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NEW-AGE/AMBIENT  |  B.O FILM/SERIE

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Kenji KAWAI - Ghost In The Shell (1995)
Par PSYCHODIVER le 1er Avril 2022          Consultée 1231 fois

AVERTISSEMENT : cette chronique de bande originale de film est également susceptible de contenir des révélations sur le film

Lorsqu'on est passionné par un genre narratif aussi foisonnant que la science-fiction, il n'est pas chose aisée que de trouver sa voie au sein d'un enchevêtrement de sous-genres bien distincts (ou pas), tout en évitant les fausses références et mythes préfabriqués dont la culture pop et le monde marketing contemporain nous abreuvent en permanence. Mais ce qui est sûr me concernant, c'est qu'au sommet de mon classement, où figureraient entre autres Stalker, 2001-L'Odyssée De L'Espace, Total Recall et L'Armée Des Douze Singes, siègerait un joyau pour l'éternité venu du pays du soleil levant : Ghost In The Shell.

Adaptation du manga de Masamune Shirow, le projet Ghost In The Shell fut confié à Mamoru Oshii, apôtre d'un cinéma à l'imagerie évocatrice ancrée dans une perspective chrétienne, déjà fort d'un premier chef-d’œuvre apocalyptique et déconcertant, L'Œuf de l'Ange, véritable ovni dans le paysage animé des années 80 (période au cours de laquelle il allait finalement renoncer à sa conversion au catholicisme, tout en demeurant profondément imprégné des thématiques du Nouveau Testament ). Grand fan du seinen (manga réservé à un public masculin mature) de base, Oshii se lance dans l'aventure mystico-cyberpunk avec son fidèle bras droit et compositeur d'ambiances hors-pair, Kenji KAWAI, mélomane biberonné à la chanson française avant de se passionner autant pour le hard-rock fondateur de DEEP PURPLE que pour la scène jazz fusion. Tous deux passés par l'animation télévisuelle pour enfants et jeunes adultes, les deux hommes ont entamé leur collaboration toujours actuelle à la fin des années 80. Des panzer corps impitoyables de The Red Spectacles (Lunettes Rouges en France ) aux mechas de Patlabor, Oshii et KAWAI sont en 1995 des valeurs sûres de l'animation dans leur archipel natal. Reste à accéder à la consécration mondiale. Ce sera chose faite avec Ghost In The Shell, bien que le succès s'obtint plus via les vidéoclubs que par le box office.. Raison pour laquelle vous trouverez toujours un pseudo artiste à la manque ou un geek atrophié du ciboulot pour s'accrocher, tel un parasite, à cette œuvre d'importance qu'il aurait été incapable de concevoir et qu'il va ensuite piller, remaker ou citer comme une référence alors qu'il n'a rien compris à cette dernière (je pense notamment aux néfastes Wachowski et autres exécutifs pourris de la Dreamworks, yankees de m... pardon je m'emballe). Cette malédiction ayant par le passé frappé des classiques aux réputations non usurpées tels 2001 ou The Thing.

Mais laissons les crétins stagner dans leur médiocrité et revenons à l'extraordinaire duo nippon. Des méditations théologico-métaphysiques de ces deux esprits à fleur de peau, résulte un long-métrage d'animation d'une splendeur visuelle absolue, d'une richesse thématique à la profondeur insondable où la tempête sous un crâne typiquement dickienne côtoie un onirisme contemplatif à la Tarkovski et des scènes d'actions à la violence viscérale que Paul Verhoeven n'aurait pas reniées.
Situé dans un Japon futuriste fragilisé par un contexte géopolitique tendu et une grave fracture sociale, le scénario nous invite à suivre le major Motoko Kusanagi, policière cyborg d'élite en pleine crise existentielle, confrontée, elle et sa section, au Puppet Master, insaisissable entité capable d'investir les corps de la moindre machine ou humain dotés d'implants robotiques. Au côté de la miss (dont les yeux d'un bleu électrique inoubliable recèlent toute l'humanité), Batou, son collègue cyborg lui aussi et armoire à glace au grand cœur ayant accepté sa condition ainsi que Togusa, flic à l'ancienne, humain quelque peu perdu dans ce futur désincarné et dont le manque cruel de confiance en lui n'a d'égal que sa grande intelligence et faculté de déduction. Autant de personnages qui se voient insuffler un charisme immédiat tant ils nous correspondent en tant qu'âmes en perte de repères, évoluant dans un univers à la déshumanisation triomphante (des 'spirits in the material world', comme diraient les anglais de THE POLICE ). Une œuvre ambitieuse, à différents niveaux de lecture, complexe, fascinante, puisant autant chez Asimov que chez Saint Paul et sa Lettre Aux Corinthiens et qui doit sa réussite autant à la mise en scène irréprochable d'Oshii qu'à la composition légendaire de Kawai.

