)
- Lol Coxhill (saxophone soprano)
- Audrey Rilley (violoncelle)
- Martin Mccarrick (violoncelle)
- Peter Lale (viole)
- Sue Dench (viole)


1. Washington Square
2. Up In The Air
3. Gloria
4. Great Big Silver Key
5. Wake
6. Cradle
7. Hand Over Head
8. Silver Buttons
9. Lonely Heart
10. Bright As Day
11. Lily



             



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