Né en 1951 dans une famille de musiciens, Henri ROGER se forme à la musique en autodidacte dès l’âge de quinze ans en improvisant intuitivement au piano, mais se dirigera également vers la guitare et, bien plus tard, la batterie. Après un passage par le groupe TAÏ PHONG, il enregistre et publie son premier album solo, Images, en 1975 chez le label Pôle. Sept ans passeront avant l’album suivant, mais Henri ROGER a depuis publié un grand nombre d’enregistrements, dans des styles et instrumentations variés, souvent en improvisation, quelquefois en collaboration avec d’autres musiciens. Une quinzaine d’albums ont connu une édition matérielle, mais beaucoup d’autres ont été publiés uniquement au format digital. Souvent occupé par des projets artistiques extérieurs, Henri ROGER a connu une carrière en pointillés, mais sa cadence de publication est assez importante ces dix dernières années.

Images montre déjà d’Henri ROGER un fort penchant pour l’improvisation. Difficile toutefois, à l’écoute, de rattacher cette musique à un genre en particulier. L’intéressé cite lui-même de nombreuses influences jazz et rock, progressif notamment. Des influences qui se manifestent dans la musique ici présente sans pour autant en accaparer le paradigme. Les instruments employés diffèrent entre les quatre morceaux qui composent cet album. La plage-titre qui couvre la première face est interprétée à l’orgue électronique, en plusieurs pistes. Le fil rouge de l’album est un son pulsé formant des nappes harmoniques, sur lesquelles viennent successivement se greffer de petites mélodies. Des minutes treize à seize, les nappes s’effacent derrière une mélodie mélancolique. C’est dans le dernier quart du morceau que les influences progressives sont les plus prégnantes, avec de beaux thèmes dynamiques avant le retour du thème de la minute treize.

La pièce suivante, "Au-delà du langage", est jouée aux synthétiseurs, musicalement proche du morceau-titre mais plus dense et concise, en deux parties démarquées par un silence. On y retrouve ces nappes posant le socle harmonique, et une improvisation mélodique. Autant "Images…" était intéressant mais parfois bien longuet, autant ce Au-delà du langage est bien plus animé. "Ataraxie" est interprété aux guitares et tambourin mais partage le même style musical. Chatoyante et pas prise de tête, cette jolie ritournelle nostalgique porte bien son nom. De par cette ambiance champêtre et bucolique, nous sommes proches des passages les plus calmes des premières œuvres de Mike OLDFIELD.

"Asyle cosmique" dénote franchement avec le reste de l’album. Henri ROGER s’amuse à superposer tous les instruments de l’album, avec des nappes et bruitages inquiétants et une improvisation erratique à la guitare, mais rien à voir avec la bouillie sonore de Kotrill, heureusement. Sur les première minutes, l’harmonie est très oppressante, puis la guitare laissant place à des traits d’orgue, dans une ambiance pas beaucoup plus rassurante. Le morceau s’achève surprenamment sur un riff guitaristique entraînant, dont je ne sais s’il symbolise l’échappée de l’"Asile cosmique" ou le grand saut définitif dans le délire.

Certes,Images n’est rien à côté de l’énergie primitive de Keith JARRETT, certes "Au-Delà Du Langage" n’égale pas la maîtrise technique de Larry Fast (SYNERGY) ou TANGERINE DREAM, certes "Ataraxie" n’a pas la prétention d’égaler Mike OLDFIELD, certes "Asyle cosmique» a une guerre de retard après CAN et FAUST. Mais ce premier album solo d’Henri ROGER constitue une attraction originale et intéressante pour quiconque aime à explorer la scène expérimentale française. Quatre instrumentations différentes pour une même aspiration: l’improvisation en toute liberté.