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1971 Born To Love Me

Jimmy REEVES JR - Born To Love Me (1971)
Par LE KINGBEE le 13 Février 2022          Consultée 476 fois

Cet album édité par Checker, filiale de Chess Records, demeure le parfait prototype d’un disque d’accompagnateurs. On sait peu de choses de Jimmy REEVES JR., modeste guitariste chanteur, propriétaire d’une discographique des plus minces.

En 1953, Jimmy REED enregistre l’un de ses premiers succès "High And Lonesome", un 78-tours édité par le label de Chicago Vee-Jay Records. La galette obtient un succès inattendu et se retrouve aussitôt pressée sous forme d’un 45-tours. Le microsillon ne laisse pas insensible un gamin de seize ans, apprenti harmoniciste guitariste qui va tomber en admiration pour son idole. Cet émerveillement est si grand que le gamin décide d’emboîter le pas de Jimmy REED, allant presque jusqu’à lui piquer son nom. Little Jimmy, transformé en Jimmy REED Jr. va alors assister aux concerts de sa vedette, une passion s’apparentant à un enthousiasme inconditionnel proche du fanatisme.

Les choses auraient pu en rester là, après tout chacun a le droit de vivre sa passion comme il l’entend. Nous autres chroniqueurs et lecteurs cultivons dans une certaine mesure cet engouement pour la musique, quel que soit le domaine de prédilection de chacun. Il n’est bien sûr pas souhaitable que cette passion dévorante s’assimile à celle de Robert De Niro dans le film The Fan, là ça deviendrait inquiétant.
Si Jimmy REED Jr. voue un véritable culte à Jimmy REED, alors grosse vedette auprès du public noir, et si le bonhomme tente de l’imiter en se mettant à l’harmonica-porté, jusqu’à s’habiller à l’identique, la marotte s’arrête là et ne dépassera jamais les bornes.

Nous sommes en 1970, et cela fait bien longtemps que le brave Jimmy REED est tombé au fond du trou, victime de son addiction pour la bouteille. Il n’est pas question de jugement ici, comme signalé plus haut, chacun son truc. Bref, Jimmy REED ne fait plus rêver personne, même Eddie TAYLOR, son brillant guitariste, fatigué par ses frasques a fini par quitter le navire.

Mais Jimmy REED Jr. n’a jamais oublié son idole, se contentant de l’imiter tant bien que mal dans les bouges de seconde zone de Chicago où on veut bien l’accueillir, faute de mieux. D’ailleurs, il arrive au garçon de se faire passer pour le propre fils du guitariste, stratagème lui ouvrant quelques portes. Un autre personnage important n’a pas oublié Jimmy REED, il s’agit de Willie DIXON, contrebassiste, producteur, compositeur prolifique, arrangeur, découvreur de talents. Le bonhomme a supervisé pendant plus de quinze ans de nombreux enregistrements pour l’écurie Chess et n’entend pas en rester là. Si les modes changent, Dixon est toujours à la recherche de jeunes musiciens, toujours à l’écoute et la tendance du moment consiste à accoler à son nom les mots Junior, Little ou Big.
Alors qu’un procès entre Jimmy REED Jr. (le vrai fils du guitariste) et l’usurpateur et emprunteur du nom a lieu, Dixon décide de le faire venir en studio tout en prenant soin de changer quelque peu son blaze, REED se transformant en REEVES. On n’est jamais trop prudent. Mais Dixon a surtout assez de nez et de métier pour faire appel à une troupe d’enfer pour épauler ce second couteau.

