A la genèse, les mirettes ne sont alertées que par hautes herbes, roseaux, arbres colonisés via simple timide feuillage. Un paysage bucolique, teinté de millions de couleurs, estivales, automnales, saisonnales. Un ciel bleuté presque pur, seulement bardé de quelques timides cumulus. C’est une fois l’œil habitué, comme dans l’obscurité, que l’on distingue le bateau et son pêcheur, ainsi qu’un autre personnage à l’air terrifié tentant de fuir ce dédale végétal.

Le champ de blés peint par Van Gogh avant que des millions de corbeaux n’assombrissent l’atmosphère ? Ou simplement la tourbière hantée proche du château de l’infortuné Denys Barry que nous décrit avec force horreur Lovecraft dans sa nouvelle éponyme ? Est-ce donc cela finalement ce fameux et mystérieux Boomland renseigné sur un écriteau ? Un intitulé tout aussi étrange que le patronyme employé, peu d’informations ne filtrant à ce sujet.

T2 fut formé à l’aube des seventies quand le batteur, chanteur et compositeur Peter DUNTON congédia GUN pour rejoindre le duo formé par Keith CROSS (guitare et claviers) et Bernard JINKS (basse), ayant tous deux fraichement quitté BULLDOG BREED, éphémère combo acid psychédélique ayant commis un album en 1969.

Les trois hommes développent immédiatement une forte complicité musicale, donnant ses plus belles lettres de noblesse au terme 'power trio'. Après moins d’une semaine de répétitions, débute une résidence dans un club londonien. Leurs concerts constituaient une vraie expérience sensorielle, déclenchant moult émotion et nostalgie aux chanceux présents sur place. Le club fut logiquement totalement emballé par leur performance.

Des producteurs curieux travaillant pour quatre labels importants et trois programmes télévisuels et radiophoniques se pressèrent pour assister au spectacle. Cela mena rapidement T2 à la signature avec Decca, à la réalisation de ce premier album It’ll Work Out in Boomland et à plusieurs apparitions TV et radio plus tard dans l’année. On en retrouve un fidèle témoignage à travers les trois excellents titres bonus ajoutés à cette réédition, capturés à la BBC et au son clinique, notamment le stratosphérique "Questions and Answers".

Le mélange élaboré par T2 était unique en son genre. Les trois musiciens jouaient comme un, avec beaucoup d’intensité émotionnelle, et sonnaient comme aucun autre groupe de l’époque, entre hard-rock et progressif. Leur musique se baladait continuellement de l'ombre à la lumière, des murmures acoustiques rêveurs et de féroces éclairs de rage, créant une tension constante tout au long de chaque chanson.

C’est ainsi que se conjuguent parfaitement la rage instrumentale électrique avec la voix douce et haut perchée de DUNTON sur l’ouverture "In Circles", impression de vol giratoire au-dessus d’un volcan. La domination des guitares semble s’imposer naturellement via un solo proprement dantesque mais tout n’est pas si simple. On sent qu’il va falloir lire entre les lignes, et cela s’avèrera juste.

"J.L.T." se révèle plus introverti avec mellotron, guitare acoustique, piano et vibraphone, songe nocturne vénérable et conforme aux atmosphères floydiennes se déroulant à une époque similaire. "No More White Horses" poursuit la rêverie pour un temps, avant que ce qui semble s’apparenter à des vents (claviers ?) ne fassent basculer de manière opportune les humeurs vers quelque chose de plus incertain. Trois titres objectivement excellents, entre flamboyance et grandiloquence.

Le groupe s’essaye ensuite naturellement à la longue suite progressive typique de cette époque, le bien nommé "Morning", égrainant lentement les heures journalières au cours d’un jeu symétrique du chat et de la souris. Bien que trop long voire alambiqué mais, en même temps, peu économe des moyens déployés, on y retrouve des riffs savoureux un peu partout, au service d’une ambiance mélodique mais sonique, MISSION OF BURMA alors même en gestation a-t-il bien noté tout cela ?

Après avoir enregistré ce disque, T2 poursuivit son ascension au cours de l’année 1970, en apparaissant dans de grands festivals en extérieur (Plumpton, Île de Wight) et au Marquee Club pour quelques soirées. La presse musicale les encensait, surtout CROSS que l’on érigeait en nouvel Eric CLAPTON.

Finalement, les pressions devinrent trop importantes et CROSS puis JINKS quittèrent rapidement le groupe.

Après un petit break, Peter DUNTON remit le groupe en route avec de nouveaux musiciens, notamment Mike FOSTER, un ami du trio depuis ses tout débuts. Entre 1971 et 1972, T2 tourne continuellement au Royaume-Uni. Cependant, la scène musicale s’était déjà considérablement transformée pendant leur absence. Ne voulant pas céder aux compromis pour relancer leur carrière studio, ils décidèrent d’un commun accord de s’arrêter, se sentant moins oubliés que seuls finalement, magnifique ligne prémonitoire illuminant "J.L.T.".