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2020 Paz
 

- Membre : Bertrand Cantat

PAZ - Paz (2020)
Par K-ZEN le 18 Octobre 2022          Consultée 488 fois

Dois-je ? Encore ?

Bien sûr. Je me dois de le faire. Toujours. Le sujet est bien trop sensible, instable, voire explosif. Dans le but de séparer l’homme de l’artiste, tenter d’éviter les critiques de certains trublions, pas toujours injustifiées, cela dit.

Commencer par vilipender Bertrand CANTAT de tous les noms, auteur de féminicide, dangereux infréquentable ad vitam æternam, pour justifier le fait que j’en parle, et que je vais peut-être l’encenser (attention : alerte divulgâchis). C’est nécessaire. A chaque fois. Et ce n’est même pas suffisant en réalité et ne le sera jamais. La preuve ? Le spectacle live qui était prévu pour défendre l’œuvre en question dans cette chronique annulé à la suite de diverses pressions dont on devine aisément la nature. Sans doute les mêmes qui avaient conduit le chanteur à stopper sa tournée pour défendre Amor Fati, son précédent album solo. Un enregistrement où CANTAT s’était d’ailleurs perdu. Dans ses textes, dans son vitriol, provocateur mais mal placé voire gênant par instants. Je formaliserai sans doute un jour cet avis plus en avant mais là n’est pas la question actuellement.

Le chanteur et le romancier breton Caryl Férey, connu pour ses romans noirs et engagés, avaient déjà collaboré une première fois en 2017, lorsque l’ex-leader de NOIR DÉSIR avait prêté sa voix sur scène pour une lecture musicale d’extraits du polar Condor, dont l’action se situait déjà en Amérique du Sud, plus précisément au Chili. Après un premier single publié presque par surprise, ce nouveau projet en commun, Paz, a été dévoilé fin avril 2020. Confinement oblige, il ne fut publié que sur plateformes numériques dans un premier temps (Spotify, Deezer etc.), mais est aujourd’hui pleinement disponible en vinyle.

Inspiré du roman du même nom publié dans la collection Série noire de Gallimard racontant une tragédie familiale sur fond de guérilla colombienne sanglante, cet album n’est toutefois pas une adaptation stricto sensu du livre. Les deux hommes se sont rendus en Colombie pour imaginer cette œuvre originale coécrite à quatre mains et dans laquelle on retrouve aussi Marc SENS (guitares), MANUSOUND (basse et machines) ainsi que Laul (Laurent) GIRARD (guitare, chœurs, basse, percussions). Selon l’association A Parté, produisant l’enregistrement, ce dernier constitue une forme d’excroissance au roman.

Le résultat réside en sept titres aux durées variables, où infusent librement post-rock, trip-hop et ambient pour créer des ambiances sonores sombres et envoûtantes traversées par la voix du Bordelais se faisant pour l’occasion plus lyrique, aérienne, onirique, voire parlée par instants à l’image de ce que pouvait produire son idole absolue FERRÉ. L'imagerie nous met en présence d’un contraste plutôt saisissant en guise de manifeste, faisant se superposer un papillon aux contours parfaitement dessinés et aux couleurs chaudes, cependant étonnamment immobile, vidé de toute substance vitale alors qu’il n’est pas encore touché par des flammèches menaçantes et crépitantes. On ne tardera pas à comprendre cette indicible menace.

Bien que les titres centraux ne soient pas dénués de qualités (rugueux "Détruit/Cassé"), ce sont les extrémités qui se démarquent assez nettement, sur lesquels on reconnaît textuellement la touche si particulière de CANTAT. Des titres aux durées d’ailleurs remarquables.
"Babel", cathédrale drone supersonique proche des orages décibelliqueux prônés par Michael GIRA, propose une méditation sur fond du mot Paix énoncé dans toutes les langues du monde, desiderata somme toute logique au vu d’une promesse si universelle. Les guitares égrènent quelques notes inquiétantes sur des claviers venteux avant que les voix ne se fassent totales tempêtes. Puis le calme revient, toujours par l’intermédiaire de l’inévitable mot, décliné dans une sonorité étrange finale. Le dernier… Le mohican : anachemowegan. Dans l’autre diagonale, un riff carillonnant parfait illumine les huit minutes métronomiques de "Paix Éclair", morceau le plus rythmé du recueil et subtile construction lexicale bien qu’évidente, bien placée après le délicat oxymore "Fleur de Bunker".

Plus qu’une description d’un champ de bataille en accéléré, peut-être que l’autre grille de lecture consiste en une romance flash, avec ses moments suspendus (plénitude de "Babel", toutefois déjà légèrement tumultueuse mais pour la bonne cause) et d’autres plus dantesques : "La Dune" consacre les premiers grains de sable dans la machine avant les doutes ultérieurs. Combien de divisions ? questionne CANTAT dans le post-rock que constitue "Diana" avant d’affirmer son amour dans le désordre. Et ensuite ?

Le blues de "Ta Peau" peut permettre le retour d’une communication sereine. Jusqu’à la "Paix Éclair" consacrée une fois que ce cœur aura fini par être au bon endroit ? Ou l’incommunicabilité définitive de deux êtres qui n’ont plus que silence à s’opposer, deux points cardinaux transformés en points morts coincés dans des angles injurieux, un nulle part où réside un amour qui hurle en tout lieu le temps d’une paix éclair. Un faux-nouveau départ.

Au moment où je me chauffe à mettre un terme final à ces lignes, Big Brother me fixait du haut de ses immenses yeux bleus. L’histoire n’est constituée que de nouvelles déclinations sous l’égide d’inédites longitudes.

3.5/5

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- Bertrand Cantat (chant)
- Marc Sens (guitare)
- Manusound (basse, machines)
- Laurent Girard (guitare, chœurs, basse, percussions)


1. Babel
2. La Dune
3. Diana
4. Détruit/cassé
5. Ta Peau
6. Fleur De Bunker
7. Paix Éclair



             



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