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1962 Music From Outer Space
 

- Style : Russ Garcia , Louis & Bebe Barron

Frank COMSTOCK - Music From Outer Space (1962)
Par AIGLE BLANC le 3 Août 2022          Consultée 667 fois

La démocratie n'existe pas parmi les instruments de musique, ou alors il s'agit d'une démocratie hiérarchisée. Pour vous en convaincre, je vous invite à vous remémorer la liste des instruments faisant partie de l'orchestre philharmonique : les instruments à cordes y sont le mieux représentés et dans une relative équité. 30 violons, 12 altos, 10 violoncelles, 8 contrebasses. Les instruments à vent parmi lesquels figurent les bois occupent un effectif beaucoup plus réduit déjà, leur nombre variant de 1 à 4, chacun dans ses catégories respectives (flûte traversière, hautbois, bassons, clarinettes, saxophone), proportion équivalente à celle des cuivres (trompettes, cors d'harmonie, trombones, tubas). Toute l'armada des percussions est en revanche fidèle au rendez-vous.
Si aucun instrument n'est a priori absent d'une formation orchestrale, l'inéquité réside alors dans la célébrité des uns et des autres. La harpe, par exemple, bien que pouvant faire partie de l'orchestre, en est exclue la plupart du temps, les compositeurs ne l'ayant presque jamais placée au-devant de leurs préoccupations musicales. La guitare classique également brille par son absence à quelques rares exceptions près. Quand ces instruments intéressent un peu les compositeurs, ils les choisissent plutôt comme instruments solistes au sein le plus souvent des concertos, formation qui consiste à mettre en valeur cet instrument soliste face à l'orchestre, ou par le biais des sonates dont est évacué l'orchestre au profit du l'unique instrument soliste. VIVALDI a ainsi accordé une forte visibilité (ou écoute) aux bassons et autres hautbois dans des concertos devenus célèbres, offrant à l'apprenti musicien autant d'oeuvres sur lesquelles il peut s'exercer, lui donnant en quelque sorte une matière assez fournie. La guitare quant à elle est privilégiée dans les sonates, au mieux dans les orchestres de chambre composés de 3 à 8 instruments en moyenne.

Chaque siècle a ses instruments 'à la mode' : les hautbois, bassons, trompettes, timbales ont attendu le milieu du XVIII° siècle pour être vraiment appréciés et, par conséquent, être intégrés à l'orchestre. Lorsqu'un instrument est apparu tardivement dans la pratique comme dans la composition, il souffre d'un manque cruel de présence au sein des oeuvres. C'est alors qu'interviennent les transcriptions qui relèvent plus ou moins d'un travail de relecture proche de celui des arrangements. C'est ainsi que J. S. BACH a réalisé des transcriptions pour clavecin et orchestre d'oeuvres de VIVALDI, ALBINONI etc., que Franz LISZT a transposé pour piano solo la Symphonie Fantastique d'Hector BERLIOZ. Les guitaristes également ont le plaisir de pouvoir jouer les Sonates pour violoncelle de J. S. BACH grâce à des transcriptions pour guitare ou luth.
Cet art de la transcription procure donc de la matière surtout aux apprentis musiciens dont l'instrument d'étude ne jouit pas d'une forte présence au sein des oeuvres du répertoire. Il en va de même des premiers instruments électroniques qui, une fois apparus dans l'espace sonore public, ont eu besoin d'artistes audacieux pour leur offrir une visibilité maximale, quitte à soulever l'indignation des puristes. C'est le cas de Walter CARLOS quand il a fait publier son polémique dyptique Switched-On-Bach I & II (1968)*, transcription pour Moog Synthétiseur des Concertos Brandebourgeois, Cantates, Préludes et Fugues de J. S. BACH.
Dans le domaine de la musique électronique, Walter CARLOS n'a pas été le premier à avoir pratiqué ce genre de transcription, mais il a bien eu la primeur outrecuidante de partir d'oeuvres du répertoire classique, ce qui n'a pas échappé à l'oreille rapace de Stanley Kubrick intéressé par la musique contemporaine depuis 2001 l'odyssée de l'espace, quand il a fait appel à lui pour la musique d'Orange Mécanique, transcription pour Moog Synthétiseur de la Neuvième Symphonie de BEETHOVEN.

L'Américain Frank COMSTOCK (1922-2013), dès 1957, pratique des transcriptions à partir des standards musicaux de son époque, chansons à succès comme airs de comédies musicales ou du cinéma, réarrangés de façon originale en mettant en valeur les possibilités inédites d'instruments proto-électroniques. Son album le plus célèbre, Project : Comstock -Music From Outer Space, livre une performance éminemment exotique en son temps en organisant sa relecture des standards autour de plusieurs instruments 'nouveaux-nés' tels l'électro-thérémine (ou tannerin), à ne pas confondre avec le célèbre thérémine inventé en 1920 par le Russe Lev Sergueïevitch Termen. Bien que produisant un son proche du thérémine classique (approximativement le même que celui d'une scie musicale), l'électro-thérémine a été inventé par Bob Whitsell à la fin des année 50 et développé par le tromboniste Paul Tanner qui joue de cet instrument dans 8 titres de l'album de Frank COMSTOCK. Pour avoir une idée du son que génère l'électro thérémine, rien de mieux que de reécouter le fameux tube "Good Vibrations" des BEACH BOYS où il résonne à l'arrière-plan et a l'honneur de conclure la chanson.
L'autre nouvel instrument célébré dans Music From Outer Space est le novachord (l'ancêtre du synthétiseur analogique polyphonique) inventé par Laurens Hammond et produit entre 1939 et 1942. Il intervient quant à lui dans l'intégralité des titres de l'album, joué par Boddy Cole et Bobby Hammack qui officient également à l'orgue hammond.
N'oublions pas non plus la présence sporadique du violon électrique (4 pistes sur 12), même s'il ne s'agit pas d'une création récente, ayant été pratiqué depuis les années 20, notamment par le jazzman Stuff Smith. Mais, au-delà du fait que l'instrument n'est qu'amplifié à la manière d'une guitare électrique, cela lui confère de surcroît la possibilité de maintenir en continu une note et des pizzicati, avantages qui ayant dû peser dans le choix de Frank COMSTOCK de l'introduire dans la liste des instruments 'space' de son projet musical.

