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1984 Climate Of Hunter
1995 Tilt
2006 The Drift
2014 Soused

Scott WALKER - Tilt (1995)
Par K-ZEN le 11 Mars 2024          Consultée 290 fois

Climate of Hunter a marqué en 1984 le début d’une nouvelle aventure vers une musique sombre et austère pour Scott WALKER. Il s’agissait de son premier album depuis dix ans, qui ferait un sérieux flop à sa sortie, ne s’écoulant qu’à dix mille exemplaires. Il faut dire que le chanteur fit le minimum syndical en termes de production, refusant même de dispenser des concerts pour défendre son disque. Il n’avait jamais aimé cet exercice mais depuis les dernières tentatives infructueuses avec les WALKER BROTHERS, le dégoût prit définitivement le pas.

Après cela, on le voit apparaître furtivement à la télévision dans le cadre d’une promotion, semblant déjà bien loin derrière ses Ray-Ban fumées. Il repousse ensuite deux projets musicaux : un album d’interprétation de titres signés KNOPFLER, BOY GEORGE ou DIFFORD & TILBROOK et un disque avec Robert FRIPP produit par le duo Brian ENO/Daniel LANOIS, projet qui avait même abouti sur de premières séances chez Phil MANZANERA. Puis il disparaît un temps alors que circulait la légende comme quoi Geoff Travis souhaitait le faire signer sur Rough Trade…

Malgré sa discrétion, le chanteur américain restait réputé pour un cercle de connaisseurs. BOWIE par exemple le vénérait, un BOWIE recevant un message venant de Scott le jour de ses cinquante ans. Sa réponse fut sans appel : Il a sans doute été mon idole depuis l’enfance. Il mourra d’ailleurs un 10 janvier, un jour après l’anniversaire de Scott, curieuse coïncidence comme la vie sait parfois les réserver…

Tilt trahit une volonté de rupture nette avec le passé. Aucun regard en arrière n’est jeté, pas plus de nostalgie ne s’exprime. La voix de WALKER est toujours aussi reconnaissable – à l’instar d’un Tim BUCKLEY – un baryton usé par les années, semblant constamment sur le point de rompre comme s’il manquait d’oxygène mais tenant bon, prenant souvent le parti de demeurer seule, en apesanteur comme sur le refrain de l’incroyable éponyme, pièce se rapprochant le plus d’une chanson rock classique – agrémentée même de soli rauques et nauséeux – cependant déjà bon indicateur global sur la teneur des débats.

Tilt est placé sous la signe de la saute d’humeur parfois tenant plus de la réelle schizophrénie : chaque titre, fort d’une remarquable identité, dispense une quantité d’humeurs phénoménale, passant du malaise à la flamboyance en un instant avec une facilité déconcertante. À l’ouverture aveuglante de "Manhattan", liturgie urbaine élaborée via guitare et orgue, succède des roulements tribaux mystérieux ; "The Cockfighter" conjugue aciérie et vapeurs entendues sur Climate of Hunter en citant des extraits tirés des procès de Caroline de Brunswick et Adolf Eichmann, les mêmes brumes baignant "Patriot (A Single)", sublime moment de grâce pas même gêné par ce pathétique cirque central. Exposant sa régularité quasi-métronomique, "Face on Breast" semble faire figure d’exception, la menace étant matérialisée via ces fragments de guitare déformés.

Mais avant tout cela, le chanteur américain nous avait téléportés sur cette petite plage d’Ostie anonyme si ce n’est qu’elle fut le théâtre d’un crime demeurant aujourd’hui encore mystérieux. "Farmer in the City" et son énigmatique chitarrone – sorte de luth – ne jouissent pas de clip sur YouTube mais les internautes y ont adjoint des séquences judicieuses pour illustrer sa lenteur cinématographique : plans fixes nocturnes traversant uniformément l’œuvre de David Lynch ou séquences rurales et cryptiques filmées par Béla Tarr, dont Scott avait d’ailleurs beaucoup apprécié le radical Sátántangó.

Entends-je 21, 21 ?… Ce nombre constituerait tout à la fois le nombre de scénarios imaginés par la police afin d’élucider la mort du cinéaste Pier Paolo Pasolini ainsi que l’âge de son jeune amant Ninetto Davoli lorsqu’il déserta l’armée italienne. "Farmer in the City" représente peut-être le sommet absolu dans l’œuvre de WALKER. L’équilibre parfait entre ambient et musique classique est trouvé, au service d’une somptueuse élégie organique invoquant le réalisateur sans jamais le nommer explicitement (seul son second prénom est mentionné) et annonçant toutes les Imprudences à venir.

Un péquenot dans la ville. Était-ce le sentiment dominant WALKER quand il posa le pied à Londres pour la première fois au cours des années 60 ? Peut-être simplement le voyage d’une vie, tout comme le périple des réfugiés sud-américains décrit dans "Bolivia ‘95", prenant fin sur le bref "Rosary", reprenant les mêmes ingrédients minimalistes irriguant "Blanket Roll Blues", toutefois remisant au placard Mark KNOPFLER. Scott en termine par cette ligne équivoque : Et je dois partir. Bien entendu.

Tilt se manifeste visuellement par cette main paume ouverte, prête à refermer son étreinte autour de l’innocent cou telle la Faucheuse encline à enfin agir lorsque le chevalier aura perdu sa partie d’échecs vitale. Œil et criquets complètent cette fresque aquatico-industrielle, vaguement familière, déjà entr’aperçue via un mouvement oculaire rapide sous une couleur alternative.

Tous trois étaient en quête des "Portes du Paradis", nommées "Taivaan Portti" dans la langue finnoise.

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- Scott Walker (chant, guitare, sifflets)
- Ian Thomas (batterie)
- John Giblin (basse)
- Brian Gascoigne (claviers, orgue, célesta, arrangements orchestraux)
- David Rhodes (guitares)
- +
- Elisabeth Kenny (chitarrone)
- Roy Carter (hautbois)
- Hugh Burns (guitare)
- Alasdair Malloy, Louis Jardim (percussions)
- Andrew Cronshaw (cor, anches, concertina)
- Jonathan Snowden (flûte, piccolo)
- Andy Findon, Jim Gregory (flûte)
- Roy Jowitt (clarinette)
- Peter Walsh (sifflets, grosse caisse)
- Ian Thomas (grosse caisse, cymbales)
- Colin Pulbrook (orgue)
- Greg Knowles (cymbalum)
- John Barkley (trompette)


1. Farmer In The City
2. The Cockfighter
3. Bouncer See Bouncer…
4. Manhattan
5. Face On Breast
6. Bolivia ‘95
7. Patriot (a Single)
8. Tilt
9. Rosary



             



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