Un album revient régulièrement dans les listes des meilleurs crus de la Dark Synthwave : 198XAD de MEGA DRIVE. Si vous avez été séduit par les sirènes du genre sublimé par CARPENTER BRUT, nul doute qu’en cherchant à en découvrir un peu plus, vous avez déjà croisé ce nom. Plus probable, vous êtes nostalgiques de la console 16 bits de SEGA, et cette appellation a sans doute attiré votre attention. Ou peut-être, simplement, un peu des deux. A qui s’adresse la Dark Synthwave, après tout ? Notez toutefois que MEGA DRIVE est originaire du Texas, et donc d’une contrée où la console de SEGA avait été rebaptisée Genesis. Sans doute, MEGA DRIVE n’avait pas conscience que le nom n’était pas 'si' underground que cela en Europe. Allez savoir… Sur la page Facebook, on nous balance bien quelques références à la sphère vidéo-ludique. Sur un plan musical, à quelques rares tirades empruntées au monde des chiptunes près, nous dirons simplement que c’est plus litigieux.

Je n’ai rien trouvé d’autre à vous dire sur MEGA DRIVE. Ni patronyme, ni nombre de participants, ni interview, ni rien du tout. Sa/leur page Facebook est désespérément vide de toute information intéressante. La page sur le wiki dédié à la Synthwave ne fait que lister les sorties d'albums. Côté Bandcamp c’est le néant. MEGA DRIVE cultive le mystère ou bien, plus probablement, n’a rien à dire d’intéressant. La Dark Synthwave est un genre underground fait par des anonymes, et ça ne s’est jamais aussi bien vérifié qu'ici.

Une absence d’intérêt qui malheureusement se confirme un peu du côté de la musique. 198XAD, toute référence qu’il est, m’a semblé un peu vain. Si on était mauvaise langue, on se contenterait de dire qu’il avait le bon nom, était présent au bon endroit et au bon moment. Mais vous savez tous que cela ne suffit pas. Il y a une véritable proposition chez MEGA DRIVE, il faut au moins reconnaître cela. Cette Darksynth 100% instrumentale ère dans les contrées du cyberpunk. Dans le meilleur des cas, souvent en fin de piste, MEGA DRIVE combine suffisamment de couches distinctes pour que notre cerveau finisse par décrocher, un peu. Pour le reste, c'est très froid.

Reconnaissons aux rythmes, bien qu'ils soient peu variés, d'éviter la sempiternelle linéarité de l’EDM. Il y a des notes, en quantité. Peut-on parler de mélodies ? Sur 198XAD, celles-ci n’étaient pas très prenantes. C’est sans doute affaire de goût. Côté son, on nous offre une mixture de nappes abrasives pour la puissance (souvent la même note répétée, comme chez WE ARE MAGONIA ou DANCE WITH THE DEAD), et différentes sonorités aigues. MEGA DRIVE use de distorsions à foison, de même que de sons acides. La vélocité rythmique n’est pas vraiment de mise, mais une certaine énergie se dégage néanmoins du tout.

Mais le problème de 198XAD, exactement le même que celui de Neuroframe, est une linéarité débilitante. Un défaut qui n’a rien de très original en musique électronique, certes, mais qui reste néanmoins un problème. Le copié/collé sur Protool est une facilité bien trop employée. MEGA DRIVE empile et dépile ses couches dans une unité rythmique affolante. Ses motifs, s’ils sont bien constitués de suffisamment de notes pour être qualifiés de mélodies, sont relativement courts, et semblent composés aléatoirement dans une tonalité donnée. Dans un tel cas, la surprise ne peut que découler de la superposition en abondance. On a déjà connu quelqu’un qui superposait les mélodies comme ça. Il s’appelait Jean Sébastien BACH, et c’était d’un tout autre calibre…

Je sais, comparer MEGA DRIVE à Jean-Sébastien BACH, j’y vais fort. Mais quels sont les éléments, si ce n’est de texture propre à l’électronique, que MEGA DRIVE utilise et que Jean-Sébastien BACH n’employait pas déjà au XVIIIème ? Il n’y a chez MEGA DRIVE aucune variation de volume sonore, aucune harmonie, aucune variété rythmique (ou si peu). Est-ce que de la distorsion, des nappes abrasives et l’originalité de la mixture sonore suffisent ? Non : MEGA DRIVE est moderne aujourd’hui, et sera daté demain.

On me reprochera de ne pas avoir assez parlé de Neuroframe dans cette chronique, et de m’être trop épanché sur 198XAD. Mais les défauts sont stricto-sensu les mêmes. Je n’ai pas écouté tout le répertoire de MEGA DRIVE. Mais vu le peu d’évolution notable entre ces deux albums, et la production stakhanoviste en 10 ans d’existence, à savoir 11 albums et 4 E.P, je vais donc m’abstenir.

Neuroframe fait cependant mieux que son aîné, en particulier du côté mélodique, ce pourquoi j'ai finalement décidé de vous en parler. Quelques rares variations rythmiques, en particulier au début de l'album, m'ont même fait croire à une remise en question. Les pistes s’allongent cependant toujours inutilement. Si vous avez adoré 198XAD, Neuroframe devrait vous ravir. Pour les autres, MEGA DRIVE ne sera utile qu’en fond sonore pour ambiancer vos parties de jeu de rôle, en particulier de Shadowrun. C’est déjà pas mal.