Fleuron du R&B revival, Mike SANCHEZ voit le jour en 1964 à Hackney, ville natale de Gary Brooker (PROCOL HARUM), Nicko McBrain (IRON MAIDEN) et de l’acteur Michael Caine, l’un des quartiers les plus pauvres de Londres. D’ascendance espagnole, sa famille quitte la Capitale pour s’installer à Worcester, dans les West Midlands, à 150 bornes au nord de Londres.
Jesus Miguel Sanchez Bastida se lance dans l’apprentissage du piano à onze ans. A l’adolescence, il se transforme en guitariste et forme The Rockets, un modeste trio de Rockabilly local. C’est au sein des Big Town Playboys qu’il se fait connaître au milieu des eighties, le sextet devient momentanément l’orchestre de Robert PLANT avant d’ouvrir pour Eric CLAPTON. En 1993, le groupe s’associe à Jeff BECK et met en boîte Crazy Legs, album hommage à Gene VINCENT et Cliff Gallup. Mike poursuivra ensuite sa route en collaborant à plusieurs reprises au sein du Bill Wyman’s Rhythm Kings avant de s’envoler pour une carrière solo en 1999.

Après trois albums publiés sous son nom, Mike enregistre en 2003 Women & Cadillacs en compagnie des suédois de Knock-Out Greg & Blue Weather. Le charismatique pianiste poursuivait avec So Many Routes enregistré avec le guitariste Albert Lee dans le rôle de l’invité vedette. Enregistré à Birmingham aux Green Eye Production Studios et produit par Danny McCormack, un guitariste bassiste pianiste déjà entendu au sein des LYRES, You Better Dig It ne propose aucune composition, le répertoire reprenant d’anciens inusités dans lesquels viennent se greffer quelques tubes issus des fifties et sixties. Sanchez retrouve ici deux anciens membres des Big Town Playboys, le batteur Mark Morgan (The Jive Romeros, Big Boy Bloater) et le saxophoniste Nick Lunt (Amy WINEHOUSE, James Hunter, Jools Holland). Mais la plupart des accompagnateurs ont déjà eu l’occasion de tourner avec Mike Sanchez, à l’image du contrebassiste Al Gare (Jeff BECK, Imelda MAY), du guitariste Oliver Darling (Imelda MAY, Tanita Tikaram, Geraint Watkins) ou du trompettiste Bryan Corbett (Beverly KNIGHT, Ben E. KING, Gary US Bond) d’où une cohésion et un dynamisme fortement liés à de nombreux concerts à travers le monde entier.

Le titre d’ouverture qui donne aussi son nom à l’album nous plonge d’entrée dans l’ambiance, celle ou R&B et Rock'N'Roll se côtoient avec frénésie. Cet donc par une reprise inusitée, à l’origine gravée en 1959 par Bill Johnson & The Four Steps Of Rhythm (2 45t. à leur actif), que débute l’opus. On pourrait y voir une certaine ironie avec le choix d’un tel titre traduisible par 'Vous feriez mieux de creuser'. En effet, s’il n’apporte aucune nouvelle chanson, Sanchez a parfois creusé bien profond pour dénicher quelques-unes de ses covers. Sanchez, personnage éminemment charismatique et sympathique sur scène, divise donc ici son répertoire entre R&B, Rock'N'Roll et Blues d’antan, la trame sonore se cramponnant résolument dans un décor issu des années 50 et 60.

Au chapitre du Black Rock'N'Roll, le combo nous assène l’énergique "She Can Rock", un inusité du saxophoniste Little Ike, édité en 1959 par le label Champion de Ted Jarrett. Encore plus nerveux, il reprend "Heebie Jeebies" **, compo du prolifique John Marascalco, popularisé par Little RICHARD et Larry WILLIAMS. Attention au tour de rein ! Le pianiste rend hommage à Little Willie Littlefield avec "Baby Shame", une obscurité entre Rock'N'Roll et Boogie Woogie.

L’ambiance des clubs huppés et enfumés de R&B sert de décor à plusieurs titres. "One More Kiss", une reprise de Johnny "Guitar" WATSON, en est le parfait exemple. Le titre connaît une seconde vie via une reprise Live de Robert CRAY associé à Albert Collins. Autre excellent R&B avec l’obscur "Boss Chick" de Shorty Billups avec bref passage de sax hurleur, un titre de 1960 édité par le label new-yorkais Fine Records. Compo de Rudy Toombs, "You Can’t Hide" avait connu une petite notoriété par le biais de la chanteuse Lulu Reed épaulée par Freddy KING, avant de tomber au fond d’une oubliette. L’apport de la Californienne Miss Tayva ° contribue à amener de la diversité et du peps, le chant entre Mike et son invitée se révèle plein de complicité, engendrant de surcroit une touche d’humour. Second titre chanté en duo "Bom Bom Lulu", un R&B entraînant du duo texan Gene & Eunice (couple à la ville comme à la scène) reprend les principes des célèbres doublettes issues des années cinquante. Autre parfait prototype de R&B fifties avec "That’s All I Need"♯, un inusité d’Ike Turner’s Kings Of Rhythm mis en boîte en 59 pour Sue Records. Là encore, la présence des deux choristes renforce la puissance des couplets à l’instar de certains spirituals.

