À vingt-cinq ans révolus, Jeanne CHERHAL produit son troisième album, si l'on compte le premier aujourd'hui introuvable et le spectacle de 2002 qui, de l'avis de tous, débute véritablement sa carrière discographique. Distribué comme le live par Tôt ou Tard, ce disque Douze Fois Par An marque le grand changement pour une formule désormais 'définitive' de groupe.

Du music-hall ou des simples planches sur lesquelles repose le piano feutré, Jeanne CHERHAL passe (ou plutôt revient) à la scène rock. Pour l'aider dans ce revirement, elle a pour elle le concours de Vincent Ségal, violoncelliste de grand renom : BUMCELLO, Elvis COSTELLO, Papa WEMBA, et à l'époque notamment, Matthieu CHEDID alias -M-.

La blues-pop californienne de "Un Couple normal" est sans appel ; même si la formule chanson-fleuve perdure, le son n'est plus le même, autrement dense, moins confiné. La narratrice décrit un homme 'non-divorcé' qui lui parle d'amour, lui promet monts et merveilles. Chose qui entraîne une source de conflits, une belle forme de tristesse, soulignée par le violoncelle, le piano conducteur doublant la guitare. Une envolée rock avec cordes sur le final conclut ce plein de charme.

Gardant le même niveau et entrain, "Les Photos de mariage" use d'une trompette en prime, et la chanteuse d'un verbiage presque rap, pour décrire avec mordant les situations amoureuses qui tournent mal, de nouveau. Un titre excellent suivi de près par "Ça sent le sapin" ("surtout l'25 au matin"), ternaire jazzy en acoustique avec évocations 'crues'tillantes' de Noël et solo de piano saloon/picking guitare excellents. Dans le genre, difficile de passer à côté de la perle bien nommée qui donne son titre à l'album, dédiée aux femmes et à 'leurs semaines d'amour ferié' de chaque mois.

Parfaite dans son élément, Jeanne CHERHAL propose un ensemble solide, bien que pas toujours mémorable. Alors que "Super 8" ou "Parfait Inconnu" peinent à marquer, le propos n'en est pas moins intéressant et l'artiste veille à varier les tons. Aux côtés du cocasse "Petit Voisin" qui semble tout droit sorti de L'Auberge Espagnole, la complainte "Les Chiens de faïence" touchante d'empathie et d'optimisme menée par deux rythmes différents.

"Rural" et son verbiage corrosif opposant images 'vraies' et 'touristes' sur un train d'enfer, débouchent de "La Station", mélodie boiteuse et slow nostalgique où CHERHAL a recours de nouveau aux images brutes, comme le couplet sur les lavabos et canalisations ! À l'inverse, dans la plus grande tendresse et tout en élégance, "Je voudrais dormir", duo avec 'papa spirituel' Jacques HIGELIN, ferme le disque en mélancolie bossa fort bienvenue.

Un an plus tard, en 2005, Douze Fois Par An a obtenu le prix de l'Académie Charles-Cros et aux Victoires de la Musique, il a manqué la récompense Album Révélation, s'effaçant devant RIDAN et Daniel DARC. Mais, Jeanne CHERHAL, qui échoue pour la catégorie scène également au profit de LA GRANDE SOPHIE, repart au moins avec l'Artiste du Public. Voilà qui était judicieusement donné, car si elle fera mieux ensuite, elle confirmait alors d'une manière différente de ses débuts qu'elle avait tout d'une grande !

Note réelle : 3,5