Plusieurs albums de HELDON et de Richard PINHAS présentent des traits de construction réguliers : la première face plus longue de plusieurs minutes que la seconde et, surtout, une première face fractionnée et une longue suite de l’autre côté. L’album It’s Always Rock’n’roll introduit cette structure particulière, plutôt deux fois qu’une puisqu’il s’agit tout simplement d’un double album.

Derrière cette référence narquoise aux ROLLING STONES, Richard PINHAS marque, avec It’s Always Rock’n’roll, un palier dans l’évolution musicale de HELDON. Si le style musical demeure sensiblement proche des hypnoses électroniques des deux précédents albums, les sonorités sont plus riches et profondes, les pulsations synthétiques plus nettes, mieux détaillées, en attestent "ICS Machinique", "Cocaine Blues" et "Doctor Bloodmoney". Richard Pinhas profite également du format court pour développer un peu plus encore la dualité entre l’électronique et la guitare, sur "Zind Destruction", sans synthétiseur mais avec des pédales d’effets poussées à l’extrême, et sur "Côtes De Cachalot À La Psylocybine" où riffs électroniques et soli discordants augurent de l’avenir du groupe.

La remarque sur les durées des morceaux n’est pas anodine. Pour la première fois, Richard Pinhas expérimente la construction de deux longues suites musicales approchant les vingt minutes. "Aurore" d’abord, où Richard Pinhas au VCS 3 et Ariel KALMA à l’harmonium dialoguent en une longue méditation brumeuse, qui rappelle "Disjonction Inclusive" (1975) en plus élaboré. "Doctor Bloodmoney" (intitulé d’après un roman de Philip K. Dick) enfin, où Richard Pinhas triture longuement des riffs électroniques semblables à ceux de "Back To Heldon" et "Circulus Vitiosus" (1974), le claviériste Patrick GAUTHIER et le batteur Jean-My Truong (ZAO) lui donnant successivement la réplique.

Le format double album permet en outre à Richard PINHAS de faire des pas de côté. "Méchamment Rock", s’il ne diffère pas frontalement du reste, se distingue par son instrumentation essentiellement électrique, en formation guitares-basse-batterie, d’où le synthétiseur est quasiment absent. La facette acoustique n’est pas oubliée: "Virgin Swedish Blues" et "Ocean Boogi" sont de rafraîchissantes réminiscences des ballades de Allez Téïa (1975). Le contraste avec "Zind Destruction" est brutal.

Un effort ambitieux à saluer. Dans le même style, on peut s’intéresser à l’album Camizole 1975 (1975 / 2018) de CAMIZOLE.

3 ¾ sur 5