Monaco, deuxième plus petit pays du monde, dont le prince Rainier III emblématique (1923-2005) et sa royale lignée ont parfois pu concurrencer celle d'Angleterre, depuis le mariage souverain en 56 avec l'actrice-mannequin Grace Kelly. Celle-ci, vedette grâce à Alfred Hitchcock, grande amie de Cary Grant et qui avait déjà eu un flirt au sein de la noblesse américaine, décède brusquement en septembre 82 après un accident de voiture. Son dernier enfant, la soeur de Caroline et d'Albert II (dirigeant monégasque actuel), se trouve avec elle à ce moment tragique et en ressort vivante mais défigurée.

Le temps passe et en 1986, ladite princesse cadette Stéphanie Grimaldi, alias Stéphanie 'De Monaco' ou simplement STÉPHANIE pour passer temporairement inaperçue, est âgée de 20 ans et veut se lancer en musique. Jeanne MAS vient de refuser la chanson "Ouragan" composée par son arrangeur Romano Musumarra. Comme c'est le label Carrere qui doit la publier, SHEILA est ensuite envisagée mais fait la fine bouche à son tour. Alors, elle atterrit entre les mains du producteur Yves Roze alias Jean-François MICHAËL ("Adieu Jolie Candy", grand tube de 1969) qui la présente à demoiselle STÉPHANIE. Et elle dit oui !

Roze se charge ensuite de produire tout l'album enregistré au studio Marcadet de Paris, partagé entre différentes éditions dont Carrere et Sony Music. Une joyeuse pagaille d'ailleurs puisque le LP de 1986, bâptisé simplement Stéphanie, ne contient même pas le tube. Différents pressages proposent chacun leur tracklist, avec parfois que des titres en français alors qu'il y avait de l'anglais mélangé. Le CD de 1987, appelé Besoin, se charge de réunir l'ensemble et c'est tout à son honneur. Les photos sont de Jean-Paul Théodule, alors très en vogue, des FORBANS à PETER & SLOANE en passant par... Bernard TAPIE ("réussir sa viiiiie") !

Les intervenants musiciens sont en équipe réduite, celle-ci reposant essentiellement sur les synthétiseurs. L'Ardéchois Thierry Durbet, qui a commencé avec un album mineur d'Alan STIVELL (Terre des Vivants) cinq ans plus tôt, montre une autre facette de son talent, et il poursuit au cours des années avec Jeanne MAS et François FELDMAN. L'autre claviériste est Guy Battarel, collaborateur de SHELLER, Francis CABREL pour Photos de Voyages et le POLNAREFF de l'époque. Dans cet océan de basses-synthé et de Yamaha DX7, surnagent deux musiciens intelligents et de marque : Kamil Rustam aux guitares et Patrick Bourgoin aux saxophones.

STÉPHANIE, alors toute jeune, n'est peut-être pas allée au bout de ses cours de chant et offre une voix fluette, néanmoins agréable, qui doit souvent être doublée, par elle-même ou par des choeurs de différentes formes, de Gérard BLANC (ex-MARTIN CIRCUS, sur "Dis Tout Bas Dis") au groupe gospel formé par les inséparables (sauf quand J-J. GOLDMAN le voudra) Carole FREDERICKS et Yvonne Jones, en passant par Diane DUPUYS et Sophie Proix pour "Ouragan". Entre langues de Molière et de Shakespeare donc, la princesse chanteuse est naturellement 'crédible' pour les deux.

Ce premier disque s'adapte aux tons musicaux de son époque. Ballades suaves au son massif voire chargé et au sax agressif d'un côté (le joli spleen revisité de "Fleurs du Mal", que la demoiselle dédie à son ex-chéri Paul Belmondo, fils de Jean-Paul et pilote de F1), morceaux funk, latino ("Young Ones Everywhere") ou rock à programmations de l'autre ("Live Your Life"). STÉPHANIE se prête au jeu avec timidité et douceur enfantine, un atout finalement dans un ensemble plutôt bien ficelé et qui se laisse apprécier quand d'autres disques de chanteuses aux voix plus fortes sonnent vite plus 'arides' en cette seconde moitié d'années 80.

D'ailleurs, le texte amour-amer et le rhythm'n'blues de "Rendez-Vous" donnent de belles impressions de Méditerranée un an avant que Luc Besson et Eric SERRA ne s'en chargent à leur manière ; la synth-pop lumineuse de "Flash" demeure aussi efficace que "Besoin" et son monologue sensuel, très féminin, clôturent l'album dignement. On pardonne même la facilité du "Sega Mauricien" (le clip de "Ouragan" a été en partie tourné dans l'île de l'océan Indien) et ses clichés pour reconnaître un effort mignon et frais, survolé par le sax soprano, plutôt honorable dans une époque très 'Antilles'.

Et grâce au CD, on a le tube. Second single, "Fleurs du Mal" se laisse vite oublier par le public et pour cause, "Ouragan" a tout raflé, ou plutôt emporté. La musique est de Romano Musumarra, mais le texte de Marie LÉONOR parle d'un certain Robert PALMER (dont elle avait repris "Johnny and Mary"), alors que certains ont parfois hasardé une corrélation entre le ton du refrain et le terrible accident vécu par STÉPHANIE et qui lui a pris sa mère. Quoiqu'il en soit, cette bluette pop romantique, entêtante, épique et élégante, avec de beaux sons de nappes et une 'basse' slapée qui n'en fait pas trop, réussit parfaitement son rôle et fait un carton national à plus d'un million, dépassé seulement par IMAGES et leurs "Démons de Minuit" pour tout 1986. Un vrai phénomène classieux ; les Inconnus ont eu beau en faire un hymne de vendeuse Prisunic ou caissière à Mammouth (laissez tomber, les 'millenials', moi-même j'ai à peine connu), rien n'enlève à sa qualité.

À raison d'un ou deux titres moins marquants, Besoin figure parmi ce qui se faisait de mieux alors au rayon des chanteuses éphémères et des productions bon marché. Enfin, pour le côté international, il convient d'écouter les versions anglaises de "Dis Tout Bas Dis" ("How Can It Be") et "Fleurs du Mal" ("I Am Waiting For You"), parfois supérieures comme "One Love to Give" pour "Flash", deux fois plus longue et profonde. En revanche, "Irresistible", nouveau hit à l'étranger pour la même chanson, n'égale pas tout à fait l'indétrônable "Ouragan".