Musicalement parlant, l'émerveillement est permanent sur  Ghost In The Shell. Mais il ne se manifeste pas avec la facilité détestable des soupes tire-larmes hollywoodiennes. C'est le propre des musiques sacrées. La révélation n'est jamais instantanée. Le coup de cœur ne viendra que si l'on sait faire preuve de la patience, de l'attention et de l'ouverture d'esprit requises.
La magie opère dès l'ouverture mémorable "Making of Cyborg", ses harmonies bulgares et ses chœurs féminins en yamato (japonais ancien) célébrant des noces fantasmagoriques qui prendront toute leur dimension avec le dénouement du film. Pas besoin d'avoir été captivé au point de ne pas cligner des yeux par le générique introductif où l'on assiste à la conception de la belle Motoko pour vivre pleinement l'expérience que procure ces dix titres. Voilà la force de cette bande originale, savoir être à la fois indissociable du film qu'elle accompagne et à la fois totalement indépendante en tant qu'œuvre unique.

Tissant une ambiance aquatique et cotonneuse, obsédante et liturgique, l'album oscille entre plages ambiantes sur lesquelles règne un doute étouffant, enrichi par des sons industriels stridents et stressants (l'angoissante "Ghosthack" en atteste ), les mêmes sonorités qui feront le succès de la B.O de Matrix par Don Davis (mais, encore une fois, que seraient les Wachowski aujourd'hui sans Ghost In The Shell, si ce n'est des gérants de vidéoclubs ou des influenceurs d'internet ?) et des pistes à travers lesquelles l'humanité en déclin ressurgit par l'intermédiaire des chœurs déjà évoqués mais aussi des cordes, des percussions exotiques et d'une guitare aux influences hispanisantes. "Virtual Crime" apparaît ainsi comme une parfaite hybridation entre les deux tendances inhérentes au film comme à sa B.O : électronique/acoustique ( mécanique/organique). L'ensemble est toujours secondé par les claviers délivrant une toile de fond sombre et belle. En témoignent la merveilleuse "Ghost City" et son pont synthétique lacrymal ou un "Nightstalker" envoûtant. "Floating Museum" à la mélodie nocturne pousse l'onirisme dans ses retranchements tout en demeurant profondément tragique. Le thème épuré et obscur du Puppet Master (ses gongs et cloches distillent un climat anxiogène à couper au couteau) qui avait déjà fait des siennes sur "Puppetmaster" et "Access" arrive à son apogée sur "Ghostdive". Toute l'œuvre est savamment bâtie selon une subtile montée en puissance qui atteint le firmament sur "Reincarnation", combinaison de tous les motifs précédemment employés qui aboutit à un crescendo émotionnel d'une beauté irréelle. Chœurs, percussions, claviers et cordes se réunissent une dernière fois pour consacrer l'ultime transcendance et la vie qui au-delà des limites de la chair et de la machine, toujours, saura se frayer un chemin à travers les affres de l'existence. On ne saurait trouver meilleure conclusion. Ainsi, peut on déplorer l'ajout peu réfléchi de "See You Everyday", pop song cantonaise sautillante et pas désagréable mais véritable intruse au sein d'une partition aussi immaculée. Elle a beau faire office de dernière piste (bonus) de l'album, sa présence a tendance à briser l'équilibre hypnotique et vaporeux de l'œuvre. Dieu merci, certaines éditions (vinyles) du disque ont choisi d'exclure cette sucrerie.

La trilogie berlinoise de David BOWIE et son mythique "Moss Garden" vous sont chers ? Idem pour le KING CRIMSON période Adrian Belew/Tony Levin et son prodigieux "The Sheltering Sky" ? Vous pensez que HAWKWIND n'a jamais été aussi brillant que sous le mandat de Robert Calvert à la fin des 70's (rien que par les thématiques abordées qui anticipent bien des délires urbains et cyberpunk) ? Vous êtes en admiration constante à l'écoute des travaux de Brian ENO et de Gary NUMAN, tandis que les bandes originales d'Angelo BADALAMENTI vous transportent dans un autre monde (Oshii lui-même affirme qu'il s'agit de son ambition première lorsqu’il pense ses films), alors vous ne pourrez pas demeurer insensibles au lyrisme de Ghost In The Shell, la bande originale définitive. Kenji Kawai démontrera à nouveau l'étendue de son talent (notamment avec la bande originale de Avalon, toujours en association avec Mamoru Oshii), mais Ghost In The Shell, en plus de marquer son entrée dans la cour des très grands de la B.O de films, reste assurément son œuvre la plus poignante et la plus singulière.

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Non disponible


1. Making Of Cyborg
2. Ghosthack
3. Puppetmaster
4. Virtual Crime
5. Ghost City
6. Access
7. Nightstalker
8. Floating Museum
9. Ghostdive
10. Reincarnation
11. See You Everyday (bonus)



             



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