Enregistré en aout 1970 au Ter-Mar Studios de Chicago, Born To Love Me pourrait se ranger parmi la longue liste des tributes dédiés à Jimmy REED. Sur les onze chansons du disque, six proviennent de la plume de Jimmy REED*.
Autant l’annoncer d'emblée, Jimmy REEVES Jr., s’il parvient à donner le change, s’avère vite le maillon faible. Par chance, ce talon d’Achille parvient à passer quasiment inaperçu, tant le talent des différents sidemen conviés par Dixon nous explose en pleine gueule. Ajoutez-y une production sans la moindre surenchère, presque pépère et l’adage 'la montagne accouche d’une souris' prend ici toute son expression.
Dès "Love That Woman", on se retrouve comme happé par la guitare de Matt 'Guitar' Murphy dessinant de délicieux entrelacs avec le piano de Lafayette Leake. Le pianiste nous assène de formidables arabesques gommant toute la dureté du Barrelhouse Blues au profit d’une approche aussi subtile que délicate. Si Leake a peu enregistré sous son nom, l’homme connaîtra une riche carrière d’accompagnateur auprès d’Otis RUSH, Buddy GUY ou Magic SAM pour ne citer que les principaux. Willie Dixon, prolifique songwriter, profite de l’occasion pour glisser trois de ses compositions : "Hoo Doo Blues" et "Born To Love Me", deux titres qui pourraient très bien provenir d’une galette de Jimmy REED. Si le tempo et la rythmique évoquent les grands moments de l’ancienne vedette, le chant vient contrarier cette belle impression. Troisième apport du contrebassiste, "Don’t Let That Music Die" constitue un parfait paradoxe. Contrairement à ce qu’indique son titre, la chanson s’apparente à un gouffre profond sans grand intérêt. Il faut tout le brio des accompagnateurs pour que "Put It All There", un inusité d’Anne Du Conge, nous sorte de notre torpeur.

Les six reprises de REED procurent diverses sensations. "I Love You Baby", modeste titre enregistré en 1956 avec Eddie Taylor et Earl Phillips aux baguettes, valait essentiellement pour son indolence. Ici, c’est encore une fois l’intonation insipide qu'on retient alors que Sunnyland Slim, Shakey Horton et Matt Murphy tentent de se décarcasser pour donner un peu d’ampleur au morceau. Gros carton du guitariste, "Bright Lights, Big City" connaîtra un certain regain via les reprises des ANIMALS et de THEM. Si Mama Reed épaulait son époux au chant dans la version d’origine, Jimmy délivre ici un timbre nonchalant proche de son idole dans une version où la guitare de Matt Murphy brille de mille feux. C’est sur les titres les plus low down que le chanteur donne sa meilleure mesure comme en attestent "Baby, What’s On Your Mind" ou "Baby, Whatcha Want Me To Do" sur lesquels REEVES Jr. laisse dérouler sa voix le plus naturellement sans chercher à singer son idole. Enfin, notre imitateur s’en sort avec les honneurs sur deux hits de REED : "Honest I Do", un véritable Swamp Blues permettant de faire la jonction entre Slim HARPO et Lightnin’ SLIM, et "Shame, Shame, Shame"** même si elle n'atteint pas l’intensité de la reprise de WET WILLIE.

Alors, quelle note donner à ce disque réédité à plusieurs reprises en format CD ? Doit-on prendre en compte la faiblesse de ce pâle imitateur, indiscutable maillon faible de l’album, ou privilégier la virtuosité et l’authenticité des différents accompagnateurs ? Coupons la poire en deux et attribuons-lui un petit 3 pour cette plongée au cœur du Chicago Blues sixties. Une galette à l’image du slogan publicitaire de Canada Dry : Jimmy Junior a le timbre de Jimmy REED, le même costard mais ce n’est pas du Jimmy REED ! Signalons que le pressage US se négocie actuellement entre 50 et 80 euros.


* Certains titres accrédités à Jimmy REED sont en réalité des compositions de sa femme Mama Reed.
** Titre homonyme au tube Disco de Sylvia Robinson.

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- Jimmy Reeves Jr. (chant)
- Matt 'guitar' Murphy (guitare)
- Willie Dixon (basse)
- Morris Jennings (batterie)
- Sunnyland Slim (piano 1-3-4-5-6-11)
- Lafayette Leake (piano 2-7-8-9-10)
- Shakey Horton (harmonica)


1. Love That Woman
2. Hoo Doo Blues
3. Put It All There
4. Born To Love Me
5. I Love You Baby
6. Bright Lights, Big City
7. Baby What's On Your Mind
8. Don't Let That Music Die
9. Shame, Shame, Shame
10. Honest I Do
11. Baby Whatcha Want Me To Do



             



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