Ah, Montpellier, sa place de la Comédie, son esplanade du Peyrou, ses immeubles conçus par Bofill ou sa fameuse librairie Sauramps. C'est le temps qui nous le dira sans doute, mais la cité héraultaise pourra également être reconnue durablement pour SON duo de musiques sombres. A l'instar de Nice et CORPUS DELICTI il y a plus de trente ans, Montpellier la Sudiste avec DENUIT a commencé à contenter récemment les amoureux des univers tourmentés. Apparu en 2021 avec Black Sun, un premier album exigeant qui pouvait rappeler entre autres le meilleur de DIE FORM l'excellent projet de Philippe Fichot, Lis Araignée et Ivi Topp ont placé la barre dès leurs débuts bien haut. L'excitation à l'annonce de la sortie d'un nouvel opus en est alors d'autant plus grande.

Pour être honnête, j'ai toujours aimé la complémentarité qui pouvait exister dans un duo. Que cette alchimie soit artistique et/ou sentimentale, elle donne souvent de très bonnes choses. Les Américains de MORS SYPHILITICA, SIDDAL ou les petits frenchies de SAIGON BLUE RAIN ne me feront pas par exemple mentir. Ce qui frappe instantanément à l'écoute d'Inferno, c'est cette évidente capacité que les Montpelliérains ont de développer des ambiances à la fois solides et diversifiées. Une oreille habituée discernera ici et là des influences vocales (ces petits hoquets et intonations façon SIOUXSIE) mais pour le reste, le constat est indéniablement sans appel. DENUIT ne ressemble à rien d'autre et c'est tant mieux.

L'auditeur se trouve de fait happé dès les premiers instants dans un véritable tourbillon sonore qui comme la couleur vive de la pochette ne pourra le laisser intact. "I'm Bleeding" le premier extrait d'Inferno regroupe à lui tout seul tous les ingrédients qui font le sel de ce duo. La voix de Lis n'est évidemment pas étrangère à cette rapide adhésion. Surprenante par son étendue et les espaces explorés, elle insuffle par sa sensualité un avis de tempête intérieure. La ligne de basse et la puissante electro ténébreuse enfoncent quant-à elles le clou du cercueil. Si les Sudistes sont si attractifs, c'est parce qu'ils alternent avec talent et ce parfois au sein d'un même titre effluves dark wave et cold wave comme le soulignent les excellents "Nemesis" et "White House" où la rythmique vous martèle inlassablement le crâne tandis que d'amples claviers essayent de rendre tout ceci un tout petit peu plus supportable. Les aspirines ne devront jamais être bien éloignées de vous.

Inferno,ce sont donc vos pires cauchemars qui remontent imperturbablement à la surface. Ceci ne sert à rien tout de compte fait de lutter et d'essayer de les mettre sous le tapis. La suffocation ne sera jamais loin à l'image du malsain et conclusif "Room In The Dark" que ne renierait pas Diamanda GALAS et sa terrifiante emphase. Saluons ici encore le travail subtil effectué entre autres sur les claviers. Ils peuvent se faire à la fois rampants (le lancinant "Life And Death") ou lugubrement festifs (le batcave dans l'âme "Blurred Vision"). Sans être l'ossature principale de ses dix titres, ils contribuent pourtant grandement à développer mille et une émotions ("Redemption") qui ont toutes pour point commun de ne pas distiller de l'eau tiède. DENUIT est assurément corseé et intense.

Avec Inferno, le duo confirme haut la main les espoirs placés en lui. DENUIT avec cet album réussi, plonge littéralement dans les ténèbres et n'avance pas masqué. Il vous faudra simplement ne pas oublier votre masque à oxygène.