Sorti en 1962, Music From Outer Space se veut un album de reprises réarrangées selon le goût 'futuriste' de son époque. Il obtient alors un certain succès qui lance peut-être une mode musicale appelée 'Space-Age', terme qui regroupe toute musique orchestrale (ou semi-orchestrale) à laquelle est injectée une dose massive de sonorités 'électroniques'. Le Space-Age désignant toutefois la proto-histoire de la musique électronique, il couvre une période limitée qui va de 1957 à 1968 - données qui mériteraient d'être confirmées par une étude plus approfondie ne concernant pas l'objet de cette chronique - .
Ce disque intégralement instrumental poursuit la voie qu'avait tracée en 1957 le merveilleux Fantastica de Russ GARCIA (cf la chronique correspondante sur F.P.), album au charme indéniable et à la délicieuse saveur des Voyages Extraordinaires de Jules VERNE. Cependant, ce dernier l'emporte en terme de mérite dans la mesure où Russ GARCIA ayant composé l'intégralité de Fantastica faisait preuve d'une réelle créativité allant bien au-delà de la science des arrangements à laquelle se limite ici malheureusement Frank COMSTOCK.
Il est bien compréhensible qu'un projet aussi risqué que Music From Outer Space s'appuie sur des reprises de standards de la chanson des années 30 à 50, déjà maintes fois honorés par des pointures du jazz : Joe Stafford / Ella FITZGERALD / John COLTRANE ("Out of This World") ; Bill EVANS / Chet BAKER / Ella FITZGERALD ("Stella By Starlight") ; Alice FAYE / Judy GARLAND ("A Journey to a Star") ; Bill EVANS / Dexter GORDON / Glenn MILLER ("Stairway to the Stars"). D'autres titres ont aussi été immortalisés par le cinéma : "Deep Night" (reprise par le film Bonny & Clyde, mais également par Art TATUM et Frank SINATRA ; "When You Wish Upon a Star" (thème du Pinocchio de Walt Disney) ; "The Moon Is Blue" (thème du film éponyme d'Otto Preminger). Ces succès populaires confortent l'auditeur dans ses goûts musicaux en lui offrant ce qu'il connaît déjà, même si arrangé à la sauce 'avant-gardiste' infusée par l'électro-thérémine, le novachord et le violon électrique.
Pour autant, le fait d'en proposer des arrangements purement instrumentaux, alors que ce sont des chansons à l'origine, aboutit à une malheureuse impression de manque, un vide laissé par l'absence du chant qui conférait évidemment chaleur humaine aux compositions par l'apport du timbre vocal comme celui des paroles permettant de fixer la mélodie dans la mémoire des auditeurs.

En l'état, l'écoute de cet album reste très agréable, même quand on n'est pas spécialiste de la chanson populaire des années 30 à 50 et que les chansons originales ne viennent pas forcément à l'esprit. Il est d'autant plus dommage que Frank COMSTOCK ne se soit pas plus investi dans la composition que les 3 seuls titres de sa signature ("Galaxy" / "On the Dark Side of the Moon" / "Journey to Infinity"), à l'ambiance cinégénique d'une étrange douceur, laissent entrevoir combien l'album y aurait gagné en saveur et en magie.

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   AIGLE BLANC

 
  N/A



- Paul Tanner (électro-thérémine, trombone)
- Buddy Cole (novachord, orgue hammond)
- Bobby Hammack (novachord, orgue hammond)
- Elliot Fisher (violon électrique)
- Dick Nash (trombone)
- Joe Howard (trombone)
- Dick Noel (trombone)
- George Roberts (trombone basse)
- Gene Cipriano (saxophone ténor, bois)
- Ronnie Lang (bois)
- Mahlon Clarck (bois)
- Jerome Kasper (bois)
- Chuck Gentry (bois)
- Tony Rizzi (guitare électrique)
- Allan Reuss (guitare électrique)
- Rolly Bundock (basse)
- Dale Anderson (percussions, batterie)
- Dick Shananan (percussions)
- Armand Kaproff (violoncelle)
- Eleanor Slatkin (violoncelle)
- David Pratt (violoncelle)
- Paul Bergstrom (violoncelle)
- Ann Mason Stockton (harpe)


1. Out Of This World
2. Stella By Starlight
3. A Journey To A Star
4. Deep Night
5. From Another World
6. Galaxy
7. Out Of Space
8. On The Dark Side Of The Moon
9. When You Wish Upon A Star
10. Journey To Infinity
11. Stairway To The Stars
12. The Moon Is Blue



             



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