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2022 Ain't Nobody Worried
 

- Style : Bonnie Raitt

Rory BLOCK - Ain't Nobody Worried (2022)
Par LE KINGBEE le 8 Décembre 2022          Consultée 773 fois

Porte drapeau du Country Blues, Rory BLOCK est considérée comme une star aux States. Si vous ne me croyez pas, il vous suffit de jeter un œil à la pochette dorsale : tout en haut à gauche, juste sous un alignement de sept étoiles jaunes, figure l’inscription (presque une épithète) 7 Time Blues Music Award Winner. Oui, la guitariste demeure la lauréate de sept awards. Laissons à chacun la liberté de juger du poids de ce genre de trophées. Le débat n’est pas là, mais plutôt dans ce genre de slogans publicitaires concoctés par les maisons de disques ou les boîtes de productions pour faire monter la sauce de manière outrancière.

Revenons brièvement sur le parcours de cette icone américaine spécialisée dans le domaine du Country Blues acoustique. Aurore Rory BLOCK voit le jour en 1949 à Princeton (New Jersey), bourgade réputée pour son université. Elle se met très tôt à la guitare, influencée dans un premier temps par la scène Folk de Greenwich Village, mais c’est sa rencontre avec le guitariste musicologue et producteur Stefan Grossman qui lui permet de prendre un virage important avec la découverte des pionniers du Country Blues et du Delta Blues. A quinze ans, elle quitte le home familial pour entreprendre un voyage initiatique à la rencontre des grands bluesmen du Mississippi afin de perfectionner son art et sa technique du fingerpicking.
En 1967, Rory enregistre avec Grossman une méthode d’enseignement sur la pratique de la guitare. L’album est édité par Elektra sous l’intitulé How To Play The Blues Guitar, Rory apparaissant alors sous le pseudonyme de Sunshine Kate. La guitariste met une parenthèse à sa carrière afin de s’occuper de sa nouvelle famille et ressurgit, tel le diable de sa boîte, au milieu des années 70 en débutant sa discographie avec une poignée d’albums ne suscitant que de polis commentaires. Ce n’est qu’au début des eighties que Rory va enfin connaître le succès et la renommée en signant sur le label Rounder Records, firme pour laquelle elle enregistre une douzaine d’albums. Depuis 2008, Rory est devenue la nouvelle égérie du label canadien Stony Plain pour lequel elle vient d’enregistrer son 9ème opus. Aujourd’hui, Rory demeure propriétaire d’une épaisse discographie comptant 35 albums, une quinzaine de singles et sept compilations.

Troisième volet de la série Power Women of the Blues, Ain’t Nobody Worried coproduit par Rob Davis, fidèle collaborateur depuis une vingtaine d’années, a été enregistré au Kentucky Studios à Sandy Hook. A l’instar des deux précédents volumes de cette série, cet opus doit sa création à la pandémie Covid-19, au moment où personne ne pouvait mettre son nez dehors et encore moins se produire sur scène, la blueswoman profitait de son temps pour enregistrer de nouveaux morceaux.

Celebrating Great Women of Song figurant au bas de la pochette indique clairement de quoi il s’agit : des reprises d’interprètes féminines orientées vers un répertoire issu des décennies 60 -70 et 80. Présenté sous la forme d’un digipack cartonné constitué de trois volets, l’Américaine déclare qu’elle ne sait pas précisément pourquoi elle a opté pour ces onze morceaux, mais elle suppose que cette orientation vers le passé provient du même intérêt qu’elle porte à Bessie SMITH et Robert JOHNSON, deux icones du Blues Pre War. La guitariste indique également que la multiplication d’Home concerts, pour cause de confinement, une nouveauté pour de nombreux musiciens, lui a permis d’avoir un autre œil sur la musique.

