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1966 Hey Joe

The LEAVES - Hey Joe (1966)
Par LE KINGBEE le 31 Octobre 2022          Consultée 440 fois

Avec seulement deux albums à leur actif, The LEAVES doivent leur tardive renommée à la compilation Nuggets Original Artyfacts from the First Psychedelic Era (chronique présente sur le site), élaborée par Jac Holzman (fondateur d'Elektra Records) et Lenny Kaye (futur guitariste de Patti SMITH).

Grand admirateur des BEATLES, Jim Pons fait la rencontre de Robert Lee Reiner sur les bancs de leur collège au nord de Los Angeles. Les deux étudiants autodidactes décident de monter un groupe, passion fréquente à l’époque ; ils sont rejoints par le guitariste Bill Rinehart, le batteur Jimmy Kern et le chanteur John Beck♦. La formation alors baptisée The Rockwells fait ses gammes dans le circuit des universités. Adepte d’un répertoire constitué de reprises Surf, Beat et Rock, rien ne prédestinait le groupe à enregistrer.

En mai 65, ils se produisent en première partie de CAPTAIN BEEFHEART, un show qui leur permet de devenir l’un des groupes résidents du Ciro’s, célèbre club implanté sur le Sunset Strip. La formation change de nom, devient THE LEAVES et remplace The BYRDS qui s’envolent vers la gloire. Certains y verront une alchimie ou un signe du destin, le lien entre les Feuilles et les Oiseaux paraissant indéniable.
Jim Pons et ses sbires sont remarqués par Pat BOONE qui les oriente sur Mira Records, label dirigé par Randy Wood, un ancien de la firme Vee-Jay, un bonhomme qui avait enregistré les BEATLES et les Four Seasons de Frankie Valli.
En juillet, THE LEAVES mettent en boîte leur premier single avec "Too Many People" *, un excellent Garage Rock à l'intro d’harmonica, couplé à "Love Minimus Zero", une reprise de DYLAN sous forme de Folk Rock. Le groupe reprend le chemin des studios et enregistre "Hey Joe, Where You Gonna Go ?" un futur standard du guitariste Folk Billy Roberts. Cette première mouture ne convient pas au groupe qui réenregistre le titre en février pour un deuxième échec, le single couplé cette fois avec "Girl From The East" fait encore un bide. Comme l’annonce l’adage, tout vient à point qui sait attendre : en mai 66, le groupe qui vient de se séparer de Bill Rinehart trop porté sur la marijuana et le LSD, enregistre une troisième version avec Bobby Arlin. Cet essai avec emploi d’une Fuzzbox est enfin le bon, le titre se classant à la 31ème place des charts américains. Historiquement, les LEAVES demeurent les premiers à avoir enregistré la chanson. Dans la foulée, de nombreux groupes se situant entre Rock Psyché et Garage la reprennent (LOVE, The STANDELLS, The BYRDS, SHADOWS Of The KNIGHT, The MUSIC MACHINE jusqu’à Jimi HENDRIX en décembre).

On vous le répète souvent, en musique il faut battre le fer pendant qu’il est chaud. Devant le succès inattendu de cette 3ème tentative, Mira Records presse les feuilles de retourner en studio sous la houlette de Norman Ratner, un touche-à-tout débutant à la production. Le groupe a pris le temps d’apporter cinq titres composés principalement par Jim Pons et Bobby Arlin.
En ouverture, "Dr. Stone" avec son intro d’harmonica oscille entre Garage et Freakbeat tandis que la rythmique tangue entre Bo DIDLEY et Buddy HOLLY. Honnête balade sans prétention, "Just A Memory" témoigne de la forte influence de la British Invasion (BEATLES, HERMAN’S HERMITS). L’instrumental "Back On The Avenue" permet d’accélérer la cadence, un titre entre Surf et Rock Instrumental à la Ventures agrémentée d’un rugueux passage d’harmonica. L’étrange "War of Distorsion" chanté à deux voix évoque la période Psy des KINKS. Dernière compo en fermeture de disque, "Too Many People", est un Beat Pop rythmé flirtant avec l’univers des BEATLES et l’univers Garage des grandes villes du Nord (Tacoma, Seattle).

Sept reprises complètent l’album parmi lesquelles une poignée d’inusitées : plus sombre, "Girl From The East", une compo de Bobby Jameson, hippie désabusé et spolié au succès éphémère, s’inscrit dans la cadre de la Protest Song sur un tempo proche de la balade. Le texte demeure malheureusement actuel avec les problèmes liés aux migration forcée, aux racines perdues et la pauvreté qui s’abat souvent sur les plus malheureux. La chanson est reprise en démo par Frank ZAPPA et plus récemment par l’allemand Bad Temper Joe, un adepte de la lap steel.
"Words", une compo du tandem Tommy Boyce/ Bobby Hart, s’oriente vers une balade Pop privilégiant la douceur. Le titre se voit aussitôt repris par les MONKEES. Probablement emportées par un coup de vent, The LEAVES s’attaquent à "Goodbye My Lover", une compo du soulman Robert Mosley (attribuée par erreur à la paire Pender/McNally). Contrairement à l’original et à la cover de Jimmy Hugues, Pons prend soin d’orienter le titre vers une sonorité pré-psychédélique, proche du freakbeat. The Seachers sont montés sur la 4ème marche des hit-parades anglais avec une version inférieure. Certains cinéphiles reconnaitront la chanson, l’original figure au générique du film Green Book (Sur les routes du Sud) avec Viggo Mortensen et Mahershala Ali, un biopic sur le pianiste Don Shirley. Chez nous autres, Frank Gerald, beau-frère de Pierre Delanoé, adapte la chanson avec "Au revoir mon amour" chantée par Richard ANTHONY, l’un des rois de l’adaptation anglo-saxonne.

