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Kenji KAWAI - Avalon (2001)
Par PSYCHODIVER le 12 Septembre 2024          Consultée 266 fois

AVERTISSEMENT : cette chronique de bande originale de film est également susceptible de contenir des révélations sur le film

L'après Ghost In The Shell pour Mamoru OSHII, c'est une drôle de période. Pensez donc. Quand dans votre jeunesse vous avez milité contre l'annexion de votre pays par des puissances étrangères dont fut (et est toujours) complice votre gouvernement et que des années plus tard l'influence de votre œuvre est revendiquée par les mêmes que vous aviez combattus. C'est un fait avéré. D'un James Cameron déjà passé de la série B rigoureuse et pugnace à de l'entertainment régressif, à Steven Spielberg (qui comme à ses habitudes infantilise tout ce qu'il approche, mais l'intéressé est un grand gamin à perpétuité), jusqu'aux Wachowski et bien d'autres, la quête onirique du Major Kusanagi en a marqué plus d'un, mais pas pour les mêmes raisons selon les individus. Aussi, très souvent, lorsqu'on confie une œuvre enracinée à des mains geeks pas forcément malveillantes, mais relativement limitées, ça débouche sur du blockbuster bas de gamme bientôt érigé en chef-d'œuvre par les masses. Et les amoureux de la belle Motoko de s'apercevoir en 1999 qu'on l'avait remplacée par Carrie-Anne Moss (ou comment une cyborg d'anime s'est montrée plus charismatique et émouvante qu'une actrice), que Don DAVIS ne s'était pas foulé en faisant du WAGNER junk food tout en s'inspirant des thèmes les plus anxiogènes de Kenji Kawai pour souligner les apparitions du maléfique Agent Smith. Enfin, que d'un film d'animation anti-système, les yankees/globalistes en avaient extrait un spot de pub xxl pour les portables Nokia.

Mais pourquoi cette introduction ? Quel est le rapport avec Avalon ? C'est bien simple. Tout comme sans Ghost In The Shell (pas que d'ailleurs, mais principalement), les Wachowski n'auraient jamais eu l'idée d'une Matrice omnipotente ni de lignes de codes hypnotiques ni de connexions virtuel/réel à base d'implants : Mamoru OSHII n'aurait pas mis Avalon sur pieds s'il n'avait pas souhaité prendre sa revanche sur les deux frangins (désormais frangines). Une revanche modérée dans sa virulence (OSHII n'est clairement pas un rancunier sanguin) mais certaine. Et sous l'apparence non frelatée d'une véritable leçon de cinéma, qui lui vaudra une sélection à Cannes, pour le meilleur comme pour le pire (voyez une certaine "Innocence"...).

Afin de matérialiser les errances d'Ash, joueuse téméraire et anti-héroïne glaciale perdue dans une Europe de l'Est qui ne l'est pas moins (le film fut tourné en Pologne et met en scène un casting autochtone), tiraillée entre réalité morose voire mortifère et virtuel aussi 'épanouissant' pour les désespérés que dangereux (jouer à 'Avalon', sorte de 'Rollerball' paramilitaire en ligne, implique de pouvoir y laisser sa peau, au sens : l'esprit des joueurs les plus déterminés finit par s'égarer dans le virtuel), univers crépusculaire à la merci de spectres divers, où la frontière entre charnel et artificiel s'effrite séquence après séquence et qui doit autant à Stalker qu'à l'environnement évoqué par David BOWIE sur la face B de son mythique Low : Oshii ne souhaite pas avoir recours qu'à l'électronique éthérée combinée avec une instrumentation traditionnelle qui firent de Ghost In The Shell le chef-d'œuvre sans pareil que l'on connaît. Il opte pour un vrai orchestre (ici l'orchestre philharmonique de Varsovie), toutes cordes devant, pour la contribution d'une soprano en la personne d'Elzbieta Towamicka et une plongée à 60% dans une musique digne des grandes heures du classicisme. 60% car, bien que très contemplatif et accordant une place non négligeable aux synthétiseurs ambient bénis par Saint ENO, Avalon sera doté d'une indéniable dimension épique. Présent aux côtés d'Oshii à l'instar de feu le fidèle Angelo BADALAMENTI pour David LYNCH : Kenji Kawai se doit de relever un défi de taille. L'obligeant à rendre à la fois honneur à une musique qui lui est plutôt étrangère, tout comme tenir bon face à son 'rival' Joe HISAISHI. Pari réussi ?

Oui, si l'on considère Avalon comme une œuvre hybride, bien moins homogène, envoûtante et, quitte à heurter, moins aboutie que son aînée anime. Doit-on pour autant parler d'échec ? Oh que non. Nous sommes aux antipodes d'un disque bâclé où d'une de ces maudites compositions bateau et clonées qui pullulent à l'heure actuelle.

