Je ne sais pas si vous êtes d'accord avec moi, mais je trouve que ces temps-ci, le monde est quand même beaucoup trop calme. Non ? M'enfin, je plaisante, je vous rassure. Il n'empêche qu'il faudrait peut-être toutefois lui injecter une belle dose ludique de folie salvatrice pour le rendre encore plus fun. Ceci tombe plutôt bien car j'ai dans ma besace ce qu'il vous faut à priori. DEADCHOVSKY avec ce premier album sorti à la fin de l'année 2004 dans un pur style batcave a en effet les moyens de nous faire passer une heure des plus atypiques. On se met l'entonnoir sur la tête avec style et c'est parti pour ce trip qui ne sera pas assurément de tout repos !

Si le quatuor s'inscrit pleinement dans le revival du début des années 2000 insufflé par les formidables Américains de CINEMA STRANGE, c'est aux petits Frenchies cultes des TETINES NOIRES qu'il semble volontiers emboîter le pas. Decadence Revolution reprend avec malice et sans fard les choses où les avaient laissées les Normands il y a plus d'une décennie. Il y sera question entre autres là encore de beaucoup d'humour noir, d'aliénation, d'ambiances cabaret malsain, le tout aspergé d'absinthe pure en grande quantité. Comme le désirent les canons du genre, c'est une invitation dans un univers de freaks attachants et dérangeants à laquelle nous sommes frénétiquement conviés.

Ce qui frappe vraiment à l'écoute de ces onze premiers titres, c'est l'évidente maîtrise des Parisiens. Elle est d'autant plus appréciable que même référencées, les ambiances ont suffisamment d'identité pour être crédibles. DEADCHOVSKY alterne uppercuts ultra-rapides et plages plus développées mais tout aussi délirantes. Ainsi à l'image des speedés "Solène Is A Batcave" et "Tears Of Crust", le groupe n'a pas besoin de plus de trois minutes pour nous mettre la camisole de force. A grands coups de voix hallucinées à la NEVA ("Mais quelle est donc cette diablerie?"), de rythmes qui se cassent et de claviers travaillés qui s'emballent pour un rien, DEADCHOVSKY nous fait perdre la tête sans aucune peine.

Le combo installe effectivement en quelques notes des atmosphères à la fois terriblement lugubres et potaches. Ainsi, la valse intermittente du "Sandwichier Glauque de Montmartre" (rien que ce titre) avec son accordéon décalé ou le lancinant "Alcool" sur fond de guitare death-rock tranchante et orgue malsain placent l'auditeur dans une zone inconfortablement jouissive. Évidemment, si vous êtes rétif à un joyeux bazar organisé, Decadence Revolution vous laissera nettement de marbre. Si une énergie noire sans limite à l'image de l'angoissant "Der Verfall" empli d'un chant désespéré vous tente, cette galette vous rendra étrangement heureux. La seule petite restriction à cette invitation à ce bal des fous est la longueur de l'album.

Le style n'étant pas en effet des plus reposants, se prendre ainsi en pleine face quasiment une heure de batcave, ça laisse toutefois quelque peu exsangue. Parole d’endurci ! Il n'empêche que l'on remet maso une pièce dans la machine sans plus de problème. On a la nette impression que ça part dans tout les sens, mais ce n'est pas si grave. On est là pour ce genre d'émotions. Vous désirez une ambiance orientalisante 100% catacombe? L'étrange "Dislocation" fera sans conteste l'affaire. Une belle pièce montée composée de bruitages incongrus ? Le conclusif et étouffant "Rendez- Moi Mon Cerveau" régalera le curieux déjanté qui tentera l’expérience.

Decadence Revolution est arrivé de nulle part, sans crier gare. Il est la preuve que le style batcave dans l'hexagone à cette époque avait une belle vitalité. Joyeusement foutraque et pas sans talent, DEADCHOVSKY surprendra encore plus son monde avec Spiritus Sanctii Bizarre l'album suivant, encore plus barré, c'est dire.