B.R.E.T.O.N.S. est le groupe, supergroupe même, qui vise à redonner ses lettres de noblesse en liesse au rock celtique, donc de la péninsule armoricaine comme des îles Britanniques, et dont le premier album sorti idéalement le jour de la Saint-Patrick/17 mars est plutôt bien distribué hors-Bretagne. Ses membres, en nombre important – quinze ! -, viennent de différents groupes passés ou toujours d'actualité. En fait, c'est surtout une fusion de deux collectifs. D'abord DIGRESK en ce qui concerne l'un des chanteurs, Kevin Cogez alias MC Zegoc (spécialiste rap), Anthony Mourier (batterie et programmations), son frère Julien et Frédéric Dalibot aux guitares, Nicolas Rozé alias Nico R. (accordéon diatonique), Nicolas Texier dit Nico T. (bombarde) ainsi que Ghislain Roquet alias Gygy (cornemuse écossaise, flûte). Ensuite, KERVEGAN'S avec Xavier Jahan (chant, banjo, guitare), Brieuc Vallée (bombarde), Kevin Astrella (batterie), Florian Brunet (basse) et Jessica Delot (chant, violon). Puis il y a encore le chanteur Gweltaz Adeux (EV), le guitariste Fred Sauvage (HIP KIT, POWERBOX) ainsi que le sonneur Anthony Masselin (SOLDAT LOUIS).

Forts d'une belle publicité également due à leurs concerts où ces B.R.E.T.O.N.S. essaient toujours de convier des invités exceptionnels, il faut souligner leur tendance à la reprise, reposant sur les provenances des membres autant que du choix de 'tubes' s'accordant le mieux à leur style. Depuis une petite dizaine d'années, on sait que le rock, par les RAMONHEURS DE MENHIRS demeure pour la Bretagne, tant elle est demeurée si bien ancrée depuis les années 1970, la meilleure voie en termes d'exportation musicale (une pensée pour les 'pauvres' ALVAN & AHEZ, pourtant si originaux et méritoires lors de la dernière Eurovision en date). Il y a aussi les groupes faits d'alliances comme le CELTIC SOCIAL CLUB, qui lui a ses propres compositions. C'est donc en pur esprit fest-noz, toutes cornemuses et guitares électriques dehors avec des morceaux de rap et d'électro mixés, que ce disque vient éveiller notre intérêt et nous chatouiller les esgourdes !

Dans ce patchwork diversifié, les extraits de DIGRESK sont parmi les moins convaincants, notamment "En Vers et Contre Tous", avec des paroles forcément plus sérieuses, compréhensives par la langue, baignant dans une époque toujours très marquée par la poésie urbaine réaliste, hargneuse et épousant ses rythmes. Le chant de MC Zegoc révèle d'ailleurs des consonances ragga. Pourtant, cela reste bien fait, idem du côté instrumental avec un "Peuple des Dunes" endiablé, d'abord gavotte puis blues-rock. Au rayon revendicateur, "L'étincelle" des KERVEGAN'S se rapproche plus de NOIR DÉSIR alors que le claquant "Marketing" brille moins par ses scansions vocales que son violon et ses bombardes/cornemuses.

Difficile de passer à côté du standard traditionnel "An Alarc'h", à l'intro profonde mais exigeante pour Gweltaz Adeux entre graves et aiguës, passée ensuite dans un rock binaire à l'américaine qui lui convient très bien. Idem pour "C'est un Pays" de SOLDAT LOUIS, plus fidèle à sa version d'origine (on ne dira jamais assez combien Pavillon Noir, 1990, fut un album génial autant qu'un gâchis médiatique) mais qui a gagné son accordéon et sa voix féminine. Ah, Jessica Delot ! Bien que seule et unique demoiselle dans un collectif de quinze, c'est bien peu dire que chaque chanson où elle se distingue aux côtés des chanteurs offre une marque de qualité supplémentaire à l'ensemble. Oui, y compris "It's a Long Way to the Top (If You Wanna Rock'n'Roll)", l'un des meilleurs morceaux d'AC/DC et l'un des plus trompeurs de l'histoire du rock, en premier titre d'un premier album qui n'a jamais connu semblable effort au cours de ladite carrière. Sans être grandiose ici, au moins, si cela pouvait permettre au succès des B.R.E.T.O.N.S. de s'internationaliser...

Et puis c'est témoignage d'une bonne humeur qui prend le pas sur le caractère autrement énervé. Les chansons festives/à boire sont à l'honneur : "Son ar Chistr", autre trad que la postérité doit à Alan STIVELL et très sympathique dans ses arrangements (bagad en deux sections !), le sautillant "Drunken Lullabies" des FLOGGING MOLLY, ou encore "Ni a Sell Ouzh an Heol" d'EV, tout en breton roulant. L'autre extrait de ce groupe passé, "Aon", ouvre le disque avec un certain mordant conjugué à de l'élégance, une couleur orientale dans le violon et les bombardes. Irlandais jusqu'au bout des rimes, "The Fields of Athenry" et son thème noir (la famine) sont traitées avec toute l'ouverture possible, un caractère épique de taverne façon POGUES et de très belles harmonies vocales à la fin, auxquels des influences latines ont été ajoutées.

Pour compléter cette première aventure, les B.R.E.T.O.N.S. font revivre la scène bretonne triomphale des années 1990 avec "Ar-Men" des ARMENS bien dans l'époque MATMATAH et cie, ainsi que le superbe instrumental "Breizh Positive" des AR RE YAOUANK qui prend une tournure pop-rock californienne très seyante, en particulier lors d'un solo de biniou-kozh. À croire que tout fonctionne par deux ici - sauf Jessica Delot -, la "Suite Sudarmoricaine" en dernier clin d'oeil à STIVELL permet à l'ensemble des instruments (guitare et flûte traversière notamment) de s'exprimer gaiement, sans chant humain. Que de bons points ramenant les souvenirs ou forçant la découverte avec plus ou moins de passion. La retenue à avoir, c'est que c'est justement un album tout ce qu'il y a de plus premier, avec sa collection de reprises, ses éléments de mix parfois discutables (la batterie au début de "Aon"). En attendant une suite meilleure, si l'histoire perdure !