Lorsque sort Spiritus Sancti Bizarre en 2007, le revival batcave insufflé par les Américains de CINEMA STRANGE est en pleine effervescence. Celle-ci se retrouve aussi bien outre-Atlantique que sur notre bon vieux continent. Même si cette ébullition de trois-quatre ans est de courte durée, elle n'en demeure pas moins le plus souvent de qualité. L'hexagone n'est pas à la traîne, loin de là, et les Parisiens déjantés de DEADCHOVSKY en sont de dignes représentants. Avec ce second disque, le quatuor expose un monde savoureux gorgé d'addictive folie salvatrice.

Si pour le (très) grand curieux, le genre se cantonne souvent aux Irlandais cultes de VIRGIN PRUNES, c'est bien plus sur la côte normande qu'il faut sans doute chercher une filiation. En effet, à l'écoute de cette heure de grand n'importe quoi subtilement construit, il est difficile de ne pas penser aux TETINES NOIRES de Cherbourg. Une filiation, d'accord, mais aucunement une copie dénuée d'âme et de vitalité. Avec le recul, on peut simplement s'étonner qu'un si jeune groupe puisse proposer un univers à ce point délirant et foutraque.

Comme il se doit avec le style batcave, il ne faut évidemment pas s'attendre à une heure de pleine zénitude Nature et Découvertes. Avec DEADCHOVSKY, le repos psychique est un mot à bannir définitivement de votre vocabulaire. Le groupe explose avec joie et sans aucune difficulté les cadres censés contenir une imagination un peu trop réduite ou étriquée. Ce qui est frappant à l'écoute de Spiritus Sancti Bizarre, c'est sa capacité à étourdir, à faire vaciller le plus naturellement du monde son auditoire, sans pour autant le lasser. Il n'y a bien que l'introductif "Cosmic Sight" qui n'éreinte pas, lui, du moins totalement, le cerveau, malgré ses guitares tranchantes au possible.

Le reste est donc aussi de très haute volée, mais, plus crispant, toujours de très haute volée. Le quatuor emporte tout son petit monde dans une exténuante danse théâtrale qui semble ne pas devoir finir. Si vous avez le cœur bien accroché, le réussi "Butterfly Psyko Effekt" peut ainsi être une belle carte de visite. Alternant ambiance de valse foraine et pur moment batcave avec hululement de rigueur, ce titre confirme le potentiel de DEADCHOVSKY. S'ils savent se montrer directs (l'orthodoxe et percutant "Children of Tomorrow"), les lascars s'épanouissent encore plus dans des ambiances qui s'étirent à l'infini sans pour autant rompre. Les Parisiens sont ainsi passés maîtres dans l'art de modeler leurs morceaux en les cassant, les accélérant sans aucune intention sympathique de nous prévenir.

Le groupe expose alors des ambiances qui bien qu'inquiétantes n'en demeurent pas moins excitantes. La camisole et le cône de Lubeck sont toujours à portée de main d'ailleurs, comme le prouve le hautement anxiogène "A Nightride with the Moon" et ses plus de neuf minutes divagantes. DEADCHOVSKY sûr de lui, malicieux et pervers ne se refuse donc rien. Ni une petite pièce surréaliste ("Prélude Intermédiaire") qui peut rappeler les instrumentaux de BABEL 17, ni un brûlot potache sous acide des plus effrayants ("Génération Tchernobyl"). Le plaisir est là, mais il a assurément le goût de l'inconfort.

N'y allons pas par quatre chemins. Spiritus Sancti Bizarre est un grand album de batcave et plus généralement de musique sombre. Débordant d'imagination malsaine, il est un bel exemple de liberté bordélique qui se fait bien rare de nos jours. Il est dès lors d'autant plus précieux. Foi de sandwichier !

Note réelle : 4,5/5