"City 13", le titre introductif, est d'ailleurs tout sauf conventionnel. Sombre et insaisissable. On se croirait presque chez BURZUM en mieux produit. Mais c'est à "Log Off" qu'incombe la tâche d'annoncer l'orientation symphonique de cette B.O. C'est concis, efficace, prenant. Un sans faute. L'ambition est à son comble. Le traitement des chœurs sur le déstabilisant "Nine Sisters" ne sera pas prêt de quitter votre esprit une fois écouté. Quant au cauchemardesque "The Ghost Hunting", il risque de vous garantir quelques nuits blanches. Je parlais du Grand David et de son escapade berlinoise un peu plus haut : voici le digne successeur d'un "Sense Of Doubt", cette fois-ci dépouillé de ses claviers hivernaux qui laissent place à des nappes et bruitages inhumains d'un glauque, mais d'un glauque... De la part de l'homme qui avait illustré par les sons la terreur malsaine du diptyque "Ring" d'Hideo NAKATA : quoi de plus surprenant ? À l'inverse, "Murphy's Ghost" est un beau moment d'évasion à la durée parfaite et porté par des chœurs toujours irréprochables. "Ruins D99" frôle l'indus associée à l'ambient aquatique et nocturne du fantôme dans la coquille, hypnotique et dopé aux percussions haletantes. "Gray Lady Ash" est plus réservée mais bien troussée. Elle n'a pas à rougir face à ses semblables symphoniques. On note une bonne répartition des claviers, discrets mais présents.
Il est par conséquent dommage de constater quelques baisses de régime. Si elles ne dégradent pas la profondeur ni la richesse de l'album, elles ne le hissent pas au-dessus de son prédécesseur cyborg. La faute notamment à "Flak Tower 22". Tiens ? Revoilà les gongs et percussions nipponnes si chers au Projet 2501. Une chute de studio de 1995 ? Sa courte durée joue en la faveur de cette option. Je dirai la même chose à propos d'une "Tir Na Mban" soignée mais dont l'apport à l'ensemble se révèle bien maigre.

Arrive le moment de se confronter aux deux pinacles du disque. Tout d'abord : "Log In". Soit le thème après lequel vont courir Don DAVIS pour les deux volets suivants de Matrix, le Howard SHORE chargé de rendre crédible la Terre du Milieu sur grand écran et toute une génération de férus d'épique traduit en composition pour le cinéma. Puissance et grandiloquence, rêve et opiniâtreté sont les maîtres mots sur cette conclusion de toute beauté. Là encore, Kenji s'applique à réutiliser la formule gagnante de "Reincarnation" en réunissant tous les composants de sa partition dans une spirale d'émotions pures. Mais que dire de "Voyage To Avalon" ? Successions d'alternances drame/action époustouflantes et mélancolie/espoir somptueuses (les vocalises de Madame Towamicka forcent le respect), qui à l'instar des noces irréelles de "Ghost In The Shell" via "Reincarnation" ou du contemplatif citadin de "Unnatural City" sur "Patlabor 2", s'affirme elle, ainsi que sa version "Orchestra" plus approfondie, enlevée, envoûtante et impériale : comme un des sommets absolus de l'œuvre de Kenji. Et les harmonies yamato au service du kami qui régnait naguère de rencontrer leurs homologues européennes opératiques en matière de musique sacrée au sens bien compris du terme, véritable réceptacle d'une spiritualité non corrompue.

Si le film demeure méconnu et seulement érigé en référence par une poignée de fans dont votre serviteur fait partie, sa B.O a atteint un bien plus large public que celle, plus personnelle, de Ghost In The Shell. Sans même l'avoir écouté avec attention, vous devez sans doute avoir déjà entendu ne serait-ce que "Log In", tant ce morceau est devenu une emblème de l'epic music propre au cinéma de genre des années 2000. Bien qu'inférieure à Ghost In The Shell et, en termes de classique grandiose, à Princesse Mononoke qui demeure ma référence en la matière (navré Kenji, c'est Joe qui l'emporte cette fois-ci), Avalon n'en reste pas moins une grande bande originale et le summum de la B.O estampillée décennie 2000. Dès lors, le cinéma mondial s'ouvrirait à Kenji. De Tsui Hark et ses "Seven Swords" au duo Costelle/Clarke et leurs anthologies "Apocalypse". Et plus rien ne serait comme avant.

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1. City 13
2. Log Off
3. Voyage To Avalon
4. Murphy's Ghost
5. Bishop
6. Nine Sisters
7. Ruins C66
8. Gray Lady Ash
9. Flak Tower 22
10. Ruins D99
11. The Ghost Hunting
12. Voyage To Avalon (orchestra Version)
13. Tir Na Mban
14. Log In



             



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