Après le carton plein, tant au niveau commercial qu'artistique, réalisé avec Blood Sugar Sex Magik (1991), les RED HOT CHILI PEPPERS traversent une période troublée.
A peine arrivé dans le groupe, et du fait de son incapacité à gérer le succès énorme qu’a généré la sortie du précédent album, John FRUSCIANTE quitte les R.H.C.P durant la tournée japonaise pour sombrer rapidement dans la drogue. A cette même période, FLEA se sépare de sa femme.
Le groupe alors en pleine période de flottement se voit balloté entre des problèmes de drogue, les difficultés à trouver un nouveau guitariste et une gestion laborieuse de leur hyper médiatisation. Songez qu'à cette époque, NIRVANA et PEARL JAM, pourtant au sommet de leur gloire, ouvrent pour eux. Le salut semble alors venir de l’ex- guitariste de JANE’S ADDICTION, Dave NAVARRO, qui rejoint le groupe pour l'album One Hot Minute.
Si le climat est moins à la franche rigolade qu'autrefois et que l’album est bien plus sombre, celui-ci profite de la notoriété du groupe et se vend très bien, même si quatre longues années se sont écoulées depuis Blood Sugar Sex Magik et que le paysage musical a considérablement évolué. Il faut dire que les Chilis terminent avec ce nouvel album leur mutation qui les a vu évoluer d’un Funk débridé et fougueux vers un Rock très énergique mais plus conforme aux attentes d’un large public. Cela est en grande partie à mettre à l'actif du jeu de Dave NAVARRO qui possède clairement un son connoté plus « Hard Rock classique » que son prédécesseur, ce qui est assez ironique si l’on songe que JANE’S ADDICTION, encore plus que R.H.C.P, a toujours fait figure de groupe assez décalé et underground. Au même moment, la rythmique perd encore un peu plus de son omniprésence au sein de la musique des Chilis. La couleur musicale générale est plus Rock, plus sombre également, et l’équilibre entre les différents musiciens semble mieux respecté. Alors qu'on pourrait dire que Mother’s Milk était l’album de FLEA et Blood Sugar Sex Magik celui de FRUSCIANTE.

De fait, le groupe paraît plus homogène et plus équilibré que par le passé. Plus consensuel serait-on tenter de dire. Le chant d’Anthony KIEDIS gagne en mélodie et en douceur, les guitares se font plus épiques et mélodiques, le groupe rentre un peu dans le rang. Alors oui, on pourrait arguer que les RED HOT ont encore gagné en maturité, que le jeu de NAVARRO se montre parfois surprenant d’originalité, que les traditionnels points faibles du groupe (la batterie et le chant) parviennent à se hisser à leur meilleur niveau. Et on n’aurait pas tort. On pourrait également dire que des titres comme les single "Aeroplane", la balade "My Friends", le funky "Walkabout", le métal "Warped", ou bien "Coffee Shop", sont tout simplement excellents et peuvent figurer sans souci parmi les meilleurs morceaux du groupe.
Il n’en reste pas moins que cet album ne possède pas la magie de ses deux prédécesseurs. L’ambiance est moins à l’exaltation et à l’insouciance. On a même le sentiment que les Chilis ont un peu composé en réaction à l’explosion du mouvement Grunge dont ils semblent s’inspirer en partie. La drogue ("Warped", "Aeroplane", "Coffee Shop"…) et la perte de proches ("Tearjerker" est écrit en hommage à Kurt COBAIN, alors que "Transcending" et "Deep Kick" évoquent respectivement la mémoire de l’acteur River PHOENIX et de leur ancien guitariste Hillel SLOVAK) semblent être les seuls sujet de préoccupation d’un groupe qui perd les pédales et essaye tant bien que mal de maintenir le cap.

Rarement la frontière entre verre à moitié vide et verre à moitié plein ne m’a semblée si ténue à l’écoute d’un disque. Et si pour moi ce One Hot Minute est une déception, malgré d'excellent titres, je conçois tout à fait que l'on puisse crier au génie. D’ailleurs, avec 5 millions d’albums écoulés, l’album reçoit un excellent accueil et est cité par de nombreux fans comme un des meilleurs du groupe. Il n’en reste pas moins que le groupe mettra environ un an et demi à écrire ce One Hot Minute, alors qu’il n’avait fallu que 2 mois pour son prédécesseur. Il faut dire que les paradis artificielles dans lesquels certains membres du groupe s'ébattent ne sont pas toujours garants d'une parfaite maitrise artistique.

Et de fait, la dépendance à la drogue de Dave NAVARRO et d’Anthony KIEDIS sonne le glas de cette époque « parenthèse » dans la carrière du groupe. Le guitariste quitte rapidement le navire et les RED HOT se tournent à nouveau vers leur ancien compagnon, John FRUSCIANTE, en essayant d’oublier cette période durant laquelle les excès furent à un cil de limace de causer la perte du groupe. Les RED HOT CHILI PEEPERS refuseront d’ailleurs pendant longtemps d’interpréter des morceaux de cet album (à l’exception de "Pea", une comptine aux paroles très "adultes" parfois jouée et chantée par FLEA). Un peu comme si les fantômes du passé leur faisaient encore si peur qu’ils préfèrent choisir la voix de l’amnésie à celle du souvenir.