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Kenji KAWAI - Innocence - Ghost In The Shell 2 (2004)
Par PSYCHODIVER le 8 Septembre 2022          Consultée 624 fois

AVERTISSEMENT : cette chronique de bande originale de film est également susceptible de contenir des révélations sur le film

Comment succéder à un chef-d'œuvre ? Cette question est éternelle. Ghost In The Shell, une des plus précieuses merveilles du cinéma, célébrée par le Maître Kubrick comme l'un des plus grands films de science-fiction (le dernier ?), ainsi que sa bande originale digne de figurer en tête des partitions les plus exceptionnelles jamais composées devaient-elles faire l'objet de suites, sachant que chacun de ces deux joyaux se suffisait à lui-même ?

Batou, le Schwarzy flic cyborg, reprend du service, malgré sa transformation en professeur de philosophie mécanisé alignant maximes et citations à la manière d'un logiciel de rattrapage. Togusa, le seul humain de la Section 9 également, en dépit de son cerveau cette fois 'boosté' au maximum qui va lui faire regretter sa légère amélioration dans le premier opus (l'infernale scène du manoir en forme de boucle temporelle/réalité virtuelle dégénérée). La belle Motoko, l'âme de l'œuvre originale, n'est réduite qu'à des apparitions fugaces dans la mémoire de son ex-collègue bodybuildé et à travers le réseau. Mafias, illuminés et trafics divers sont au programme de ce remake/reboot/suite. Un film plus sombre, très sombre, tuant tout merveilleux et onirisme. Condensant l'inhumanité lénifiante de Blade Runner (non, je n'aime pas ce film qui possède néanmoins une valeur cinématographique certaine) et la désacralisation symbolique de Matrix. Un ensemble résolument terre-à-terre, jusqu'à l'animation désormais hybride crayonnage/numérique. Déconcertante et osée, mais flirtant plus d'une fois avec la laideur inhérente à cette ère 3D balbutiante. Bon, je ne reprocherai jamais à Mamoru Oshii de s'être attaqué à la pédophilie et aux réseaux de traite d'êtres humains (le mal du siècle) à travers son intrigue à base de trafic de ghost et d'androïdes femelles d'apparence juvénile et programmées pour le sexe. Mais on sent bien à la vision de Innocence que quelque chose s'est brisé en lui. En 2004, il faut croire que le génial cinéaste n'avait plus la foi en grand-chose, ni en une puissance supérieure, ni en la science, ni en l'humanité. Aucune trace de son bagage catho-shintoïste dont il a extrait ses plus grandes œuvres. Un pur concentré de nihilisme, les pulsions autodestructrices en moins. Seul détail qui nous fait comprendre que l'on a affaire à un film d'Oshii : la présence d'un bon gros toutou qui apporte un peu de vie dans un univers au bord de l'extinction.
Une suite qui efface son aîné, Oshii est coutumier du fait. Son travail sur Patlabor le démontre. Mais là où l'excellent Patlabor 2 enterrait un premier opus qui était un film de commande sur lequel le cinéaste n'avait eu aucun champ libre pour pleinement s'exprimer, Innocence s'applique à détruire un chef-d'œuvre. Non, décidément, je ne comprends pas cette démarche.

À ce moment-là, libre à chacun de se dire : Soit, le film n'est pas satisfaisant. Mais si la B.O assure, alors les meubles seront sauvés. C'est oublié à quel point les deux artistes, Mamoru Oshii et Kenji Kawai, sont fusionnels dans leurs créations respectives. Les deux hommes sont au cinéma nippon ce que le duo David LYNCH/Angelo BADALAMENTI est au cinéma US. Patlabor 2,Ghost In The Shell, Avalon en attestaient. Pour notre plus grande déception, il n'y avait aucune raison que cette fusion ne s'opère pas cette fois encore. D'autant que, promotion médiatique intensive et seconde présentation à Cannes obligent, Kenji est devenu un artiste dont l'œuvre est désormais placée sous la surveillance des 'gendarmes culturels du monde' et ne peut plus se permettre de composer exclusivement à partir d'influences de son archipel natal comme du vieux continent. À une époque où Clint MANSELL, Don DAVIS (qu'il a inspiré à bien des égards) et Hans ZIMMER mènent la danse, tandis que des grosses tanches, professionnelles du recyclage et des gros sabots à la Michael GIACCHINO (pour ne citer que lui) commencent à faire parler d'elles, il faut vivre avec son temps. Que cela plaise ou non (autant vous dire que cette uniformisation ne me plaît pas).