La frontière entre Blues, Soul et R&B est parfois si mince qu’on risque à tout moment de risquer une invasion involontaire. "Make Me Feel A Little Good", une obscurité de Young Jessie, permet d’apporter un peu de douceur, mais la torpeur impulsée par la rythmique et le sax en arrière-fond reste toujours de mise. Du moelleux, on en retrouve avec "The Kangaroo", une rareté du Louisianais Charles Sheffield, gravée au début des sixties par le label Excello. Encore une petite douceur avec "I’m A Fool To Care" *, titre d’Art Neville qui fleure bon la Nouvelle Orleans. "Highway 60", premier titre enregistré par Johnny "Guitar" WATSON sous le nom de Young John Watson, nous renvoie entre R&B et Rockin’ Blues, là Sanchez et ses équipiers reprennent tous les ingrédients chers à Amos MILBURN.

En bon fabriquant d’album, Mike Sanchez n’oublie pas d’incorporer une poignée de pièces plus connues. Sur "Lipstick Traces" ∆, une compo d’Allen Toussaint popularisée par Benny SPELLMAN, c’est encore des fragrances de la Nouvelle Orléans qui s’échappent du fumet. La présence de deux choristes et le piano restituent remarquablement l’atmosphère de la version d’origine. Un titre repris plus tard par les O’Jays, Ringo STARR ou The AMAZING RHYTHM ACES. Sanchez se montre comme un poisson dans l’eau sur "There Is Something On Your Mind", l’un des titres phare de Jay McNeely, roi du honkin’ sax. Là, notre hispano gentleman pourrait faire craquer n’importe quel cœur. Les accompagnateurs restituent parfaitement l’ambiance et la sonorité de la fin des fifties, chacun n’ayant de cesse de placer le chanteur au diapason. Le titre sera repris entre autres par Garnet MIMMS, Gene VINCENT et BB KING en duo avec Etta JAMES. L’imparable tempo de "Sick & Tired" *** a contribué à faire se trémousser de nombreux danseurs. Si le morceau demeure fortement influencé par la mélodie de "Oh ! Red", un vieux blues de Kansas Joe McCoy, c’est bien dans un décor New Orleans dans lequel Sanchez nous immerge avec ce hit de Chris KENNER. Le titre repris à moult occasions (Fats DOMINO, Ronnie HAWKINS, Boz SCAGGS) connaît une cure de jouvence avec les LYRES pour une version Garage Punky bien déjantée. A l’origine pure pièce de Delta Blues enregistrée par Tommy McClennan en novembre 1939, "Bottle It Up And Go" se retrouve transformée en Boogie Piano, une métamorphose tirée du meilleur fût avec un excellent solo de gratte et un bon passage de sax hurleur. Le titre connaît une seconde vie avec John Lee HOOKER. Avec Miss Tayva, Sanchez délivre une sobre version de "No Good Lover", hit mineur du duo Mickey & Sylvia, les créateurs du tube "Love Is Strange".
Nous décernons la mention du meilleur titre à "I ‘m Shakin’", seconde compo de Rudy Toombs popularisée par Little Willie John. Si les Blasters et, plus tard, Jack WHITE, sans oublier les Français de Tip On In redonnent au titre ses lettres de noblesse, Mike Sanchez nous en distille ici une superbe version.

Personnage hautement charismatique sur scène avec ses fringues vintages (certains diraient old time), Mike Sanchez est aussi un petit farceur, le pianiste nous glisse pas moins de trois pistes cachées : "Heebie Jeebies" et "The Kangaroo" sous forme de deux alternates et "Tallahassee Lassie", hit de Freddy Canon dans lequel Sanchez nous offre une folle invitation à la danse en passant par le Cha Cha, le Drag, le Bunny Hop, le Bop, le Stroll, la Walk et le Rock'N'Roll, des modes souvent éphémères. Une version qui fait oublier la ridicule adaptation de Long Chris et les Dalton.

Bien évidemment, ce digipack en trois volets ne retranscrit pas pleinement l’énergie, le punch, la bonne humeur communicative de Mike Sanchez, mais il donne un aperçu de ce que peut lâcher le groupe sur scène. Le public Blues réputé puriste de l’Espace Jean-Roger Caussimon de Tremblay en France, l’un des derniers bastions Blues d’Ile de France, était tombé des nues avant d’applaudir à tout va notre pianiste lors de son dernier passage.


*Titre homonyme à celui de Ted Daffan.
**Titre homonyme au rag de Louis Armstrong.
∆Titre homonyme à celui de Mink DeVille.
º Personnage bien connu dans le monde du Rockabilly, Miss Tayva officie aussi comme photographe, journaliste et créatrice de bijoux.
***Titre homonyme à celui des Cardigans.
♯Titre homonyme à ceux de LaVern Baker et Magic Sam.

PS. les trois titres cachés ne figurant pas sur le dorsal du CD, nous ne les mettons pas dans la track-list.