MANESKIN, c’est le groupe qui avait défrayé la chronique lors du Concours de l’Eurovision de la chanson en 2021 (qu’il a d’ailleurs remporté) en se voyant reprocher d’avoir consommé de la cocaïne à l’écran. Cette anecdote colle assez bien avec l’image que MANESKIN cherche perpétuellement à refléter : celle d’un groupe qui fait de la provocation un art de vie ou un argument commercial.

Mais, si cette courte introduction pourrait nous laisser penser que nous avons seulement là un groupe préfabriqué et marketé sans intérêt ou profondeur, la qualité de ses deux premiers albums et son aisance sur scène sont de nature à bousculer nos a priori. Et ce n’est pas ce troisième album qui va changer la donne.
En effet, fidèle à son ADN, MANESKIN se montre diablement efficace et provocant avec Rush!, un album bien plus tourné vers l’international que ses prédécesseurs puisque, contrairement à ceux-ci majoritairement chantés en italien, ce dernier est principalement composé de titres en anglais. Seuls trois morceaux possèdent des textes en italien "Mark Chapman" (du nom du meurtrier de John LENNON), "La Fine" et "Il Dono Della Vita", sur un total de dix-sept.
Rush ! est massif, et c’est peut-être là son plus gros défaut. En effet, si on y trouve d’excellents morceaux parmi lesquels on peut citer "Timezone", "Feel", "Gossip", "Mark Chapman" et "Own My Mind", ce nouvel album comprend également des titres légèrement plus dispensables, à l’image de "The Loneliest" (malgré de belles parties de guitare) ou de "Il Dono Della Vita" (malgré un chant poignant).
De plus, trois titres présents sur cet album sont déjà connus. En effet, "Mammamia" est sorti en single en octobre 2021, "Supermodel" en mai 2022 et "The Loneliest" en octobre de la même année.
L’organisation de l’album est d’ailleurs un peu surprenante. Nous avons tout d’abord les onze titres chantés en anglais, puis les trois morceaux en italiens, puis les trois singles déjà diffusés, un peu comme s'ils étaient des Bonus.
Mais, globalement, le résultat est plus que réjouissant. Le chant de Damiano David possède une puissance et un personnalité qui en font indéniablement un des atouts du groupe, comme il le montre sur la ballade "If Not For You". Le bonhomme est capable de pousser sa voix et d’adopter une sorte de morgue qui sert bien MANESKIN.
Et cela, même lorsque sa voix est modifiée par quelques effets, comme en témoignent "Own My Mind" et "Cool Kids". Ce dernier, porté par la voix trafiquée de Damiano David et une ligne de basse bien lourde, possède des relents Punk bien agencés. L’imparable "Feel" et le très dynamique "Mark Chapman" nous montrent un groupe qui maîtrise son sujet et excelle pour ce qui est de nous proposer un rock efficace et séduisant.
Tout n’est pourtant pas d’une originalité renversante. Ainsi, "Bla Bla Bla" ressemble furieusement à certaines versions live du "Blablabla" de Philippe KATERINE. Alors que "Read Your Diary" possède des accents de MUSE, tant au niveau de la batterie que des chœurs. Même le chant de Damiano David évoque un peu celui de Matthew Bellamy. Alors que le début du déjà cité "Cool Kids" peut faire penser à SLEAFORD MODS.
Pour autant, MANESKIN ne peut être taxé de groupe carbone. Le groupe enthousiaste se permet beaucoup de choses, ce qui rend cet album très intéressant. A l’image de "Gossip", sur laquelle la participation de Tom Morello de RAGE AGAINST THE MACHINE a de quoi surprendre, le résultat de leurs recherches est bien souvent heureux. C’est frais, déroutant et efficace.

Rush! renvoie une image bien éloignée de celle d'un groupe préfabriqué (ou alors, avec beaucoup de talent). On peut être un peu rebuté par son image, mais MANESKIN nous pond là un très bon album de rock moderne, interprété par des musiciens talentueux.