Le précédent opus d’ERASURE The Neon fut enregistré et produit lors du confinement dû à la crise du Covid. Ce fut pour Vince Clarke l’instant d’intenses remises en question et de créativité pure, comme pour beaucoup de ses pairs. Vince a donc sélectionné pas mal de bandes des sessions de cet album, les a plus ou moins arrangées avant d'envoyer à Andy Bell le résultat sonique de ses pérégrinations pour qu’il pose quelques vocaux dessus. C’est ainsi que nous nous retrouvons assez rapidement avec le 19ème opus de l’iconique groupe de New Wave. Une chose est certaine, ne vous attendez pas à du ERASURE classique.

"Based On A True Story" introduit l’album de manière assez martiale, avec beaucoup de choeurs et pas mal d’effets sonores. Un enrobage synthétisé nous mène dans un dédale de sons issus des années quatre-vingt, pour un plaisir souriant. Le beat de "Inside Out" nous replonge lui aussi avec délice dans les ambiances chères à cette même décennie. Voyez ce son métronomique qui pulse la vie de ce nouveau titre sur lequel Andy choisit de n’intervenir qu’en filigrane. On est proche des sons de - damned – DEPECHE MODE, mais l’ensemble est plus rugueux, plus expérimental. La complainte de "Harbour of My Heart" semble agoniser tout du long, les jolies nappes de synthé s’y égrenant avec parcimonie, sans jamais prendre le pouvoir. Tels sont les trois titres que je conseille de prime abord.

La vibration qui donne vie à "Now" ondule et se meut telle une amibe préhistorique. Le chant greffé par Andy sur ce curieux assemblage sonique est à l’unisson de l’idée générale, une forme de mouvement dans l’immobilisme. C’est éminemment obscur, et ravira les fans d’ambient à la Brian ENO et les aficionados de Krautrock en général. C’est la nouvelle pulsation d’un sequencer bien passéiste qui lance "3 Strikes And You’re Out". Cette fois, Andy Bell se lance dans un chant plus classique, donnant à l’ensemble une cohérence évidente qui le distingue aisément dans cet album de fureur expérimentale. Le titre a en revanche un peu de mal à décoller. C’est une respiration qui accouche cette fois de "Pin-Prick ", avec des synthés peu ramenards.

On se croirait cette fois dans les années 90 avec "Bop Beat", qui rappelle pas mal les DJ d cette époque, notamment MOBY. C’est plutôt sympa, mais très basique cette fois. L’ondoyante "The Conman" aura quelque peine à réveiller le feu qui sommeille quelque part dans les synthés de Vince. Le bontempi de "The Shape of Things" ne trompera personne, aucun groupe de synth de nos années 20 ne proposera jamais un son pareil, c’est l’évidence. On s’endort un peu et la répétitivité n’aide pas à garder l’oeil ouvert. Enfin, "The End" tourne pas mal autour de la performance vocale d’Andy. On y retrouve les structures soniques chères à Vince Clarke, cette simplicité dans l’utilisation des notes ayant influencé une immense partie des enfants légitimes du groupe de Basildon.

Qui dit expérimentations dit aussi difficultés d’accès pour la plupart des auditeurs. Un fan des eighties n’a sans doute pas trop de mal à trouver son compte dans ses mélodies, certes un peu rachitiques mais qui comportent leur lot de magie, comme souvent avec Vince Clarke et Andy Bell. Plusieurs morceaux méritent une réelle attention et pas mal d’écoutes pour en extraire une substantifique réalité. Je reste comme précédemment sur un trois de circonstances, mais les fans de son vont prendre leur pied. Pour les autres, c’est plus compliqué.