La dualité de la pochette n’échappe à personne. Cette septième offrande des Américains de ALTER BRIDGE à la cause de la musique populaire se présente dès son support visuel comme un incontournable. Mark Tremonti reste en place tel un Deux Ex Machina et impose sa marque à la sortie de son deuxième rejeton musical. Nous en étions restés il y a trois ans avec un Walk The Sky de fort belle extraction. On enregistre toujours sous la houlette du grand Michael Baskette déjà responsable des cinq précédents at home à Orlando. On est tout proche de la prise de pouvoir sur le versant Hard du rock qui nous intéresse tous.

L’éponyme "Pawns and Kings" est le single de cet album. Dès la première écoute, les Floridains ne nous lâchent pas et la composition s’écoule telle une énorme et sublime cascade, flirtant le plus souvent avec le sublime et une force inarrêtable. La construction bien que très métallique ne choque jamais par la violence de son propos et le chant de Myles y est magnifique de puissance controlée. Myles Kennedy prend à sa charge la puissance du 2ème single, "Silver Tongue". Les aspects grungy sont bien là sur le refrain en mode punky, certes avec le son surpuissant des années 20. Les couplets sont autant de petites pépites ciselées, l’étrange mixing des influences de Kennedy et de Tremonti continuant de faire son office.
La petite orfèvrerie métallique qu'est "Sin After Sin" n’a rien d’un hommage à JUDAS PRIEST. Les noms des grands du Progressif lourd viennent aussitôt en tête, comme du QUEENSRYCHE puissance mille car la production de Michael Baskette rase tout sur son passage. Enfin l’introductive "This Is War" achève la charge des singles de cet album. On remarque d’emblée la technique de Myles dans un chant qui module, monte et descend sans jamais reprendre son souffle. S’il parvient à recréer la performance en live, voilà qui me laissera bouche bée. Les coups de pattes permanents de Tremonti n’ont de cesse d’enrichir le titre. Le message bien subversif ne peut aussi laisser indifférent : putain de "Don’t Compromise Who You are" ? Merci, les gars !

Cette livraison contient son Everest : "Fable of the Silent Son" débute par une superbe montée d’arpèges. Les grattes sont tellement charnues qu’elle paraissent sous accordées. Le titre qui dégage beaucoup de plénitude s’agence avec ses tiroirs tout du long des huit minutes qui le composent. Myles sort une belle performance pleine de maturité au fil des mélodies qui s'enchaînent, tantôt entêtantes, tantôt innovantes. Ce titre, le plus long d’ALTER BRIDGE, nécessite plusieurs écoutes pour être totalement apprivoisé, mais au final c’est un véritable régal sonore doublé d’un feu d’artifice.
La rythmique tordue de "Holiday" est d’une évidente modernité. C’est dans ce genre d’instant que les vieux loups du metal comme moi peuvent se dire qu’on a enfin trouvé une suite aux aventures des grands du genre. Vocalement, Myles déchire le titre de part en part, alors que Mark défonce tout avec ses tronçonnages en tout genre. Si vous écoutez bien, vous verrez que le putain de refrain est un hommage direct aux cadors du southern rock, la force du son en plus, évidemment.
A l’inverse, l’ambiance de "Dead Among the Living", au refrain poppy de belle facture, évoque les premières heures du Nu Metal. Les guitares sont tranchantes, le bridge est rampant et bien destructeur.

Quelques influences made in Canada Land ? Mark Tremonti prend le micro sur "Stay", et son intervention très 'rock' lui donne une vibe 'pop, un peu comme le ferait Bryan ADAMS s'il se mettait au Metal. S'y intègrent des éléments grunge, des structures alternatives comme s’il en pleuvait. Pour rester dans le nord, on est très proche des thèmes poppy du collègue Devin TOWNSEND. Une rythmique du même tonneau entraîne "Season of Promise" vers des horizons pop, malgré la débauche du son. Les Floridains imposent d’ailleurs une forte identité progressive à "Last Man Standing". On pense à DREAM THEATER ou même parfois encore à QUEENSRYCHE. La débauche de grattes est notable.

Faut pas pousser Mémé dans les orties, mais là pour le coup, c’est une gigantesque baffe que les quatre Floridain viennent d’asséner au paysage metal des années 2020. Rien n’y fait malgré les années CREED et ce déjà septième opus, Mark Tremonti continue avec l’aide de Myles Kennedy de produire une musique racée et originale qui tue sa race - comme disent les quadras, bande de djeuns ! L’album oscille tout du long entre un quatre carré et un cinq quelque peu vertigineux, mais tout en devers. Je choisis la note la plus modeste mais le disque vaut inévitablement la sélection du site. Besoin d’encore un peu de digestion, mais l’ensemble est sévèrement burné.