Weirdo Releases For Weirdo Ears ! Après douze ans d'existence, Teenage Menopause Records n'en finit toujours pas de nous surprendre, ce ne sont pas ses récentes sorties qui viendront nous faire dire le contraire. Mais NZE NZE, c'est encore autre chose. Les lecteurs ayant déjà croisé la route de cet étrange trio en concert savent bien de quoi il en retourne. Peut-être même ont-ils assisté à la naissance du monstre au festival d'Astropolis en 2020 ? C'est en tout cas là-bas que tout a débuté, que Matthieu Ruben N'Dongo, Tioma Tchoulanov et Gaëtan Bizien ont performé pour la première fois sur scène, avant de s'en aller aiguiser leurs lances au studio parisien de la Red Bull Music Academy. Un an plus tard, offrande est faite : une fleur d'étain et un titre évocateur pour qui maîtrise la langue fang, Adzi Akal, manger du métal !

L'alliage est cependant complexe. Dans le creuset, nos trois compères ont fait fusionner ce que l'on avait en partie pu entendre d'un côté chez SACRED LODGE, de l'autre avec UVB76. Après refroidissement, le moule révèle une pièce d'un noir brillant, amalgamant musique industrielle, effets électroniques et samples d'instruments traditionnels. Au chant, Matthieu Ruben N'Dongo clame les hymnes guerriers des Fangs, ethnie d'Afrique centrale dont est issu son père, allant parfois dans ses hurlements gutturaux jusqu'à nous inquiéter pour sa santé mentale. Dans le doute, souhaitons-lui, à l'instar de ses voisins, un prompt rétablissement.

Si le trio confesse en interview ne pas vouloir trop en dire, afin que chacun puisse interpréter l'œuvre à sa manière, il consent toutefois à nous en donner quelques clés de compréhension. Référence est notamment faite à la mythologie fang, le titre de l'album détournant la locution adzi malan, 'manger le mélan', plante aux propriétés psychotropes, dont l'absorption constitue chez les Fangs un rite de passage au sein du culte Byéri. La fleur d'étain remplaçant le mélan, Adzi Akal renverrait peut-être en parallèle, en plus de la symbolique martiale que constituent le métal et le feu, au transhumanisme. Autour du rituel, s'articule également un récit voguant entre le réel et l'imaginaire, où les fantômes du passé croisent les errants du présent, guerriers fangs et opposants politiques se heurtant avec fracas aux colons espagnols et à la dictature silencieuse de Teodoro Obiang Nguema Mbasogo. Le chanteur modernise ainsi la tradition du Mvett, les mythes ancestraux laissant ici place à une dystopie, rêve ou cauchemar d'une Guinée équatoriale où l'on n'aurait pas forcément envie d'aller passer nos vacances.

Sans savoir ni même vouloir deviner tout cela, Adzi Akal est un disque qui ne peut laisser indifférent. Si certains ont eu la chance de visiter l'excellente exposition Afrique. Les religions de l'extase à l'abbaye de Daoulas l'année dernière, sachez que NZE NZE fait à peu près le même effet à la sortie. Cette musique inclassable intrigue, effraie parfois et, par-dessus tout, prend directement aux tripes en plongeant dans des ambiances organiques et étouffantes, les morceaux ayant parfois l'allure de cérémonies hallucinées. Le rythme est évidemment l'un des éléments centraux de l'œuvre et la violence de certaines boucles mène à une transe nerveuse et libératrice. En sueur, on sait toutefois avec plaisir qu'on se repassera encore quelques pistes avant de s'effondrer, remettant l'écoute de cet excellent premier effort à un autre soir, dans l'attente de l'expérience en live.

Note : 4,5/5