Aussi courte soit-elle, une oeuvre musicale est parfois l'aboutissement d'une corrélation entre patience et labeur, sans pour autant dénigrer la spontanéité. G.BALDWIN, jeune artiste bas-normand établi en Touraine, le sait mieux que quiconque ! Lui qui a dédié sa vie à la musique en général, guitariste professionnel qui s'est ensuite dirigé vers l'enregistrement, ne pouvait que donner un nom comme Ten Years Journey à son E.P. et premier disque, d'une qualité qu'il convient d'apprécier à sa juste valeur, après tant de temps et au vu de telles idées.

Si l'ensemble dure moins d'une demi-heure, il s'agit en effet d'un beau voyage aux étapes marquées et donnant clairement un goût à savourer, l'envie d'y retourner. Certains morceaux ont une histoire, d'autres sont des exercices de style ou une simple prise-test (mais suffisante !) pour un résultat ultérieur aux contours plus définis, notamment dans un contexte audiovisuel.

C'est le cas de "The Wake" qui a ensuite servi à illustrer un plan-séquence dans un contexte de collaboration amicale, et dont on retrouve ici un enregistrement préparatoire pour le moins spontané. G.BALDWIN promène ses mains sur sa guitare électrique pour des arpèges assez fins, un balancement léger dont on se délecte. Idem pour le fait d'imaginer un musicien seul dans une pièce, sans métronome, jouant pour lui-même et pour les oiseaux dehors qui, d'ailleurs, se font entendre en prêtant l'oreille.

Une pièce similaire, "Pete's Bedroom", clôture l'E.P dans le même ton mais sur fond de pluie et à la guitare classique mélancolique, reprenant le thème de l'"Interlude" joué en saturation électrique, court autant qu'évocateur. De belles respirations courtes disséminées entre les 'chansons', même si on pourrait parfois penser l'inverse.

Bien qu'instrumentaux eux aussi, les titres plus longs ont des formes et mélodies pas si éloignées d'une écriture classique, sans paroles. "Cab", sa boîte à rythmes fine et son timbre oriental avec oud et cordes peuvent donner une fausse image de prime abord, en tant que seule parenthèse world, mais l'ambiance reste prenante. Aux côtés d'un chant organique de guitare électrique, la 12 cordes se trouve être une imitation intelligente.

G.BALDWIN exploite ses moyens d'enregistrement avec un certain brio et tout en gardant un caractère personnel, fait maison. Le son vinyle lui permet l'approche jazz/r'n'b 90's de "Mustache Enthusiast", groove et imitation saxophone inclus, tandis que "Lungs" lorgne un peu plus vers la drum'n'bass. Sur ce dernier, les résonances des guitares en bandes inversées, l'arpège lent et doux confirment le talent du musicien à ne point trop en faire pour en dire long. Bien que plus 'metallisé', "Rage and Confusion" s'insère avec naturel, compte tenu de ses influences de longue date, sans déroger au plaisir.

Le propos devient plus intime avec d'abord "Licking My Wounds", valse andalou-folkisante aux arrangements appropriés qui a été écrite après récupération d'une grosse tendinite. Toutefois, le clou émotionnel de Ten Years Journey, le secret le mieux gardé et le plus beau morceau de l'ensemble, demeure "Wherever You Are" fragile et enfantin, complainte triste et à fleur de peau au moment de la perte de son père il y a quelques années, suite à une longue maladie. De nouveau, un balancement contemplatif, une mélodie humble mais porteuse, des nappes de guitare et des cordes sur un autre ton que celles du début de l'E.P. Le bijou caché d'un travail plein de promesses.

Bandcamp : https://gbaldwin.bandcamp.com/album/ten-years-journey?fbclid=IwAR1QAHXK8MJk9-BbSVs2TU1q39mmT96mwSPR97kVjbYmuBGGL633cZY3B8I
YouTube : https://www.youtube.com/playlist?list=PLG-AVFwVxphtN01qa43hv_0NS5TPu9sSn