Relisez ma dernière chronique concernant le groupe ! La situation n'a guère changé, la mode alternative est certes passée, mais la situation n'est pas plus brillante pour les ex-cadors de la new wave. Tous tachent de survivre mais les fans ayant grandi se sont pour la plupart détachés de leurs idoles d'adolescence. Nous voici donc à nouveau avec les trois vocalistes du groupe pour endosser ce qu'il reste de volonté créatrice au sein de HUMAN LEAGUE. Phil Oakey ne se fait plus beaucoup d'illusions sur ses capacités à fédérer les anciens fans, pas plus que d'en gagner de nouveaux, mais l'industrie du disque est dans une telle impasse au début des années 2000, à quel saint se vouer ? Pourtant, le patron de la ligue humaine aidé par son acolyte Neil Sutton, est plus prolifique que jamais sur cet album, avec pas moins de seize titres au compteur dont une quasi moitié d'instrumentaux/interludes, ce qui va rendre l'écoute plus pointue.

Arf ! Mauvaise nouvelle, la vidéo du single "All I ever want you" nous montre un Phil en pleine crise de calvitie, lui qui symbolisait le chevelu new waveux dans toute sa splendeur vingt ans plus tôt. C'est terrible de vieillir ! Ce qui est plus surprenant, c'est la qualité de ce single qui dépote à fond, renouant avec les succès dansants et addictifs du groupe, une petite merveille de synth pop comme plus personne ne sait les faire au 21ème siècle ! Tout y est agréable, les choeurs, les backings, le lick de synthé jusqu'à cette batterie en carton. HUMAN LEAGUE : one point ! Mais on atteint péniblement le top 50 grand breton. "Love Me Badly" est chargé de poursuivre les efforts du groupe dans les charts ! Un titre chargé d'adrénaline technoïde, avec les habituels tics vocaux de Phil, assurément moins mémorable que le premier. Le DJ Michael Van Bokhorst a produit cette petite étrangeté, mais hélas, la réussite n'est pas au rendez-vous.

"Liar" est une belle adaptation de la synth pop aux canons de l'évolution, une mégabasse et une gratte agressive, beaucoup de sons percussifs, le chant toujours mi glacial, mi mélodique de Phil, avec des "hahiha" de belle tenue sur le refrain. Au final, on se prend à vouloir réentendre le morceau, ce qui est bon signe, j'aime beaucoup ! L'analyse est semblable pour "Reflections" où l'on retrouve des trademarks classiques, agrémentés d'effets sonores baignant dans une ambiance futuriste. Le pari n'est pas si évident de faire évoluer la new wave 20 ans plus tard. Une intro JARRienne sur "Shameless", cette basse rondelette et syncopée, nous voici de retour en 83, mais oui ! On appréciera tout particulièrement le refrain susurré par Susan, c'est absolument délicieux de ressentir de telles sensations tant d'années après la fin du momentum de la New Wave ! Un grand bravo à notre trio pour avoir su réaliser un tel titre en 2001, le meilleur de cette livraison.

Tout le reste du disque évolue dans une qualité évidente qui mixe des éléments traditionnels avec les influences agrégées au fil des années. Le chant ténébreux de Phil sur tranche avec la douceur des backings et les synthétiseurs tressautants de "The snake". On reste plus classique sur "Sin city" qui nous replonge toutefois avec bonheur dans la mouvance des eighties – on est tout proche des bons moments de DURAN DURAN ! -, c'est plaisant pour qui est fan de synth pop. La complémentarité des trois chanteurs rend ici à plein tube dans une belle maestria vocale. "You'll be sorry" conclut l'album dans une certaine dynamique, proche des thèmes de DEPECHE MODE, si ce n'était les excellents vocaux de Joanne et Susan. Il est désormais de tradition de donner un titre entier à Susan Sulley – ici rebaptisée Gayle de son nom d'épouse -, c'est donc "Never give your heart" qui joue ici ce rôle, meilleur que ses précédentes contributions, mais je reste dubitatif sur la capacité de la blondinette à imposer sa voix face à celle de Phil Oakey sur le chant principal.

Et donc, nous voici avec sept titres intermèdes qui glorifient les origines Krautrock et électro du trio grand breton. Le beat cardiaque de "Nervous" et "Brute" sont sympas mais plutôt passéïstes, alors que "122.3 BPM" porte bien son nom et lorgne du côté technoïde. Puis on investit des territoires carrément transe sur la répétitive "Ringinglow". L'instrumental réalisant la meilleure synthèse est certainement "Release", aux nappes qui s'entrecroisent et produisent une ambiance éthérée d'un effet bluffant. Pour un vieux groupe de synthpop, il est très cool de parvenir à se réveiller de cette manière.

Voila qui est inattendu ! Un opus d'un tel niveau dans les années 2000 pour un oublié de la cause des eighties ! Il faut croire que le talent parvient toujours à se réveiller ex-nihilo ! Dans les moments les plus improbables ! Pas un des titres présents sur cette galette ne descend sous les trois étoiles et plusieurs dont "Shameless" ou "All I ever want to" sont au top de ce que le groupe a jamais proposé. Les intermèdes confèrent à l'ensemble une aération, une respiration vraiment bienvenue. A mon sens, HUMAN LEAGUE n'a rien produit d'aussi bon depuis la sortie de Dare vingt ans plus tôt ! Pourtant, Secrets va être le pire four de leur carrière...