Certains destins particuliers sont tracés. La prédestination dont Calvin faisait sa base doctrinaire joue à plein. Fils de rois, fils d’acteur. C’est bien sûr plus difficile pour les fils de musicien, on ne peut tromper un public sur une chanson comme on le peut en faisant l’acteur. Julian est le fils d’un certain John et d’une certaine Cynthia, né en 1963 à Liverpool alors que la BEATLESmania battait son plein en perfide Albion et s’apprêtait à déferler sur le monde. Il porte le prénom de sa grand-mère "Julia" et le monde l’ignore comme le détenteur de l’identité de "Jude", ainsi nommé par Paulo Macca pour le consoler du divorce de ses parents en 68 à l’occasion d’une des chansons les plus connues de l’histoire "Hey Jude".

Julian est Jude, une hérédité tellement lourde à porter qu’elle en pourrait sembler maudite. Pourtant, l’artiste toujours célibataire et sans enfants suite à sa propre expérience d’enfant abandonné - un temps - par son père, continue sans sourciller sa carrière et son œuvre philanthropique. La photo prise par May Pang lors du célèbre "lost week end" voulu par Yoko symbolise pour Julian qui a alors 11 ans le moment où son père et lui se sont enfin connus, suite à la proposition de May de recevoir Julian chez eux. John, un peu inquiet, lui offre une batterie et une guitare. Que faites-vous si le plus grand musicien au monde vous offre de tels présents ? Hé ! Vous devenez musicien, non ?

"Save me" est l'épicentre de cet opus, sans doute majeur dans la carrière de Julian, surtout vu le titre choisi. Les notes de piano pourraient sortir de chez Tori AMOS, l’ensemble évoquant le progressif avec ses claviers et ses nappes de synthé, sa batterie très percussive. Une vraie petite merveille, un des titres de l’année. Et ce "Breathe", susurré comme la supplique d’un être humain au reste de l’humanité. Une forme de profession de foi, cet homme, cet artiste ne demande qu’à respirer, l’esprit pétri d’idées écologistes et conscient de la réalité qui nous entoure. Le refrain magnifique de clairvoyance colle à l’idée de la chanson. Puis le duo frenchy avec Elissa LAUPER sur "Gaia" est romantique à souhait, d’une lenteur consommé, avec une sensibilité que la voix de Julian ne retranscrit pas toujours à la perfection, mais l’ensemble dégage une vive émotion sur la destinée humaine.

Un côté carrément alternatif se détache de "Freedom", la guitare fantomatique, presque new wave, qu’on croirait sortie d’un instrument de Robert SMITH ou des DEPECHE MODE, la lenteur assumée, le chant plaintif. On croirait presque Simon Le Bon de DURAN DURAN au micro sur "Every Little Moment", pour un titre pop de belle allure. Avec un super solo de gratte sorti de nulle part. Le piano sonne comme celui de Johnny mais la guitare, elle, tend vers la Britpop de OASIS et de BLUR avec un impact évident. Même le chant de Julian sur "Lucky Ones" nous plonge dans la traîtrise ! Voyez donc ce perfide natif de Liverpool qui glorifie ainsi l’ennemi voisin de Manchester ! La leçon est géniale quelque part et j’espère que les frangins Gallagher ou Damon se sont penchés sur ce joli titre avec un petit sourire en coin. Le slow "Love Won’t Let Me Down" nous renvoie a des considérations plus modernes quasi brit pop là encore.

Alors, forcément, à l’écoute de "Not One Night", on se dit que c’est John, c’est la voix, le rythme, jusqu’à la manière de frapper les cordes de la guitare. Ce ton désabusé et un brin cynique. Bien sûr, c’est une chansonnette sans réelle ambition mais les arrangements et l’ambiance générale font honneur au géniteur de Julian. En est-il heureux ? Le faut-il exprès ? Est-ce un atavisme ? En tout cas, s'il existe une poignée de musiciens à pouvoir émuler le leader des BEATLES, il faut se rendre à l’évidence, son fils le peut.

Le ressac de la mer introduit "Round And Round Again", une gratte folky et un chant habité si proche et si lointain a la fois, "Will we survive to see another day" ? La question se pose, immuable, incontournable. les préoccupations ne touchent pourtant pas grand-monde. Lui qui a tout le luxe de se pencher sur ce genre de problématiques. On retient le fort joli refrain et les arrangements sophistiqués de "Love Never Dies", dans lequel Julian semble toucher du doigt un style qui lui serait propre, même si certains alignements de piano sonnent familiers. Dieu, qu’elle est énorme, l’ombre de papa ! Un très joli titre. Ecoutez ces quelques notes de piano égrenés à la Tori AMOS sur "Stay", c’est bluffant, non ? Le talent évident sous des couches d’influence multiples et variées, un chti côté BEATLES pour bien faire. C’est presque de la pop progressive, les percussions trip-hop investissent un nouveau chant d’expérimentation.

L’analyse sans fin se poursuit pour Julian : se faire un prénom ? Alors, le mieux est de profiter au max des royalties d’enfer des droits du catalogue paternel, de devenir le meilleur être humain possible, de continuer à sauver les baleines et de lutter contre le continent plastique, le monde en a besoin. Pour ce qui est de l’art, "Jude" continuera. Figurez-vous que mon ordi a bouffé cette kro et qu’il a fallu la réécrire de bout en bout, une des plus difficiles à faire de ma carrière à F.P, mais la qualité de l’opus est évidente, Julian "Jude" LENNON mérite incontestablement la sélection du site pour une œuvre mature pleine de diversité et de rebondissements, bravo Julian !