INÜIT n'ayant finalement pas donné suite (pour l'heure du moins) à son premier album en 2018, plusieurs membres évoluent dans divers projets. Tandis qu'Alexis Delong et Pierre Cheguillaume soutiennent une autre chanteuse de talent et issue de la scène nantaise, Zaho DE SAGAZAN dont le premier album vient de sortir, un mois plus tard, c'est Coline RIO, la fée d'INÜIT, qui se lance désormais au plus concret dans une carrière solo.

Ce Qu'il Restera de Nous propose une photo simple et très belle en exergue, prise comme les autres par Julien Mignot, mais ce qui fait d'autant plus plaisir avec cette première offrande très personnelle, ce sont les dessins de la chanteuse elle-même, presque tout au long du livret. Entre aquarelles et traits minimalistes, c'est tout à l'image de l'univers déployé en musique. Si Coline RIO délaisse les tons chargés d'INÜIT, son intimité artistique (compositions, voix et piano), en étroite collaboration avec Stan Neff pour la plupart des instruments, n'est pas pour autant dénuée de recherche et de surprises, loin de là.

Et puis tout, ici, est en français, avec des textes d'une profondeur qu'il est encore moins aisé de cacher, tel "Ma Mère", tendre mais évoquant aussi une imagerie de sorcière(e) très développée dans la féminité moderne. Un délice de velouté rubato, filial et ésotérique où l'on devine, outre la voix lead, les chœurs et le piano de Coline RIO, un violoncelle pizzicato (attaques aux doigts, non à l'archet), instrument premier parmi les rares autres de l'ensemble.

Les boucles synthétiques programmées ouvrent cependant le disque, sur "Elle laisse" aux paroles évasives, pop en dentelle, en élégance avec un zeste d'influences latines. Coline RIO reprend son travail de chœurs réalisés pour INÜIT, mais son chant lead n'apparait qu'avec davantage de clarté, jusqu'au final éperdu où ses pistes différentes se superposent en grâce. Plus loin, "La Rivière", valse langoureuse use d'une telle créativité avec brio dans un registre tribal et soutenu, tandis que "À Celui Qu'on N'Oublie Pas", nourri d'une rupture amoureuse, favorise des fredonnements simples.

Un vrai disque de jeune chanteuse dans ce qu'il peut proposer de meilleur. Alors que miss DE SAGAZAN, mentionnée plus haut, dévoile sans avarice son amour pour BARBARA, Coline RIO ne se prive point, et à raison, dans ses efforts de chansons au goût ancien, les arrangements électro en moins (ou en tout cas, moins présents). Le saxophone soprano de l'ami Pierre Cheguillaume vient se fondre dans "Monstres" et ses questionnements sur la condition humaine, le temps fuyant. Elle énumère ses souvenirs d'enfance et d'après sur le tout aussi poignant final "Ce Qu'il Restera de Nous", ternaire jazzy pétri de rythmiques étoffées (ah, ce tambourin !), de montées instrumentales.

En toute féminité actuelle là encore, Coline RIO pose, avec "Homme", l'autre grande interrogation sur la virilité. On retrouve un peu des tons funky d'il y a quelques années, avec un habillage différent, plus latin et acoustique. Elle se décrit elle-même et à nu sur "Cartographie", avec un érotisme souligné avec subtilité par le violoncelle pizz et ce qu'elle nomme des "prouesses de princesses", très adorablement dans l'obsession. Sur la boîte à rythmes et le piano Fender Rhodes parcourant "Ton Nom", elle mélange paroles de sorcière et promesses d'amour, très sensuellement.

"On M'a Dit" la montre sans fard, solide face aux regards et critiques diverses subis auparavant, sur un arrangement indé et chaloupé à la fois. Pour elle qui joue du ukulélé habituellement mais point sur ce disque, on remarque combien les voix s'en rapprochent, à la fin de ce titre ! Le caractère parfois piquant, mûri depuis les années INÜIT, se trouve très joliment distillé dans chaque chanson de ce disque et chaque thème mentionné. Pour un premier essai en solo, c'est une réunion véritable de petits trésors à écouter.