Pons et ses potes reprennent également des titres ayant laissé une plus grande trace de leur passage. Clin-d’œil à une époque fragilisée par d’incessants changements politico-sociaux (lancement de Medicare, meurtre de Malcolm X, Marche pour les Droits Civiques à Selma, Signature du Voting Rights Act, émeutes de Watts, intensification des bombardements au Vietnam), le groupe reprend l’acidulé "He Was A Friend of Mine", titre inspiré par "Shorty George", un chant funèbre de Smith Casey enregistré dans un pénitencier texan par John Lomax. Les BYRDS en changent les paroles pour rendre la chanson plus contemporaine, en fait une oraison dédiée au Président Kennedy. Préalablement enregistré par DYLAN, la chanson fait l’objet de nombreuses reprises (The Country Gentlemen, Nanci Griffith, Tom JONES, l’acteur Billy Bob Thornton). Chez nous autres, l’anglaise Petula CLARK nous en délivre "Toi qui m’as fait pleurer" où il est question d’amour perdu. Preuve que les States traversent toujours une époque houleuse, en 2020 suite au mouvement Black Lives Matter, Max Gomez enregistre une nouvelle version incluant les pertes de George Floyd, Martin Luther King, du Président Lincoln et de la suppression de plusieurs statues de confédérés trônant encore des bourgades du Sud. Au même moment, Etienne DAHO intègre la chanson dans Surf, un double-album consacré à des reprises gravées à partir de 2005.
Standard de John Loudermilk, "Tobacco Road" a traversé les décennies, tombant dans les mailles de différents registres. Selon les prédilections de chacun, les auditeurs devraient aisément trouver chaussure à leur pied : Lou Rawls et Junior WELLS en offrent deux excellents Blues, Ramsey Lewis en fait autant pour le Jazz, The PURPLE HELMETS et LITTLE BOB STORY proposent deux bons Pub Rock, le Rock Psyché ne reste pas à la traine avec les essais de JEFFERSON AIRPLANE et des BLUES MAGOOS, tandis que JAMUL ou Richie KOTZEN en produisent des versions plus Heavy. Il y en a pour tous les goûts. Ici, c’est résolument dans le Garage que nous immerge Bob Arlin, bien soutenu par l’harmonica de John Beck. Une version selon nous supérieure en termes de nuances à celle des Nashville Teens, malgré l’apport de Jimmy Page. Dick RIVERS reprend le morceau en français, transposant l’univers de Loudermilk en Caroline du Nord à une ville du Nord. Choix étonnant quand on connaît les origines sudistes du chanteur.
Mais c’est sur "Get Out of My Life, Woman", une tuerie d’Allen Toussaint popularisée par Lee Dorsey, que le groupe prend une dimension supplémentaire. Si plus tard Freddie KING, Albert KING ou Solomon BURKE en proposent des interprétations aussi subtiles et efficaces, les Leaves réussissent à maintenir une tension constante entre un rythme hyper groovy et une coloration plus colérique typique du Garage.

Comment ne pas terminer ces modestes lignes avec "Hey Joe" qui, non seulement donne son nom à l’album, mais reste à ce jour comme le premier enregistrement du titre de Billy Roberts ? Ce standard auquel HENDRIX redonnera une autre teinte est délivré ici sous la forme d’un époustouflant Garage hyper punchy en droite ligne avec les futurs maîtres du genre. Peut-être la meilleure version Garage jamais enregistrée avec celles des STANDELLS et The LITTER, groupe du chanteur Denny Waite (longtemps restée inédite). Le chant rageur, des guitares énergiques et véloces qui n’ont pas peur d’en découdre et une rythmique sans faille constituent une carte maîtresse de première main.

Alors, qu’a-t-il manqué à THE LEAVES pour franchir le palier de la notoriété ? A vrai dire, si le groupe n’a jamais cherché à se placer distinctement entre Garage, Rock Psyché et Beat, il est surtout victime du contexte de son époque. Si l’on considère que 1965 et 1966 demeurent les années de l’âge d’or du Garage (du moins celles où de nombreux groupes enregistrèrent leur meilleur disque), THE LEAVES à l’instar de nombreux jeunes groupes ne résistent pas à l’appel de l’Oncle Sam les invitant à un beau voyage dans les rizières vietnamiennes.

Une fois les Feuilles tombées de leur branche, Jim Pons se produit brièvement au sein des TURTLES et des MOTHERS of INVENTIONS de ZAPPA. Bobby Arlin rejoint The Hook en compagnie de Buddy Sklar et enregistre sous le nom de Robert Savage. Le guitariste nous a quittés en 2010. On retrouve John Beck très brièvement aux côtés de ZAPPA. En 1993, le label canadien a publié en CD le disque agrémenté de cinq bonus. Ce disque se range dans le rayon Rock, la notion Garage prenant le pas sur le Psyché. Cette chronique provient des écoutes du pressage Mira (US) et du pressage français Festival édité en 1969. La pochette et les masters sont identiques, seule la rondelle change.

Note réelle 3,5.

♦Homonyme à l’acteur jouant dans la série TV "Dallas" et l’organiste anglais membre de It Bites.
*Titre homonyme à celui de Paul et Linda McCartney.

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   LE KINGBEE

 
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- John Beck (chant, harmonica, tambourin)
- Bobby Harlin (guitare)
- Robert Lee Reiner (guitare)
- Jim Pons (basse)
- Tom Ray (batterie)


1. Dr. Stone
2. Just A Memory
3. Get Out Of My Life Woman
4. Girl From The East
5. He Was A Friend Of Mine
6. Hey Joe!
7. Words
8. Back On The Avenue
9. War Of Distortion
10. Tobacco Road
11. Good Bye, My Lover
12. Too Many People



             



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