Rory BLOCK ne se contente pas de reprendre ici les chansons des autres, elle insère une compo "Lovin’ Whiskey" piochée dans l’album I’ve Got A Rock In My Sock!, un album Rounder de 1986 assez décousu au demeurant. Elle déclare qu’il s’agit là de la chanson qui a lancé sa carrière, affirmation quelque peu exagérée. Toujours est-il qu’elle délivre une interprétation revue et corrigée entièrement acoustique, par rapport à l’original la guitare électrique de Bud Rizzo disparaissant du décor sonore. Il en est ainsi des dix covers de cet opus, Rory BLOCK se chargeant de tout : guitare acoustique, électrique, chant, basse et batterie et percussions en programming, procédé contrastant avec le cachet roots dont elle essaie de teinter l’album.
BLOCK propose ici un éventail coloré de Soul, de Blues, de Folk et de Gospel, un spectre assez large dominé par une approche voisine du registre Americana. A l’intérieur du digipack, l’artiste prend soin d’expliquer les raisons de ces reprises.

L’album s’ouvre sur l’unique titre Gospel "I’ll Take You There", l’un des plus gros tubes des STAPLE SINGERS. Pas grand-chose à redire si ce n’est que la mélopée du début, les percussions et l’ajout des chœurs (des overdubs de la chanteuse s’investissant dans le costume de plusieurs choristes) sonnent parfois comme une légère surenchère. Un essai qui dépasse toutefois la version Disco du groupe ERUPTION.

Le domaine de la Soul est revisité à quatre occasions : "Midnight Train To Georgia", un ancien Number One de Gladys Knight & The Pips, est délivré dans une orientation Americana qui a l’avantage de se rapprocher de la version d’origine "Midnight Plane To Houston", création du countryman Jim Weatherly. Si, à l’instar de votre humble serviteur, vous n’êtes guère fan de la Motown, vous préférerez cette version. Il nous semble cependant que la reprise de Joan OSBORNE demeure moins figée et plus conséquente.
Autre Numéro 1 issu de la Motown, "My Guy", popularisé par Mary Wells, est le parfait prototype d’une Soul Variétoche hyper-édulcorée comme la Motown en sortait à la pelle. Le titre diffuse une affligeante pauvreté du texte au point qu'on a parfois l’impression que Rory BLOCK s'y livre à une parodie, sa voix lorgnant sur celle d’une gamine, alors que notre chanteuse avoisine les 70 printemps. Signalons que nos Yéyés d’antan ont adapté la chanson, Nancy Holloway avec "Bye Bye" et Claude FRANCOIS avec "Ma Fille".
Composé par Ellington Jordan et Billy Foster, "I’d Rather Go Blind" interprété par Etta JAMES reste le genre de titre de référence, aussi intemporel qu’inattaquable. Si la version d’origine reste selon nous largement au-dessus du lot, tant au niveau vocal que de l’orchestration, la chanson a connu d’excellentes reprises (Christine PERFECT, Bettye SWANN ou Gizzelle). Reprendre un tel morceau s’avère un pari risqué, d’autant plus que la voix blanche de Rory conjuguée à une orchestration manquant de groove ne colle absolument pas à ce titre.
Autre passage dédié à la Motown, l’entraînant "Dancing In The Streets", popularisé par MARTHA & The VANDELLAS, est une invitation à la danse ayant connu moult reprises tartignoles. Si l’absence de cuivres envoyant mémé dans les orties ne surprend pas outre mesure, c’est au niveau de la rythmique que pêche l’interprétation, le morceau ne parvenant jamais à s’envoler, le chant garni de chœurs finissant même par exaspérer.