L'ouverture "Dungeon" aux gongs anxiogènes rassure et inquiète. Nous sommes en terrain connu, mais justement, trop connu. La frontière avec le classique de 1995 est quasi inexistante. Le thème principal "The Ballad of Puppets" peut s'apparenter lors des premières écoutes à une chute de studio issue des sessions de l'illustre prédécesseur. Calqué sur le légendaire "Making of Cyborg" (à l'instar de ce dernier, il réapparaît à trois reprises), il se révèle non pas comme une copie, mais comme une antithèse, dévoilant les ambitions nihilistes du long-métrage. Certes, le premier opus n'avait rien d'un feel good movie, mais sa fin ouverte témoignait du triomphe perpétuel de la vie, capable de s'affranchir de toutes les contraintes imposées par la chair et la machine. "Making of Cyborg" et ses déclinaisons relevaient de la célébration. Ici, c'est un requiem doublé d'une 'prophecy' glaçante digne de Philip GLASS qui nous accueille. Les choeurs tragiques à souhait font froid dans le dos, là où ils mettaient les larmes aux yeux en 1995. Et ce n'est que le début.

L'ambient est toujours là. Mais il se fait plus insidieux, plus étouffant. La touche Tarkovski aux climats aquatiques et vaporeux a disparu. Les silences perdent en symbolique. Les percussions électroniques et les rythmes soutenus, musclés, gimmicks symptomatiques du cinéma d'action des années 2000, apparaissent sur "Attack The Wakabayashi". Le faux serein "Etorofu" évoque le NINE INCH NAILS des moments les plus posés de The Downward Spiral. C'est un fait, Innocence joue la carte de la diversité des genres musicaux là où la partition de 1995 conservait une rigueur liturgique. La preuve en est "River of Crystals" où Kenji nous propose un beau jazz langoureux (Elk, le petit nouveau sur le site devrait apprécier), qui, s'il n'échappe pas aux clichés indissociables du film noir (allez-vous cesser une bonne fois pour toutes de vous raccrocher à Blade Runner ?), fonctionne et vient offrir un peu de sérénité à une partition névrosée. Ce n'est pas le cas de l'horrible diptyque "The Doll House", une vraie torture pour ma part, avec ces clochettes/boîtes à musiques dignes du plus mauvais film d'horreur (sur le deuxième segment, c'est à peine si on n'obtient pas le thème de Saw). Morceau prog épique par excellence où s'entrecroisent accalmies et tempêtes, culminant à plus de 9 minutes, "The Ghost Awaits In The World Beyond" captive grâce à ses percussions déchaînées et ses choeurs intenses, rejoignant le nombre incalculable de 'thèmes cultes testostéronés' issus des blockbusters hollywoodiens ultra spectaculaires qui prolifèrent en ce début des années 2000. Afin de ne pas décevoir les costards-cravates de la Croisette et faire pleurer dans les chaumières, le père Kawai finit par nous proposer de la variétoche piano/minette que l'on croirait échappée de la Star Ac'. Je l'admets, c'est la première (mauvaise) impression que m'a fait "Follow Me", le titre final. En fin de compte, nous sommes en présence d'une superbe balade hantée et désabusée, à la progression enchanteresse mais véritable oraison funèbre de l'ancien monde. Elle n'est cependant en rien comparable à "Unnatural City", "Voyage To Avalon" et encore moins à "Reincarnation" (cette véritable merveille de la musique contemporaine n'a de toutes évidences pas d'équivalent), pour citer les précédents thèmes iconiques imaginés par l'ami Kenji.

Triste, presque morbide, distillant une sensation d'errance sans but ni espoir à travers un monde de solitude et de néant spirituel, Innocence - Ghost In The Shell 2 pourrait faire office de B.O de ces atroces années 2010 comme d'un avenir qui s'annonce encore pire. Une déception donc, conjuguée à un sentiment d'impuissance face à la fatalité. Une B.O certes largement au-dessus des standards actuels, jamais soporifique ni pompeuse, mais décidément trop impersonnelle et à l'image d'un film hostile à toute forme d'humanité.

Ceci est un avis à contre-courant, qui donne matière à débattre tant cette fausse suite comme sa B.O sont régulièrement portées aux nues et placées au-dessus des deux merveilles de 1995, chose qu'encore une fois je ne comprendrai jamais. Aussi ai-je conscience que ce papier en fera hurler plus d'un (et Dieu sait que la communauté geek / otaku rassemble bien des individus susceptibles, voyez l'affaire Neon Genesis Evangelion). En attendant qu'un éventuel confrère sache, pourquoi pas, me vanter via sa plume des qualités musicales, filmiques (voire les deux) auxquelles je n'aurais pas été réceptif.

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1. Dungeon
2. The Ballade Of Puppets : Flowers Grieve And Fall
3. Type 2052 "hadaly"
4. River Of Crystals
5. Attack The Wakabayashi
6. Etorofu
7. The Ballade Of Puppets : In A New World, Gods Will
8. The Doll House I
9. The Doll House Ii
10. The Ballade Of Puppets : The Ghosts Awaits In The
11. Toh Kami Emi Tame
12. Follow Me



             



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