Eh, tu te souviens lorsqu'au milieu des années 90 à peine sorti de l'adolescence tu avais fait de cet album acheté à Paris en provincial que tu étais l'un de tes disques de chevet ? A l'époque de BLUR, OASIS ou des PUMPKINS, tu trouvais que les BROTHERHOOD OF PAGANS étaient dignes d’intérêt car ils étaient pour toi la parfaite expression de la musique gothique. Ce n'était même pas une posture de ta part. Quasiment personne ne s'intéressait à cette sphère et tu portais qui plus est un pull camionneur et un jean. Puis tu as vieilli à défaut peut-être d'avoir mûri et tu as ressorti comme de temps en temps Tales Of Vampires pour savoir si des émotions de près de trois décennies pouvaient refaire surface et faire frétiller encore une fois tes ailes de corbeau.

Tales Of Vampires t'avait quand même fait un peu tiquer à l'époque. La pochette façon black metal hard discount, le nom des membres d'Alien à Vox Populi, puis le livret avec cette photo de machine à confession automatique et cette dédicace à LESTAT… Tout sentait bon la bonne blague de potaches goth. Mais bon, c'était sombre comme tu l'aimais et le décorum inhérent au genre n'était pas en définitive pour toi une barrière. Dans ton walkman pour aller à la fac avant un cour sur la Sparte antique ou sur les ordres monastiques, c'était une compagnie agréable car les cinq compères de Compiègne avait frappé très fort pour un premier album.

Comme beaucoup de ceux qui avaient apprécié cet opus, tu avais naturellement flashé sur le superbe "Resurrection" qui est rapidement devenu un morceau culte de la scène. Il faut dire que cette combinaison improbable de sonorités cold et goth avait de quoi plaire. Les guitares acérées au possible à laquelle répondait une rythmique intraitable te faisaient souvent jouer ce titre en mode repeat. La confrérie avait du savoir faire. Elle emmenait ses adeptes sur des terres qui sentaient bon CURE, SISTERS et autres BANSHEES. Comment dès lors ne pas succomber ? Mais il y avait aussi autre chose. Un petit plus pour que ceci parle si rapidement à tant de nouveaux convertis. Tu t'es même dit au final et avec le temps que cet album n'était pas à ce point si sombre.

C'est sans aucun doute ces éclats lumineux qui réussissaient à percer ce ciel si bas qui t'ont mené sur cette voie. Les guitares tournoyantes et les synthés de "Warshow" qui semblaient venir d'une chute d'album des CHAMELEONS t'ont conforté dans ce sens. Les morsures n'étaient pas tellement si douloureuses. La force mélodique du direct et réussi "Guilty" ou "Black Art" l'instrumental romantico- piano enterraient un peu plus cette idée du tout outre-tombe. Les païens réussissaient à insuffler au détour de "Rooms" une moiteur malsaine du plus bel effet. Alors, c'est vrai aussi que le combo ne faisait pas toujours non plus dans la dentelle. S'il était question de religion, les chants grégoriens à l'instar des premiers instants de "Sinner Comes To Bits" faisaient leur apparition avant de laisser place à un solide morceau goth des plus classiques. Mais il demeurait encore une fois la solidité des compositions qui aidait à relativiser ces petites faiblesses.

Tales Of Vampires aura été pour toi l'un de ces albums qui te fera basculer définitivement dans le monde des ténèbres. Les thématiques abordées, la qualité et la fluidité des dix morceaux te laissaient penser que BROTHERHOOD OF PAGANS t'accompagnerait un certain temps. Tiens, c'est étrange, j'ai de nouveau les ailes qui frétillent.