Être chroniqueur, c’est affronter sa paresse, surtout quand on est amateur. Des albums qui nous enthousiasment prennent parfois des mois, voire des années avant d’être sauvagement encensés ou magnifiquement piétinés par nos soins. C’est cadeau, c’est bonheur, et surtout c’est gratuit. Il y a cependant un point des plus importants à relever : le recul. À quoi bon écrire un papier sur un skeud qui est sorti deux jours plus tôt ? On y perd en recul et donc en pertinence, et dans le pire des cas, on peut passer pour un fan/rageux absolument pas crédible.

Oui, j’ai fait ce paragraphe pour excuser l’arrivée tardive de cette chronique.

Ceci étant, ce n’est pas plus mal, car Coeur, le deuxième album de Clara LUCIANI, méritait bien une analyse plus poussée que "c’est génial" expédiée plus vite que Chronopost (ok, c’est pas un exploit, ça). Le temps a été pris, peut-être même trop, mais voilà : Coeur est un très bon album d’une très bonne chanteuse. Vous voulez plus de détails, ami(e)s lecteurs et lectrices ? D’accord, d’accord.

Petit rappel des faits : Clara LUCIANI, c’est une chanteuse française qui a fait sa première partie de carrière chez La Femme avant de voler de ses propres ailes. Cela a d’abord abouti sur Sainte-Victoire (2018), solide album de jeune première qui contient "La Grenade", tube définitif de la chanson française actuelle, rien que ça. Trois ans plus tard, la grande brune récidive avec Coeur, ce qui lui a permis, au moment où j’écris ces lignes, de rafler la mise aux Victoires de la Musique - si tant est que cet événement trouve encore grâce à vos yeux. Quand on connait déjà Sainte-Victoire, on ne peut que se dire que c’est certainement mérité, encore faut-il écouter le véritable objet de ce succès. Et le moins que l’on puisse dire, c’est un mot : oui.

Qui dit variété/pop, dit hélas singles. Vous savez, cette fameuse carte de visite ? Dans le cas de LUCIANI, "Le reste" a débarqué tel un Panzer dans une quelconque cité française : très vite et en démolissant tout sur son passage. Bon, là, j’extrapole un tantinet, mais il faut admettre que ce véritable tube de l’été, parlant pourtant de rupture, a le mérite de fonctionner du feu de Dieu. Les raisons sont les mêmes que pour "La Grenade" : instrumentation old-school mais efficace, paroles simples mais non niaises, et puis surtout, surtout, le chant. Oui c’est tautologique, diront certains, mais disons que si on ne retient pas ce dernier élément, même de façon mineure, c’est qu’il y a un souci. Plus loin et plus tard, dites coucou à "Respire encore", un véritable hymne dans l’air du temps, comme un certain virus, et une injonction à faire la fête, à vivre - et au titre ô combien ironique à passer dans les salles de réanimation. Est-ce que ça marche ? Personnellement je ne sais pas, je déteste les boites de nuit. Mais ce que je sais, c’est que "Respire encore" est entêtant sans être d’entrée pénible - au bout de 54 écoutes par contre, à voir.

Coeur a beaucoup à offrir. Comme par exemple son excellent morceau-titre, au refrain à la fois poétique et engagé (non, une femme, ça ne se frappe pas, bande de mécréants), sans être moralisateur ; le duo avec Julien Doré, "Sad & Slow", peut paraitre un poil prétentieux dans l’instrumentation, mais tout de même, quel beau duo pour une performance solide. Mais dans cette sélection pas piquée des hannetons, "Tout le monde (sauf toi)" se présente comme la plus belle pépite, le genre de déclaration d’amour fraiche et dynamique comme il en manque trop.

Coeur n’est pas parfait : certains morceaux remplissent plus qu’autre chose ("La place", "Bandit"), et "J’sais pas plaire" est une ballade un peu trop larmoyante. Toutefois, la performance globale convainc : oui, Clara LUCIANI mérite clairement son statut de chanteuse majeure de la variété française actuelle. Difficile ensuite d’attendre quoi que ce soit par la suite : non pas qu’elle a tout donné, mais, et c’est pas un compliment, les similitudes avec Sainte-Victoire sont suffisantes pour craindre un statu quo dans l’oeuvre de la chanteuse. D’un autre côté, ça reste toujours bien fait et positivement tenace, alors pourquoi pas. In fine, il y a de quoi rester positif. Yay.