Si le Folk Blues a longtemps fait parti intégrante de son répertoire, Rory BLOCK reprend ici trois Folk sans lien entre eux. Sa reprise du somptueux et délicat "Fast Car" de Tracy CHAPMAN perd une partie de son âme et de son essence, un comble avec un tel titre. Le décalage d’un demi6ton et une élocution approximative et guindée plombent l’essai. Une version bien inférieure à celle des Black Pumas.
Il suffit parfois d’une chanson triste pour remettre les pendules à l’heure, c’est chose faite avec "Love Has No Pride", compo de Libby Titus enregistrée par Bonnie RAITT, l’alter ego de Rory BLOCK. Une bonne version se situant au niveau de celles de Tracy NELSON, Rita COOLIDGE ou Linda RONSTADT.
Dernier Folk avec "You’ve Got A Friend", grand classique de Carole KING. Si certains resteront attachés à l’original, BLOCK délivre une version épurée dans laquelle le jeu de guitare en fingerpicking témoigne d’une grande sobriété. Les amateurs de variétoche à la française se rappelleront peut-être l’adaptation "Un jardin dans mon cœur" chantée par Claude FRANCOIS et Sylvie VARTAN, deux exemples de titres Yéyé aussi ridicules qu’affligeants.

On peut se demander si ce n’est pas sur les deux covers Blues que Rory se montre le plus à son aise. Elle reprend "Cried Like A Baby" *, une compo du tandem Charles Singleton/Bobby Sharp enregistrée au milieu des eighties par Koko TAYLOR, chanteuse dont Rory fit les premières parties lors d’une tournée en Allemagne. Si la chanson prête parfois à confusion, étant aussi éditée sous le titre "I’m Getting Long Alright" comme en atteste un premier single de Big MAYBELLE, Rory nous plonge au fond de la marmite Blues par l’entremise d’une slide pleine de ferveur ; tel un chat se frottant à une jambe de pantalon, la basse acoustique se fait plus ronde et enjôleuse.
A l’image des contes de fées de notre enfance, "Freight Train" termine l’album sous un vrai feu d’artifice. Non pas que ce standard nous propulse à la vitesse d’un TGV vers un rythme plein de rapidité, mais il s’agit là du titre composé par la guitariste Elizabeth Cotten alors qu’elle était adolescente et qu’elle n’enregistrera qu’en 1958 à l’âge de 65 ans, connaissant ainsi une carrière bien tardive. Entre-temps, cette histoire de train servant aussi de comptine et de berceuse était tombée dans la besace de nombreux groupes de Skiffle, de Country et de Bluegrass. Certains se laisseront encore prendre par la poésie du texte : Freight train, freight train, run so fast - Please don't tell what train I'm on - They won't know what route I'm going. Les puristes lui préfèreront certainement la version de Madame Cotten, guitariste gauchère jouant à l’envers et détentrice d’un phrasé appelé communément le Cotten Picking.

Ce troisième volet venant grossir la série Power Women of the Blues manque cruellement d’originalité, le recueil étant constitué à 100% de reprises. Enregistré en One Woman Band, les titres sans aucune trame réelle, si ce n’est qu’ils ont tous été chantés par des interprètes féminines sans liens entre elles, souffrent aussi du manque de consistance des arrangements et de l’orchestration. Afin d’apporter un semblant de diversité, Rory BLOCK utilise plusieurs logiciels de programming, une méthode qui se révèle au bout du compte assez synthétique et crée même quelques surcharges. La chanteuse s’est assurément fait plaisir en mettant en boîte cet album, mais celui-ci ne fait guère avancer le Schmilblick.
Reste aussi à savoir où classer cette galette. Par soucis de cohérence, Ain’t Nobody Worried est à ranger dans l’étagère de la Country, sur le tiroir de l’Americana.


*Titre homonyme à celui de Nappy Brown.

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- Rory Block (chant, guitare, basse, percussions, batterie progr)


1. I'll Take You There
2. Midnight Train To Georgia
3. My Guy
4. Fast Car
5. Cried Like A Baby
6. Love Has No Pride
7. I'd Rather Go Blind
8. Lovin' Whiskey
9. Dancing In The Streets
10. You've Got A Friend
11. Freight Train



             



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