En 2007, la période dorée d’Alicia KEYS s’en va doucement derrière elle, mais avec 5 millions de copies vendues pour As I Am, on peut dire qu’elle se défend toujours bien !

Ce troisième effort marque une orientation "vintage" de sa musique, et pas seulement pour le côté soul qui la caractérise tant. Un son de vinyle résonne tout le long, avec craquements et autres effets contribuant à la chaleur d'ensemble. On s'éloigne bel et bien de Songs in A Minor et ses concessions larges aux années 2000.

KEYS en profite pour renforcer la part de claviers, accentuer la présence des cuivres... Toujours épaulée par "Krucial" Brothers, son alter ego musical, la chanteuse et pianiste se montre très enthousiaste concernant ce projet. On sent en effet qu’elle y a pris du plaisir, et l’impression positive qui s’en dégage monte aussi haute que le degré de musicalité, toujours aussi fort.

Comme pour ses grands frères de 2001 et 2003, "As I Am" débute par une belle impression pianistique, largement empruntée au registre romantique à nouveau, puisqu’on reconnait la célèbre "Nocturne n°20 en do dièse mineur" de CHOPIN. Pas de manière totalement fidèle bien sûr, la boîte à rythme massive revient, et une guitare délicieusement saturée, celle de "Jubu" Smith, vient se confondre avec des multiples parties de clavecin électronique. Foin de scandale, c’est joliment balancé !

"No One" est choisie comme single premier. On peut aussi dire que c’est de la fort belle ouvrage, grâce à un rythme de marche venu trancher avec le r’n’b habituel, une guitare acoustique à-propos sur le final, et surtout, un refrain fédérateur garni de Mellotron ! On retrouve ce dernier à l’avant sur "The Thing About Love", ballade splendide à trois temps dont le refrain jazzy nous fait littéralement craquer, idem pour la conclusion des plus mignonnes. KEYS joue avec le Mellotron et plutôt bien, mais le travail de Damon Fox, qui officie à l’orgue Hammond, peut être salué tout autant.

Ce sont ces éléments, sans oublier la soul traditionnelle des "Superwoman", "Teenage Love Affair" et consorts, qui donnent sa couleur particulière à un album dont l’inspiration ne baisse quasiment pas d’un bout à l’autre. Alicia KEYS gère de mieux en mieux ses chœurs, et si elle continue de jouer sur l’emphase pour certaines envolées, on lui concède quelques tentatives agréables comme un chant durci à la fin de "Go Ahead" (la mélodie a, de plus, je-ne-sais-quoi de maléfique), son falsetto toujours appréciable sur "Like You’ll Never See Me Again".

À travers ce dernier titre, les cordes et la guitare qui remontent, la descente d’accords ne manquent pas de nous évoquer "Purple Rain" de PRINCE pour un hommage réussi. Les cordes rares ici laissent davantage de place à l’esprit de groupe et aux cuivres ("Superwoman", "I Need You", "Wreckless Love" – mais pourquoi avoir coupé le solo de sax ?! -). Groupe auquel se joignent Linda Perry (ancienne chanteuse des 4 NON BLONDES) et, le temps d’un morceau appelé "Lesson Learned", John MAYER, le petit prodige de l’époque.

Sa partition de guitare, les refrains optimistes sans être forcément gospel, orientent As I Am vers une tonalité folk, loin d’être déplaisante. Alicia KEYS semble être faite pour cela, sans doute grâce à ses origines irlandaises, même si ce n’est pas ce qu’on connait le plus d’elle. Les deux derniers morceaux du disque en sont la preuve nette, enrichis par des chœurs superbes et une batterie qui fait le pont entre Antilles et Californie, selon qu’on écoute l’un ou l’autre. Magnifique, vraiment !

Si ce disque marque moins son temps et colle moins à la peau de l’artiste, il figure clairement parmi ses plus beaux efforts.